Le procès de l'effondrement de la rue d'Aubagne a commencé ce jeudi 7 novembre à Marseille pour se poursuivre jusqu'à fin décembre. Dans l'ombre des discussions sur l'habitat indigne, la question de vie après le drame se pose notamment autour de la culpabilité du survivant. Le point avec Hélène Romano, psychothérapeute spécialisée en psychotraumatisme.
Le 5 novembre 2018, Julie l'a échappée belle. Cette mère de famille, âgée de 35 ans, vivait alors dans l'immeuble mitoyen du 65 rue d'Aubagne, touché par les effondrements. Le jour de la tragédie, elle a été sommée de quitter très vite son domicile avec ses deux filles. S'ensuit alors des semaines d'errance et surtout une culpabilité folle assaille la jeune femme : "elle culpabilisait des événements et s'était mise à vivre en autarcie dans l'unique but de trouver des réponses à ses questions", témoigne Isabelle Reglioni, présidente de l'association "Le dernier rempart".
Médiatisée en France depuis les attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan, la culpabilité du survivant, cliniquement appelée identification projective aux personnes décédées, désigne la culpabilité ressentie d'être en vie, à la place de ceux qui ont péri, ou de ne pas être mort avec eux, après un drame.
Pour ceux touchés par la culpabilité du survivant, le quotidien peut vite se transformer en calvaire. Hélène Romano, docteure en psychopathologie et psychothérapeute référente de la consultation spécialisée de psychotraumatisme du CHU Henri Mondor à Créteil (94), livre ses explications.
France 3 Provence-Alpes : Quels sont les symptômes du syndrome du survivant ?
Hélène Romano : sur le plan psychologique, les personnes atteintes peuvent connaître un vécu de déréalisation, c'est-à-dire l'impression d'être un peu à côté de sa vie, d'être un usurpateur. Le spectre des souffrances psychiques va du trouble anxieux, souvent avec une hypervigilance car la personne peut craindre d'être rattrapé par la mort jusqu'à la dépression. Concernant la santé physique, des maladies cardiovasculaires ou des maladies auto-immunes peuvent se déclarer.
Enfin, au niveau social, les personnes touchées par le syndrome du survivant ne se sentent plus légitimes de vivre ; les ruptures de lien familial ou amical ne sont pas rares, tout comme les échecs professionnels.
Est-il correctement diagnostiqué ?
Non et pour plusieurs raisons : les personnes qui présentent ce type de troubles ressentent de la honte et de la culpabilité à l'idée d'en parler. Parfois, ils peuvent également entendre des discours minimisant leur souffrance, qu'ils leur rappellent leur chance d'être malgré tout vivant.
Ce déni de la souffrance psychique vient majorer les troubles. Dans la prise en charge des drames, les blessés directs et leurs proches sont priorisés et les témoins secondaires se voient relégués derrière par manque de moyens. Ils passent sous les mailles des dispositifs de prise en charge.
Comment peut-on le surmonter ?
Il n'existe pas de recette magique. La capacité à surmonter cet état dépend de chaque personne et des ressources physiques à disposition avant le drame. Le soutien et la reconnaissance de la souffrance peuvent aider à dépasser le syndrome.