Le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé ce jeudi des pistes pour lutter contre la violence des jeunes. Internat, cours d'empathie, travail d'intérêt général pour les parents, sanctions... Une professeure, un CPE et un pédopsychiatre réagissent à ces propositions.
Pour dévoiler l'inventaire de ses idées contre la violence des mineurs, Gabriel Attal a choisi jeudi 18 avril Viry-Châtillon, où Shemseddine a été frappé à mort à l'âge de 15 ans. Entre les valeurs de laïcité, les jugements sans juge et les parents sanctionnés, le Premier ministre a démontré l'étendue des domaines dans lesquels le gouvernement pourrait intervenir afin de lutter contre une immense tâche : le malaise des jeunes. Une professeure, un conseiller principal d'éducation (CPE) et un pédopsychiatre réagissent à ces propositions. Non sans sceptiscisme.
"Là, on mélange tout"
Marion Chopinet est professeure d'histoire-géographie et de théâtre au lycée Antonin Artaud de Marseille. Elle est également secrétaire académique du syndicat SNES-FSU. Lorsqu'elle découvre les déclarations de Gabriel Attal, elle se sent très en colère. "On est aux antipodes de ce que doit être l'école. C'est le choc des savoirs. On rend les élèves responsables des problèmes alors que ce sont eux qui ont des problèmes. Là, on mélange tout : on va exclure, jeter en pâture des élèves alors qu'on sait bien que certains ne sont pas concentrés dans une matière et attentif dans une autre. On est avec des élèves jeunes quand même !"
L'internat, un piège pour certains
Dans les réflexions de Gabriel Attal, on trouve le placement en internat pour éloigner l'enfant de son quartier et de ses mauvaises fréquentations. Selon le pédopsychiatre David Soffer, "l'internat pourrait aider un enfant, ou adolescent, si son cadre parental est fragile. Mais nous ne sommes pas dans cette culture-là, nous ne vivons pas en Angleterre, il faudrait créer beaucoup d'internats en France". Cette mesure peut avoir un effet contre-productif." Certains enfants souffrent d'un style d'attachement insecure. "S'ils se retrouvent en internat, leurs symptômes vont s'aggraver."
Au collège Darius Milhaud, à Marseille, Ramadan Aboudu est CPE (Conseil principal d'éducation) et membre du SNES-FSU. Il a remarqué que les élèves avaient beaucoup souffert des confinements. "C'était un moment de repli sur soi. Les parents n'étaient pas disponibles, ils découvraient le télétravail. Pas de sport, pas d'école, pas de copains, la seule interaction était l'ordinateur." De retour en cours, rien n'était prévu. Cette violence qui explose aujourd'hui a peut-être grandi à ce moment-là. "S'il n'y a pas de vrai plan santé mentale pour les jeunes, ils se replient."
La sanction ne fonctionne pas
Gabriel Attal propose de sanctionner les "parents démissionnaires" en leur faisant faire des travaux d'intérêt général. Une composition pénale sans juge permettrait de sanctionner plus vite les mineurs à partir de 13 ans. Des points seraient retirés aux examens des élèves les plus perturbateurs. Des commissions éducatives seraient chargées de sanctions dès l'école primaire.
"Les sanctions ? C'est inefficace", nous apprend le pédopsychiatre David Soffer,"dès qu'on met en place une sanction, ça fonctionne moins bien. Le bonnet d'âne et les brimades physiques ont été abandonnés car ils ne servaient à rien. Le modèle d'encouragement est plus efficace." Pour ce qui concerne les sanctions contre les parents, susceptibles de payer des amendes "ce serait les mettre encore plus en difficulté."
Le médecin donne l'exemple d'une de ses tantes qui a vécu en Espagne du temps de Franco. "À l’époque, on pouvait laisser la clé sur le contact de la voiture et il ne se passait rien", disait sa tante. "Effectivement, dans une dictature, il y a beaucoup moins de délinquance, la peur des forces de police est à chaque coin de rue. Le signal autoritaire n'est pas le meilleur avec les enfants. La restauration de l'autorité passe par l'exemplarité," commente le médecin.
Aucun moyen supplémentaire annoncé
Chaque année, les syndicats enseignants répètent la même chose : ils veulent des effectifs moins importants et plus de postes. Le vrai cœur du problème a été évité. Nous réclamons encore et toujours des effectifs et des moyens", analyse Marion Chopinet. "Nous ne voulons pas de tri social, ni de groupes de niveaux. Nous savons bien que les élèves progressent tous ensemble dans une classe hétérogène" observe le CPE Ramadan Aboudu. "Aujourd'hui, nous travaillons avec des numéros verts et des sites internet. Nous avons besoin de spécialistes et de moyens au sein même des établissements."