Quatre choses à savoir sur Emery Mwazulu Diyabanza, ce militant qui "vole" des objets africains dans les musées

Pour dénoncer le "pillage" culturel de l’Afrique, cet activiste a tenté de s'emparer d'une épée en ivoire au Musée des arts africains, océaniens et amérindiens, à Marseille. C'est loin d'être un coup d'essai pour celui qui s'est déjà attaqué au musée du Louvre ou au quai Branly.

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Certains le considèrent comme un Robin des Bois contemporain. Sauf qu’à défaut de voler aux riches pour donner aux pauvres, Emery Mwazulu Diyabanza dérobe des œuvres d’art pour "rendre à l’Afrique son héritage". L’activiste congolais est jugé au tribunal correctionnel, mardi 17 novembre, pour avoir volé une épée en ivoire au Musée des arts africains, océaniens et amérindiens, à Marseille.

France 3 vous dévoile quatre choses à savoir sur celui qui assure qu'il n'est pas "animé par la vengeance mais par la volonté ferme de combattre l’injustice".  
 

• 1.  Il s'est établi en France en 2012

Né à Kinshasa, au Congo, cet auto-entrepreneur de 42 ans, qui propose à la vente en ligne des objets électroniques, selon ses dires, partage son temps entre Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), où il s'est installé en 2012 selon Le Monde et la capitale du Togo. Fondateur et membre de l’association panafricaine Unité, dignité, courage (UDC) depuis 2014, Emery parle de "diplomatie active" pour décrire les actions de son mouvement. Ce dernier revendique "plus de 700 000 membres" éparpillés en Europe et en Afrique, mais son compte Facebook compte un peu moins de 30 000 abonnés, rappelle Le Figaro.  

Ses actions prennent généralement la forme de "campagnes de sensibilisation" ou de "marches pacifiques", assure-t-il. En 2015, il organise ainsi une marche contre le franc CFA et la présence des bases militaires françaises en Afrique. L’activiste congolais explique compter sur le soutien de son épouse et de ses 3 enfants : "Heureusement car sans eux, ce serait difficile de tenir. A chaque procès, c’est la pression à la maison." 
 

2. Il veut récupérer les œuvres "pillées en Afrique"  

Emery Mwazulu Diyabanza se sent investi d'une mission de taille : récupérer, dans des musées européens, des œuvres pillées en Afrique durant l'ère coloniale, symboles du "colonialisme et de l'esclavagisme". Dans quelques jours, "voire même d’ici 48 heures seulement", il dévoilera la nouvelle affiche du Front Multiculturel Anti Spoliation (FMAS) sur sa page Facebook. "Notre fédération réclame une résolution de l’ONU qui contraindra les pays occidentaux à restituer le patrimoine qui ne lui appartient pas", assure-t-il.  
 
Dans un discours à l’université de Ouagadougou, le 28 novembre 2017, Emmanuel Macron a évoqué la nécessité pour la jeunesse africaine d'avoir accès à son patrimoine et a promis de restituer aux pays africains leurs œuvres d’art conservés dans les musées nationaux français. Un rapport des universitaires Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, remis au gouvernement en novembre 2018, appelait à de vastes restitutions des objets arrivés en France pendant l'époque coloniale. Aujourd'hui, seul un sabre a été rétrocédé au Sénégal et 26 objets le seront d'ici un an au Bénin.

"On n’est pas des fous, on sait que ça demande beaucoup de logistiques ! On souhaite simplement que la France fasse une déclaration actée à valeur juridique et à portée internationale (une loi) dans laquelle elle reconnait le pillage et accepte la restitution immédiate des objets" explique-t-il.  

"Notre démarche n'est pas seulement la restitution des œuvres mais la manière dont elles doivent être restituées, nous voulons effacer l'humiliation, les actes de violence et de barbarie, par des actes de dignité et de courage. Notre acte est de la 'diplomatie active' qui a permis de bouger les lignes jusqu'au plus haut sommet", affirme-t-il à la BBC.

