La réforme prévoit de placer l'ensemble des services de police d'un département sous l'autorité d'un seul Directeur départemental, dépendant du préfet. La procureure de Marseille a exprimé son inquiétude pour ce projet de réforme.
La procureure de Marseille, dont la juridiction traite d'affaires de grande criminalité liée notamment à des réseaux complexes de trafic de drogue, a exprimé vendredi 30 septembre de l'"inquiétude" face au projet de réforme de la police judiciaire.
"Notre dernier sujet de préoccupation, c'est celui de la réforme de la police judiciaire (...) qui doit nous être prochainement présentée", a déclaré la procureure de la République, Dominique Laurens, lors de l'audience de rentrée, au tribunal judiciaire de Marseille, le troisième le plus important de France.
Porté par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et le Directeur général de la police nationale Frédéric Veaux, le projet prévoit de placer tous les services de police d'un département : renseignement, sécurité publique, police aux frontières (PAF) et police judiciaire (PJ), sous l'autorité d'un seul Directeur départemental de la police nationale (DDPN), dépendant du préfet.
La crainte d'une dilution des savoir-faire
Il rencontre l'opposition de nombreux enquêteurs de la PJ qui craignent la dilution de leur savoir-faire, voire l'abandon de certains territoires. "Qui sera en capacité prochainement de traiter nos enquêtes de fraudes sociales, fiscales, nos enquêtes que nous souhaitons engager sur le grand circuit de blanchiment ou sur le détournement de fonds publics ?", s'est interrogée Mme Laurens.
"Comment pourrons-nous nous concentrer, nous consacrer, sur ce que nous voulons faire sur les circuits de l'argent sale issu des points de vente de stupéfiants (...) pour que nous tracions cette chaîne de l'argent qui circule et qui remonte vers les délinquants qui sont (...) réfugiés à l'étranger?", a-t-elle poursuivi.
Marseille dispose d'une Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) qui a compétence sur tout l'arc méditerranéen pour la grande criminalité, dont le trafic de drogues.
Une réforme "porteuse d'un certain nombre de dangers"
"Le choix qui a été fait de bâtir un dispositif sur le département nous paraît effectivement problématique sur la pertinence opérationnelle à repérer ces équipes (criminelles) qui sont extrêmement mouvantes et qui bien évidemment s'affranchissent totalement de ces frontières" administratives, a encore estimé la procureure.
Avant elle, le procureur général près la Cour de cassation François Molins avait jugé début septembre que la réforme était "porteuse d'un certain nombre de dangers". Le procureur général de la cour d'appel de Versailles Marc Cimamonti avait lui qualifié de "quatre fois mauvaise" cette réforme.
Deux missions d'information sur ce projet, qui suscite l'hostilité de nombreux enquêteurs mais aussi de magistrats, vont être lancées à l'Assemblée nationale et au Sénat. Avec AFP