"L'imitation et l'identification" peuvent être à l'oeuvre dans les attaques à la voiture bélier, souligne le Dr Samuel Lepastier, psychiatre psychanalyste après celle mortelle survenue lundi à Marseille où l'enquête s'oriente vers une piste psychiatrique.
3 questions au docteur Samuel LepastierQu'est-ce qui pourrait expliquer la répétition de ce genre d'attaques ?
Il y a un double phénomène : l'imitation et l'identification hystérique à autrui, qui vont de pair.
Ce sont des gens qui n'ont pas toujours conscience de ce qu'ils font et qui se mettent à la place de l'autre pour récupérer les bénéfices de cette personne.
L'exemple classique est celui de la mort de Marilyn Monroe, suivie d'une cascade d'autres suicides. En se suicidant ainsi l'on pense que l'on devient une vedette internationale. Les attaques à la voiture bélier, après Barcelone, Nice et Londres, ont un retentissement médiatique important. Donc c'est aussi un moyen d'accéder à la notoriété en très peu de temps. Le geste importe moins que l'idée qu'on va avoir les qualités d'une sorte de héros du mal qui a foncé dans la foule.
Comment expliquer le meurtre ou la tentative de meurtre ?
Ce qui est plus difficile à comprendre c'est pourquoi quelqu'un pour acquérir un moment de célébrité est capable de tuer alors qu'il s'agit apparemment de personnes qui n'étaient pas auparavant des criminels. Je crois que le problème est assez mal posé. Il n'y a pas de mystère dans le fait de tuer, le vrai mystère réside dans le fait que nous ne tuons pas généralement. Nous sommes spontanément enclins à la violence et nous passons notre temps à la refouler, à la contrôler. Donc la question n'est pas pourquoi on tue mais pourquoi
les mécanismes d'inhibition n'ont pas fonctionné. Il y a plusieurs raisons. Ce qui pousse à l'acte n'est pas forcément idéologique. Les raisons pour lesquelles l'inhibition disparaît dépend des individus. On est toujours rassuré de penser qu'il y a une cause extérieure, comme la prise de drogue, alors que des milliers de gens prennent des stupéfiants tous les soirs et pour autant elles n'utilisent pas de voiture bélier pour tuer leurs semblables.
Quels contextes psychiatriques peuvent être évoqués ?
On peut imaginer une psychose aiguë, l'individu se croit agressé, il fonce. Cela semble à Marseille peu probable puisqu'il s'agit d'un geste coordonné qui reproduit ce qui a déjà été fait. Ce n'est pas par hasard: l'attaquant a visé, non pas un seul, mais deux abribus. Autre cas envisageable, quelqu'un de plutôt psychopathe, un déséquilibré qui n'a pas d'inhibition et qui passe à l'acte très facilement à la moindre contrariété.
Il s'agit aussi, parmi d'autres hypothèses, d'une personne souffrant d'un délire au long cours qui aurait une poussée à un moment ou un autre pour telle ou telle raison. Mais on ne peut pas déduire un diagnostic d'un comportement, puisqu'un même comportement peut renvoyer à plusieurs diagnostics.
Enfin, en consultation, face à un patient qui évoque une action violente, il n'est pas toujours facile de faire la part de ce qui est une provocation d'une intention réelle.