Les habitants de La Millière s'inquiètent de l'impact sur l'environnement et sur leur santé d'une chaufferie à Combustibles SR envisagée pour Arkema en 2027.
L'usine d'Arkema fait partie du paysage de Saint-Menet, dans le 11ᵉ arrondissement de Marseille, depuis 1955. Les riverains ont appris à vivre avec les nuisances et les risques liés à ce site classé SEVESO seuil haut, au cœur de la vallée de l'Huveaune. C'est un nouveau projet baptisé "Huveaune Energie Circulaire" qui suscite depuis plusieurs mois l'inquiétude des habitants du quartier tout proche de la Millière. Dalkia, filiale d'EDF souhaite y implanter une chaufferie alimentée par des déchets non recyclables, des combustibles solides de récupération (CSR). Des encombrants et autres refus de tri destinés à l'incinération.
Chaudière ou incinérateur ?
"Ils utilisent le terme chaudière parce que ça fait moins peur qu'incinérateur, mais les CSR, c'est 30 % de bois, 45 % de papiers-carton, 10 % de plastiques, 10 % de textiles et parfois des matières non recyclables, comme des pneumatiques ou des déchets de construction", alerte Myriam Janin, porte-parole du collectif "Marseille sans CSR", qui s'est créé le 8 novembre dernier.
La chaufferie CSR (environ 140 000 MWh par an) permettra de fournir à Arkema 200 000 tonnes de vapeur chaque année pendant 20 ans. Et de réduire ainsi sa consommation de gaz naturel. "En participant à la réduction de la dépendance aux énergies fossiles d'un acteur majeur, tout en proposant une alternative à l'enfouissement [qui sera interdite à l'horizon 2030], le projet se situe au cœur de la transition écologique", explique Dalkia dans le dossier de la concertation préalable menée du 8 septembre au 11 octobre 2023.
"Je peux comprendre l’inquiétude, mais c’est du bon sens environnemental", a réagi Sylvain Souvestre, maire (LR) du 11-12, dans La Marseillaise.
Cette chaleur pourra ensuite être convertie en électricité, ou bien utilisée dans le cadre d'un processus industriel.
DalkiaDossier de concertation préalable
La peur des fumées toxiques
Pour Bernard Donadio, de France Nature Environnement (FNE) 13, membre du collectif, ce projet "apparemment très vertueux" présente des risques de pollution pour l'environnement et pour la santé des habitants. Il s'inquiète de l'installation d'une "chaudière" sur un site SEVESO, mais aussi des fumées issues de la combustion.
Daklia a beau assurer que les fumées seront "traitées avec des systèmes répondant aux plus hautes exigences en matière environnementale et feront l'objet d'un suivi continu", le collectif pointe les risques persistants d'une épuration insuffisante.
"A moins de 450 mètres, il y a une école primaire, une maternelle, une crèche et un centre social", souligne pour sa part Myriam Janin. Selon le collectif, en fonction des vents, ces fumées pourront impacter aussi bien Saint-Menet, la Millière, La Penne-sur-Huveaune, que la Barasse, Saint-Marcel ou la Valbarelle.
45 000 tonnes de CSR brûlées par an
Le bruit, la pollution et un risque accru d'accidents. Ce sont les autres nuisances redoutées par les riverains à cause des 45 000 tonnes de CSR qui seront brûlées dans l'enceinte d'Arkema Saint-Menet chaque année. Pour acheminer les matériaux et évacuer les résidus de la combustion, il faudra des camions. Dix poids lourds par jour, chiffre Dalkia. Un ballet quotidien de camions qui traverseront la Millière, leur circulation étant interdite à la Penne-sur-Huveaune. "Ils prétendent qu'ils pourraient entrer par ailleurs, mais vu qu'il y a l'Huveaune et l'autoroute, je ne vois pas comment ils pourront faire autrement, à moins de construire un pont gigantesque", ironise Myriam Janin.
La porte-parole du collectif met également en avant le Plan de Prévention des Risques Techniques (PPRT) qui interdit toute nouvelle construction dans un périmètre de 450 mètres autour de l'usine.
Comment est-il possible de Dalkia construise une chaudière "incinérateur" dans l'enceinte d'Arkema alors que tous les riverains autour n'ont pas le droit de construire ?
Myriam Janin, collectif Marseille sans CSRFrance 3 Provence-Alpes
Face aux inquiétudes exprimées par les riverains, la mairie centrale réserve pour l'heure son avis auprès de la préfecture. "Nos services planchent sur les questions des risques 'qualité de l’air' et d’impact concret des opérations industrielles envisagées", a indiqué à La Marseillaise Jean-Pierre Cochet, adjoint (PS) en charge de la gestion des risques à la Ville.
Des propositions alternatives
"Tant qu'ils réservent leur avis, le projet ne peut pas avancer", se réjouit Myriam Janin. Un temps que les opposants entendent bien mettre à profit pour structurer leur défense au sein du collectif. Une pétition adressée au préfet des Bouches-du-Rhône, a été mise en ligne. Elle a déjà recueilli plus de 850 signatures. Après la concertation préalable des habitants, viendra l'enquête d'utilité publique en 2024. Pour un début des travaux prévus fin 2025 et une mise en service fin 2027.
Pour le collectif, il y a urgence. "Notre objectif, c'est qu'on n'arrive pas à l'enquête publique, nous voulons enterrer le projet avant, on sait très bien que si on rentre dans l'enquête publique, c'est fini", explique sa représentante.
Bernard Donadio dit comprendre "la volonté de Dalkia de réduire sa dépendance aux énergies fossiles et au gaz d'importation", et selon lui, il existe des alternatives plus respectueuses de l'environnement et moins génératrices de nuisances. Le collectif propose ainsi l'installation de panneaux photovoltaïques sur l'autoroute sur l'A50 à Saint-Menet. Quant au traitement des déchets non recyclables, il propose de les valoriser grâce au procédé innovant de fossilisation mis au point par la start-up Néolite pour les transformer en graviers, utilisables dans le secteur du BTP.