• 3. Il a un mode d'action bien particulier   

Son "combat pour la restitution de l’art aux peuples opprimés" commence le 12 juin 2020. "En France, pour notre action politique, nous visions deux musées : le Quai Branly et celui de Marseille", précise-t-il. C’est donc à visage découvert et filmé par un complice ce jour-là qu’il s’empare d’abord d’un poteau funéraire d’origine tchadienne au musée du Quai Branly. Une action qui lui vaudra une condamnation à 1 000 euros d’amende pour "vol aggravé", le 14 octobre, par le tribunal correctionnel de Paris. Pas de quoi décourager Emery Mwazulu Diyabanza qui décide de déposer plainte pour "vol et recel de biens" contre l’État français.

A Marseille, les faits remontent au 30 juillet. En compagnie d’autres militants, Emery Mwazulu Diyabanza déambulent dans les allées du musée des arts africains, océaniens et amérindiens, à Marseille. "La plupart des œuvres étaient enfermées dans des cercueils en verre. Ça m’a bouleversé", explique-t-il. Son œil est tout de suite attiré par un sabre originaire de la Papouasie-Nouvelle-Guinée qui, lui, est accessible au public. 
 
"Pour nous et nos traditions, c'est une symbolique très chargée, assure-t-il. C'est un génie qui donne cette épée au peuple pour l’aider à gouverner, et le conduire vers une seule voie."  Il s’en saisit alors et fait le tour du musée, l’arme entre les mains : "Il fallait que je libère les énergies et que je sorte cette pièce de sa prison, le musée." 

Elle répondait à ses deux exigences : unir tous les peuples qui ont été dépossédés (pas uniquement ceux du continent africain) et les conduire sur une "autoroute culturelle toute tracée avec, à l’arrivée, la récupération de leurs biens".  La scène est filmée, puis la police intervient. Tous sont placés en garde à vue.

Le 10 septembre, il poursuit son combat aux Pays-Bas cette fois-ci en tentant de subtiliser une sculpture congolaise à l’Afrika Museum de Berg en Dal. Arrêté par la police, il a été relâché au bout de huit heures de garde à vue.  

Il remet ça le 22 octobre au musée du Louvre à Paris où il tente de voler une "sculpture nage" (Figure d’esprit tutélaire) de la fin du XVIIIe siècle, provenant de l’île de Florès (Indonésie orientale). "Les équipes du musée du Louvre sont intervenues immédiatement", précise la direction de l'établissement. "C’est la même chanson partout, on m’accuse d’un vol en réunion ! Mais nous ne sommes ni voleurs, ni casseurs. On recherche juste un symbole pour porter la voix des peuples opprimés autour d’une vision commune", lâche-t-il.   
    
Son procès à Paris est fixé le 3 décembre prochain, et aux Pays-Bas en janvier 2021. Jusque-là, il lui est interdit de se rendre dans un musée. "J’ai promis que je ne remettrai plus un pied dans un musée, mais je trouverai d’autres mécanismes pour faire pression", confie-t-il.  
 

• 4. Ses actions divisent les partisans de la restitution

"Mes pensées vont à mes dignes et valeureux ancêtres qui m’ont mis sur la voie de ce combat pour la récupération directe de notre patrimoine", écrit-il dans son dernier post, publié il y a trois jours, à l’occasion de la journée internationale contre le trafic illicite des œuvres d’art.

Mais ces multiples opérations ne font pas l'unanimité chez les partisans de la restitution. La théoricienne et curatrice Lotte Arndt y voit un geste "intéressant, car il inverse la question de la légitimité de décider des usages de ces objets muséifiés, souvent de force, et pointe l’onéreux prix d’entrée, qui impose de fait une barrière à l’accès", explique-t-elle au Monde. Mais Marie-Cécile Zinsou, présidente de la Fondation Zinsou, au Bénin confie au quotidien être "atterrée". "Ça risque de tout gâcher au moment où le dialogue est débloqué", se désole-t-elle.
 
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