Les avocats sont eux aussi concernés par la réforme des retraites. En avril, un amendement qui sous-entend la suppression des régimes autonomes a été voté. Supprimé le 5 mars dernier, l'Union des jeunes avocats (UJA) du barreau de Marseille appelle à la plus grande prudence.
Comme un air de déjà vu pour les avocats. Quand le projet de réforme des retraites est revenu sur le tapis, les hommes à la robe noire étaient d’abord soucieux, puis rassurés. Fin 2022, un communiqué leur assurait que les régimes autonomes, comme celui des avocats, ne seraient pas impactés par la réforme.
Bis repetita
Jusque-là, pas d’inquiétude. C'était sans compter sur le vote, en février 2023, de l’amendement 19661 qui prévoit que "dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le gouvernement remet au Parlement un rapport sur la possibilité, les conditions et le calendrier de mise en œuvre d’un système universel de retraite faisant converger les différents régimes et intégrant les paramètres de la réforme prévue par la présente loi."
Un amendement qui sous-entend donc la suppression des régimes autonomes comme celui des avocats, pour tendre vers un régime général. Et cette fois, l’adoption s’est plutôt faite dans le silence. C'était d'ailleurs l'intention de ne pas trop attirer l'attention. Souvenez-vous en 2019, lors du premier projet de réforme des retraites, les avocats faisaient partie du lissage des régimes et perdaient ainsi leur régime autonome, pour rentrer dans le régime général. Cela avait entraîné la plus grande grève de l’histoire des avocats.
Appel à la plus grande vigilance
Mais pour ce nouveau chapitre, il est une fois de plus, pas question de laisser passer. "Si on n’avait pas été vigilants, on se serait dirigés vers la fin du régime autonome des avocats", martèle Michael Amas Forcioli, vice-président de l’UJA de Marseille.
Si au final, cet article 1er bis a été supprimé - grâce à la défense du Conseil national des barreaux, de la conférence des bâtonniers et le barreau de Paris – le 5 mars dernier, l’Union des jeunes avocats du Barreau de Marseille appelle ses adhérents et l’ensemble de la profession à la plus grande vigilance.
Car pour autant, "la préservation de notre régime autonome n’est toutefois pas encore définitivement acquise. La réintégration de l’amendement litigieux par une commission mixte paritaire est possible, explique Pauline Costantini Rabinoit, présidente de l’UJA. Je pense même qu’il risque d’être réintroduit, car c’est vraiment la volonté du gouvernement de faire disparaître tous les régimes autonomes, même quand ça n’a pas vraiment de sens de le faire ".
On craint que le gouvernement tente, par tous les moyens possibles, de faire passer ce texte-là. Et nous ce qui nous fait peur, c’est le 49.3, qui serait dramatique
Michael Amas Forcioli, vice-président de l'UJA du barreau de Marseille
Si jamais cela était amené à arriver, la présidente de l’UJA du Barreau de Marseille l’affirme : les avocats seraient amenés à rentrer à nouveau en grève, à manifester et bloquer les juridictions comme ça a été le cas en 2019/2020.
Quelle est la spécificité du régime de retraite des avocats ?
Si les avocats défendent leur peau, c’est parce que leur régime des retraites est différent de celui des autres professions libérales.
Pour faire simple, les avocats cotisent tout au long de leur carrière, auprès de la Caisse nationale des barreaux français (CNBF). Au moment de la retraite, les défenseurs bénéficient d’une pension de retraite dont le forfait varie en fonction du nombre d’années de cotisation. Pour l’année 2023, le montant de la pension annuelle servie par le régime de base pour une carrière complète est de 18 299 euros, soit 1 524.91 euros par mois.
"Le régime des avocats n’est pas un régime spécial comme celui des cheminots, il est autonome", explique la présidente de l'UJA du barreau de Marseille. Cela signifie qu'il est :
- Equilibré : il ne coûte rien au contribuable ;
- Pérenne : il garantit un équilibre des régimes de bases et complémentaires jusqu'en 2079 ;
- Solidaire : il reverse chaque année 100 millions d'euros au régime général.
Quelles sont les conséquences de basculer dans le régime général ?
"Appartenir au régime général, ça signifie payer davantage de cotisations, mais avoir moins de pension, explique Pauline Constatini Rabinoit. Sont concernés les plus jeunes, les plus petits cabinets et cabinets individuels qui constituent la majorité de la profession". De cela, découlent plusieurs problèmes.
- D'abord, un impact sur le justiciable. "L'augmentation des cotisations entraînerait une augmentation des honoraires et moins d'avocats accepteraient d'intervenir à l'aide juridictionnelle, qui n'est pas une obligation pour les avocats", argumente la présidente de l'UJA.
- Ensuite, selon la présidente, la suppression du régime autonome entraînerait des contraintes financières conséquentes pour les jeunes avocats, " en sachant qu’on a déjà une grosse perte de jeunes avocats dans les trois ans qui suivent le début de l’exercice, car il y a trop de charges et que la profession s’est vraiment paupérisée. Faire ça n’arrangera pas la situation".
Pour elle, supprimer le régime autonome n’a aucun sens, que ce soit au niveau économique, politique et moral. "Le gouvernement veut juste récupérer la caisse du régime des retraites des avocats, qui s'élève à 4 milliards d'euros", martèle la présidente de l'UJA. Selon elle, aucune autre raison à l'horizon, au vu de l'autonomie du régime. Donc tant que le texte définitif n'est pas voté, les avocats resteront attentifs.