DECRYPTAGE. Violences dans les stades de foot : laxisme, Covid-19... les raisons et les solutions

Effet Covid ? Laxisme des clubs et de la Ligue de football professionnel ? L'accumulation des récents incidents sur les pelouses françaises interroge. Si le phénomène n'est pas nouveau, sa récurrence est inédite, et symptomatique.

Une bouteille dans la tête des joueurs, des supporters qui se battent sur le terrain, des insultes qui fusent... Les matchs se suivent et se ressemblent. Depuis le début de la saison de Ligue 1, une dizaine de débordements a eu lieu sur la pelouse, ou en marge des matchs.

L'année 2021, comme 2020, est marquée par la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19. Cela a-t-il pu avoir un impact sur les supporters ? Pour Stéphane Mourlane, maître de conférences en histoire contemporaine récemment invité sur le plateau de France 3 Provence-Alpes, cela peut être une des explications.

"On sent une certaine effervescence, un certain nombre de crispations au sein de la société. Les stades de football constituent historiquement des caisses de résonnance, des miroirs des enjeux et des tensions de notre société. On peut y voir en partie les effets de cette crise… Mais pas seulement"

"Les violences dans les stades sont aussi anciennes que le football, ajoute l'historien. Dès la fin du XIXe siècle, en Grande-Bretagne, on assiste à ces débordements : envahissement de terrain, jets de projectiles."

Le stade, lieu de contestation ?

Si les débordements ne sont pas nouveaux, leur fréquence et leur intensité interpellent. "Avant, la cocotte-minute mettaient du temps à monter en pression, analyse Mathieu Grégoire, journaliste à l'Equipe. Il fallait vraiment qu’il y ait une crise sportive ou institutionnelle profonde dans un club pour que ça pète."

"Là, on a l’impression que la moindre chose peut faire péter une situation, poursuit-il. C’est assez nouveau.(…) Est-ce que le stade ne redevient-il pas un endroit de contestation, de défoulement, pour une partie de la population qui n’a pas d’autres endroits pour exprimer sa frustration vis-à-vis de la société moderne ?"

"Le foot devient une éponge, récupère toutes les frustrations, les attentes, les espérances des supporters", abonde Patrick Mignon, sociologue et auteur du rapport "Les maux du sport. La violence et le stade (1945 à nos jours)" (Vuibert, 2006).

Ces violences sont présentes, depuis "le milieu des années 1970, le début des années 1980", explique Patrick Mignon. L'époque où le football prend une importance qu'il n'avait pas auparavant, les clubs découvrent le modèle italien et anglais. C'est une période "de grandes mutations" en France, la rupture avec la période positive des Trente Glorieuses. 

Le confinement a mis "le couvercle" sur ces frustrations. Elles réapparaissent, exacerbées, depuis le reprise des tournois.

"Il n'y a pas de sanctions assez fortes"

Pour Michel Aliaga, journaliste à la rédaction de France 3 Paca, le Covid est une première explication de ces événements. Le deuxième : "le laxisme des autorités" .

"Quand vous voyez le président de Nice, Jean-Pierre Rivière, ou le président de Lyon, Jean-Michel Aulas, dire 'On aurait pu reprendre, c'est pas très grave...', évidemment ces supporters-là se sentent impunis.

"Et puis il y a la Ligue, après Nice-OM, tout part de là, explique Michel Aliaga. Après l'agression dont a été victime Dimitri Payet les sanctions auraient pu être extrêmement lourdes, dans le football amateur Nice aurait pu être radié(...). Il n'y a pas de sanctions assez fortes et donc, les gens recommencent, il y a une forme d'impunité". 

Pour Patrick Mignon, la répression, est la seule solution apportée aujourd'hui. Les huis-clos, les points de pénalités. "Il faut sortir de ça", explique-t-il. Les sanctions sont, pour le sociologue, liées à la politique de gestion des supporters. "Il faudrait redéfinir le rôle de LFP, du club et de l'Etat" dans cette politique. 

Les choses avaient commencé à avancer un peu avant le Covid. En 2017, la ministre des Sports Laura Flessel avait décidé de reprendre les conclusions du Livre vert du supportésime", coécrit par Patrick Mignon.

L'idée : redéfinir les relations entre les associations de supporters, les clubs les instances et les collectivités locales. Trouver un équilibre entre prévention et répression. Une solution payante en dehors de nos frontières, notamment en Allemagne. "On y trouve notamment la participation des médiateurs sociaux pour être au conseil des supporters".  

Le confinement a enlisé les discussions et les clubs "se sont davantage intéressés à comment gagner de l'argent". Mais pour Patrick Mignon, ce pourrait être une porte de sortie de la crise. "Au lieu d'ordonner des sanctions toujours plus lourdes, il faudrait chercher à comprendre les émotions des personnes concernées. Les pacifier, les civiliser"

"Créer une structure de concertation pour partager la responsabilité entre l'Etat et le monde du foot, faire que le monde du foot prenne ses responsabilités, pas seulement en matière de sécurité, mais sur les passions cultivées par les supporters"

La France, cherche encore son modèle, une politique claire de gestion des supporters, propre à son histoire et à celle de ses clubs. 

"On doit anticiper"

Pour Guy Casadamont, responsable de la sécurité à l'OM pendant 17 ans, "lorsque l’on sent venir le mouvement, on doit anticiper". Cela passe notamment par renforcer la présence de stadiers.

"A Marseille, on a positionné des stadiers permanents face à nos supporters. En appui, derrière, il y a une brigade volante, des stadiers qui accompagnent et encadrent les supporters, il y a également les services d'intervention rapide (SIR) de la police nationale"

Les ministres de l'Intérieur et ceux chargés des Sports rencontreront mardi les
instances du football français pour voir "ce qu'il faut faire" après les incident survenus dimanche soir lors du match OL-OM à Lyon, a indiqué le ministère des Sports à l'AFP.

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