Quatre questions sur la fermeture des urgences psychiatriques de l'hôpital Nord à Marseille

Les urgences psychiatriques d'Edouard-Toulouse à Marseille pourraient fermer leurs portes. Une fermeture de service de plus qui "enrage" Kader Benayed, secrétaire général du syndicat Sud Santé.

L’hôpital public ne sort pas la tête de l’eau, bien au contraire. Nouvelle victime du système de santé : le service des urgences psychiatriques de Marseille. La fermeture du Cap 72 - centre psychiatrique Edouard-Toulouse - a été votée à l’unanimité par la commission médicale d’établissement (CME). La décision finale est à présent entre les mains de la direction.

1. Pourquoi les urgences ferment-elles ?

Raison affichée, le manque de personnel. Pour Kader Benayed, secrétaire général Sud santé au centre psychiatrique Edouard-Toulouse, cette pénurie médicale est "plurifactorielle". Elle est d’abord territoriale : "ici, on gère les quartiers compliqués et les plus paupérisés. À salaire égale, les médecins préfèrent aller soit à Valvère, soit à l’AP-HM. Ce n’est pas le même public. Il faudrait une prime de travail en territoire difficile et défavorisé, comme en Seine-Saint-Denis", déplore Kader Benayed.

Pour lui, l’application de la loi Rist, depuis le 3 avril 2023, n’a en rien arrangé la situation. "C’est censé encadrer l’intérim médical, mais le privé en est exonéré ! Donc les médecins y vont plutôt que de rester à l’hôpital public". Pour finir, le secrétaire général se montre ferme sur une chose : "la permanence des soins incombe à tous ! Personne ne nous aide, on nous laisse crever la faim", martèle-t-il, très en colère.

2. Où vont pouvoir se diriger les patients ?

Le service des urgences accueille des patients grâce à huit lits et une chambre sécurisée. Ils prennent en charge et évaluent les patients pendant 72h, 7j/7 et 24h/24. En théorie. Puisqu’en pratique, cela est déjà bien différent. "Aujourd’hui, dès 18h, on n’accueille plus de patients, ils sont redirigés vers la Conception. Là, avec la fermeture du service, la Timone sera le seul service à pouvoir accueillir ces patients. Notre problématique d'aujourd'hui est la leur de demain."

3. Quel est le risque de cette fermeture ?

Pour Kader Benayed, la crainte est déjà présente. "J’ai peur d’une ségrégation territoriale. Qu’ils n’acceptent pas de soigner nos patients, parce qu’ils viennent des quartiers nord. On va être face à une inégalité d’accès aux soins". Des patients pourtant déjà confrontés à de nombreuses inégalités.

"Nous avons le taux de chômage le plus important, les problèmes de dépendance à la drogue est très important, et on rajoute une inégalité aux soins. On a l’impression d’être "bunkérisés" dans toutes les formes d’inégalités. La Timone c’est la vitrine, et nous c’est le tiers monde", se désole-t-il. Des quartiers dans lesquels la crise mentale a été multipliée pendant le Covid, et "qui a généré des nouveaux besoins auxquels ont ne peut pas répondre".

4. Quelles seraient les solutions selon le syndicat ?

Le syndicat Sud Santé s’est mobilisé ce lundi 5 juin "en espérant le début de quelque chose". Des collègues de l'AP-HM se sont joints en soutien au mouvement, accompagnés du secrétaire général Karim Djeballi. "Ils craignent l'impact de cette fermeture sur leurs conditions de travail".

Selon Kader Benayed, les décideurs doivent apporter des solutions auxquelles le syndicat a déjà réfléchi. "En plus de la prime de travail en territoire difficile dont je vous parlais tout à l’heure, on peut modifier l’application de la loi Rist, de façon à ce que le privé soit aussi concerné. Il faut aussi que les médecins rendent à la France, ce que la France leur a donné, que les libéraux donnent de leur temps à l’hôpital public", propose Kader Benayed. "Une chose est sûre, on ne peut pas couvrir le bruit du tambour en jouant du pipeau".

Kader Benayed se dit "enragé" face à cette situation qui se dégrade depuis 2019. "Il y a une accélération des fermetures de lits, on baisse les capacités d’accueil sous prétexte de pouvoir rester ouvert", raconte-t-il, désemparé. Pour illustrer ses propos, il n’hésite pas à prendre l’exemple de la fermeture "censée être temporaire" de l’USIA, seule unité de soins intensifs pour adolescents du département. Les portes du service sont fermées depuis juin 2022. "Au mieux, le jeune est prise en charge dans un service pour adulte, au pire, il n’est pas soigné", martèle-t-il.

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