Sur la cinquantaine de résidents occupants la résidence du Roy d'Espagne en janvier, une douzaine refuse toujours de partir, mais ils viennent de recevoir un courrier leur demandant de quitter les lieux avant le 30 juin.
Un choc. Le deuxième pour ces résidents âgés, après l'annonce brutale de la fermeture de leur maison de retraite en janvier dernier. Lundi dernier, ils ont reçu une lettre recommandée leur intimant de quitter les lieux avant le 30 juin. La résidence autonomie du Roy d'Espagne gérée par le groupe Entraide a vendu le terrain à un promoteur qui va y construire 140 logements, au milieu des pins, dans ce quartier recherché du 8e arrondissement de Marseille. Sur les 51 résidents hébergés, ils sont encore 12 à refuser de partir, soutenu par un collectif de riverains.
France 3 Provence-Alpes vous résume les temps forts de la polémique depuis janvier.
Un quartier choqué par l'annonce de la fermeture
C'est à l’occasion des vœux de la direction de l'établissement que les 51 résidents apprennent la nouvelle le 9 janvier 2024. "On nous a trahi, le jour des voeux", confie alors un résident en colère, "heureusement que notre doyenne qui avait fêté ses 100 ans en mai, s'en est allée et n'est plus là pour voir ça ". Pour les familles, la fermeture annoncée est un choc. La perspective d'un déménagement forcé est une souffrance.
Une détresse qui suscite l'empathie des riverains, très attachés à cet établissement installé de longue date. Ils se regroupent au sein d'un collectif. "Les mettre dehors comme de vieux meubles, c'est extrêmement choquant et humainement ça ne passe pas", réagit Béatrice Bertrand, une voisine, membre du collectif.
Le groupe Entraide justifie la fermeture
Le 26 janvier, la direction de l'établissement confirme sa décision. Face à l'indignation suscitée par cette fermeture et le délogement précipité des résidents, la direction du groupe Entraide se défend de vouloir pousser les locataires dehors. Elle promet de les accompagner "avec dignité et humanité" pour trouver des solutions de relogement. "On ne fermera pas tant qu'ils ne seront pas tous relogés", assure-t-elle.
La direction invoque des difficultés financières, qui obligent le groupe à se séparer d'un établissement jugé non rentable, pour "sauver les 650 salariés du groupe et de reclasser les employés du site". Quant à la polémique autour du projet immobilier, elle souligne : "vente du terrain ou pas, la résidence fermera quoi qu'il arrive".
Un élu marseillais saisit le procureur
Déterminé à empêcher la fermeture et la vente de la résidence, le collectif des riverains adresse un courrier de signalement au procureur de la République de Marseille, le 5 février 2024. Une semaine plus tard, l'adjoint au maire en charge des familles, Hervé Menchon, saisit à son tour le parquet de "faits de maltraitance" et pour une gestion "calamiteuse" de la résidence sénior.
En tant qu'élu, il déclare agir en application de l'article 40 du code de procédure pénale, selon lequel les officiers publics ou fonctionnaires ayant connaissance d'un délit ou d'un crime doivent le signaler au procureur de la République. Dans son courrier, l'élu marseillais joint le témoignage d'une ancienne employée du groupe Entraide, gestionnaire du site, datant de 2020. Elle y dénonce la gestion de la résidence et l'enfermement dont auraient été victimes les résidents bien après le premier confinement. L'élu s'inquiète également de "la brutalité avec laquelle les résidents ont récemment pris connaissance du projet de vente et de suppression de leur résidence d’autonomie".
La Carsat Sud-Est assigne le groupe Entraide
Des subventions publiques de plus d'1,3 millions d'euros accordés pour la réalisation de travaux récents posent question. Fin février, le journal La Marseillaise rapporte que la Carsat Sud-Est, qui a financé la rénovation, assigne l'Entraide des Bouches-du-Rhône, propriétaire des lieux, pour non-respect de ses engagements. La caisse de retraite explique qu'en contrepartie des subventions et prêts qu'elle a octroyés, les bénéficiaires s'engagent sur la durée à ne pas fermer ou céder les résidences concernées.
Le juge des référés se prononce incompétent pour trancher le dossier, le mercredi 20 mars 2024, à la grande déception des résidents.
Des résidents font de la résistance
En mars, la résidence a perdu une trentaine de résidents. Mais une poignée de résidents refusent de partir. "Je resterai jusqu'au bout", assure Alain, un résident de 75 ans, qui occupe depuis novembre 2018 un petit studio dans un pavillon dans la pinède, avec un carré de jardin. "Partir c'est perdre ses amis, ses repères, et puis aussi les oiseaux, les arbres et les écureuils".
Les pensionnaires sont épaulés dans leur lutte par le collectif qui organise la résistance avec Me Olivier Le Mailloux. "On déracine les résidents", explique l'avocat, pour qui "cette résidence subventionnée n'aurait jamais dû être vendue à un promoteur privé".
Le collectif porte plainte
Aujourd'hui, "ne restent que ceux qui ne peuvent pas ou qui ne veulent pas partir", note le collectif. Les 12 séniors qui occupent toujours la résidence ont reçu une injonction de partir avant le 30 juin. "On espérait que ça ne se ferait pas, mais ils ont reçu leur lettre lundi dernier", déplore le collectif du Roy d'Espagne, qui ne baisse pas pour autant les bras.
Constitué en association loi 1901 pour pouvoir saisir la justice, il annonce ce 13 mai qu'il va déposer plainte cette semaine. "On se bat jusqu'au bout, parce que c'est illégal. Ils n'auraient jamais dû pouvoir fermer cette résidence", estime-t-il, espérant que la justice agira avant qu'il ne soit trop tard.