"C'est gravissime" : pourquoi l'Ozempic, un antidiabétique tendance sur TikTok pour perdre du poids, inquiète le milieu médical

L'antidiabétique, détourné de son usage pour perdre du poids, connaît un gros succès auprès des influenceuses sur le TikTok. Ce qui inquiète l’Agence nationale de la sécurité du médicament et l'Assurance maladie et Stéphane Pichon, président de l'ordre des pharmaciens Paca-Corse.

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C'est le nouveau phénomène à la mode sur TikTok et les autorités sanitaires s'alarment du succès de cet antidiabétique détourné pour aider à la perte de poids. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et l’Assurance maladie ont annoncé, mercredi 1er mars, dans un communiqué commun, la "surveillance renforcée" en France de l’Ozempic, utilisé par certaines influenceuses pour maigrir. Ce phénomène pourrait par ailleurs engendrer des tensions d'approvisionnement pour les malades.

Face à cette tendance "extrêmement grave", Stéphane Pichon, président de l'ordre des pharmaciens Paca-Corse, "tire une sonnette d'alarme pour les parents, pour les enfants, les adolescents". France 3 Provence-Alpes vous explique pourquoi.

  • C’est quoi l’Ozempic ?

L'Ozempic, commercialisé par le laboratoire Novo Nordisk, est un médicament injectable, utilisé dans le traitement du diabète de type 2 chez l'adulte. Autorisé depuis 2017 aux Etats-Unis, il a été mis sur le marché en France en 2019.

L'Ozempic agit en se fixant sur les récepteurs d'une hormone digestive appelée glucagon-like peptide-1 (GLP-1), qui permet de contrôler la glycémie. Il stimule la libération d'insuline chez les diabétiques lorsque le taux de glucose dans le sang est élevé. Mais il a un autre effet qui intéresse particulièrement les influenceuses, il ralentit également la vidange de l'estomac et donc agit comme un coupe-faim. 

  • Pourquoi est-il tendance sur TikTok ?

Le phénomène nous arrive d'outre-Atlantique, où l'obésité est un problème majeur. Depuis quelques mois, le sujet #ozempicweightloss est devenu viral sur les réseaux sociaux. Des jeunes femmes postent des vidéos où elles s'injectent de l'Ozempic, vantant les effets miraculeux du médicament pour leur faire perdre des kilos rapidement.

Sur l'application mobile de partage de vidéo TikTok, le hashtag #Ozempic culmine à plus de 500 millions de vues.

Même des stars d'Hollywood craquent pour l'Ozempic, allant selon certains journaux people jusqu'à dépenser de 1 200 à 1 500 dollars par mois avec la complicité de leur docteur ou de leur nutritionniste, pour se faire une silhouette de rêve avant des événements importants. "Tant de gens (et la moitié d'Hollywood) apparaissent tout à coup plus minces, après avoir échangé leur régime contre une dose d'Ozempic", écrit Matthew Shneier dans le New York Magazine.

"C'est une honte, avoir des influenceuses qui mettent en danger la santé des gens, c'est gravissime."

Stéphane Pichon, président de l'ordre des pharmaciens Paca-Corse

A France 3 Provence-Alpes

Le président de l'ordre des pharmaciens Paca-Corse assure avoir alerté les autorités sur ce phénomène depuis plusieurs mois déjà. "Ces influenceuses poussent à la consommation de médicaments inadaptés qui peuvent mettre en danger les personnes qui les utilisent alors qu'elles n'en ont pas besoin."

Face au succès de l'antidiabétique, le pharmacien met en garde aussi les jeunes femmes qui cèderaient à ces sirènes et iraient s'approvisionner auprès de fournisseurs à l'étranger. "Il va y avoir du faux Ozempic, si elles l'achètent sur internet, elles ne seront pas sûres que c'est de l'Ozempic, ce sera du produit injectable et on ne saura pas ce qu'il y a dedans."

  • Quelles sont les craintes de l’ANSM ?

Injecté dans le ventre une fois par semaine, l'antidiabétique a des propriétés coupe-faim permettant des pertes de poids spectaculaires en quelques semaines. Mais la prise de ce médicament sur la durée peut avoir des conséquences graves sur la santé. Vomissements, diarrhée, problèmes gastro-intestinaux... sont les moindres maux. Sur France Info, le docteur Isabelle Yoldjian de l'ASNM pointe "des risques d'affections biliaires ou pancréatiques, de cancer de la thyroïde." 

"Les personnes diabétiques vont avoir un suivi régulier par l'endocrinologue, avec bilan sanguin, mais quelqu'un qui le prend comme ça, il peut se flamber le pancréas, la thyroïde, la femme enceinte qui veut maigrir, elle peut avoir de gros problèmes avec le fœtus", alerte pour sa part Stéphane Pichon. 

"Je suis sidéré qu'on fasse ça pour maigrir, les Français ont quand même entendu parler du Médiator."

Stéphane Pichon

à France 3 Provence-Alpes

Stéphane Pichon soulève aussi les autres risques liés d'administration de ce médicament. "Avec un produit injectable, on cumule tous les problèmes : qui dit qu'on ne va pas se faire une infection en se faisant l'injection parce qu'on a pas l'habitude et qu'on n'est pas formé pour ça ? Le diabétique a une éducation à la thérapeutique, la bonne dose. Est-ce qu'ils ne vont pas se dire : tiens, pour maigrir plus vite; je vais prendre trois fois la dose ? Alors que la dose est déterminée en fonction de la patholodie, du taux de diabète, de son évolution."

"Je tire une sonnette d'alarme pour les parents, pour les enfants, les adolescents, c'est extrêmement grave", insiste le pharmacien.

Si, pour l'heure, aucun accident n'a été signalé, l'ANSM s'inquiète également que ce phénomène de mode n'accentue des tensions d'approvisionnement - liées à la croissance de la demande mondiale -  qui pourraient priver les malades diabétiques de leur traitement.

L'Ozempic a été prescrit à environ 215 000 patients en un an et demi, dont 2 185 peuvent être considérés comme non diabétiques, selon l'ANSM, rapporte France Info. Le détournement représenterait donc actuellement 1 %.

  • Une régulation est-elle envisagée ?

L'ANSM a annoncé le renforcement du suivi des données de vente et de remboursement issues du système national des données de santé, et des déclarations d’effets indésirables aux centres de pharmacovigilance.

L'autorité sanitaire met aussi la pression sur les médecins et pharmaciens. Elle leur rappelle que l'Ozempic ne doit être prescrit qu'aux patients diabétiques. En cas de doute, elle demande aux pharmaciens de refuser et de signaler toutes les ordonnances suspectes, y compris celles délivrées sur les plateformes et applications de téléconsultation. 

"Quelqu'un qui n'est pas diabétique de type 2, qui n'a pas d'autre traitement hypoglycémiant qui prend de l'Ozempic, ça met la puce à l'oreille, approuve Stéphane Picon. On est d'ailleurs en train de mettre en place avec la Caisse régionale de l'Assurance-maladie (Cram) un système d'alerte pour s'assurer que les médicaments sont utilisés par des patients qui le nécessitent."

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