Les 13es Assises nationales de la biodiversité débutent mardi dans la cité phocéenne. Objectif : sensibiliser et inciter les décideurs à agir.
"Notre volonté est d’associer tous les acteurs du territoire et d’intégrer l’enjeu de la biodiversité à l’ensemble des politiques publiques déployées sur le département". Martine Vassal, présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, qui accueille les assises nationales de la biodiversité à Marseille du mercredi 5 au vendredi 7 juillet, affiche de grandes ambitions.
Le défi est de taille. Il suffit de se pencher sur le programme de ces assises : santé, économie et fiscalité, société, mer, aménagement du territoire, agriculture, espaces naturels. La biodiversité est un sujet qui traverse tous les sujets. France 3 Provence-Alpes fait le point sur les dossiers brûlants de cette édition.
Accompagner les agriculteurs vers l'agroécologie
Mouche asiatique du cerisier, scarabée du Japon, sans compter les parasites endémiques : la charge devient lourde pour les agriculteurs. Ils ont pour mission de garantir au mieux notre souveraineté alimentaire, tout en favorisant la culture de sols vivants, dans un environnement sain, en freinant ou stoppant l'utilisation des produits phytosanitaires. Des missions ressenties parfois comme un empilement de contraintes insurmontables. La colère des producteurs de cerises en est l'un des exemples les plus récents.
Pourtant, des solutions existent, à condition d'être informé et aidé et de s'engager sur du "long-terme", comme l'explique Bérangère Lamriben. Conseillère au Pôle Eau et Environnement de la chambre d'agriculture des Bouches-du-Rhône, elle figure parmi les intervenants de l'une des nombreuses table-ronde de ces Assises de la biodiversité.
"L'agro-écologie peut rééquilibrer un environnement sur du long-terme."
Bérangère Lamribenà France 3 Provence-Alpes
Elle y expliquera comment une soixantaine d'agriculteurs ont été accompagnés vers des aménagements privilégiant l'agroécologie : "Nous répondons à leurs objectifs légitimes de rendement"
En les accompagnant pour l'implantation de haies, nichoirs, enherbements, voire de mares, cela leur permet d'offrir le gîte et le couvert aux espèces qui pourront être des auxiliaires utiles aux cultures : coccinelles contre les pucerons, ou vers de terre pour stabiliser le sol, par exemple.
"Ces structures d'agroécologie favorisent habitat et ressource pour une biodiversité généraliste, qui pourra rééquilibrer une situation sur le long terme, explique Bérangère Lamriben. Cela prend plus de temps, mais des prédateurs naturels viennent à terme concurrencer les espèces qui posent problème. Et pour cela, on travaille à l'échelle individuelle de l'exploitation".
Prendre en compte les enjeux sanitaires
Favoriser la biodiversité, c'est prendre en compte des enjeux sanitaires et de protection de la santé. "Le concept "Une seule santé-One Health" devrait bientôt circuler partout", assure Célia Gratadour, coordinatrice du programme de ces 13es assises nationales de la biodiversité.
Cette approche, "une seule santé pour les êtres vivants et les écosystèmes", démontrée scientifiquement, est désormais défendue par l'Inrae, l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'Anses (agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail), ou le programme des Nations unies pour l'environnement, entre autres.
En clair, explique Célia Gratadour, "une attention insuffisante aux changements climatiques et aux atteintes à la biodiversité menace directement notre santé".
"La perte de biodiversité contribue à l'émergence de nouvelles maladies. Déjà six pandémies depuis 2000."
Le docteur Pierre Souvet, président de l’Association santé environnement Franceà France 3 Provence-Alpes
Le docteur Pierre Souvet, cardiologue dans les Bouches-du-Rhône et président de l’Association Santé Environnement France, donne les détails qui ont mené à ces conclusions : "Une meta-analyse de 143 études à travers le monde a démontré que le risque de mortalité baisse de 31% dans un cadre de vie situé à proximité d'espaces verts. Un environnement composé d'une biodiversité de bonne qualité améliore le microbiote, cutané et digestif, limite les maladies chroniques, sans parler des maladies zoonotiques."
Le médecin précise : "Si on rase une forêt, on a plus de chance de rentrer directement en contact avec un virus. C'est pour cela, en plus de l'intérêt dans la lutte contre les vagues de chaleur, qu'il faut reverdir les écoles, les villes, les espaces en général".
Protéger la posidonie pour limiter l'impact des changements climatiques
Ces herbiers sous-marins, poumons verts de la Méditerranée, ont vu leurs surfaces disparaître de 10 à 30%, selon les estimations, en moins d'un siècle. Les posidonies constituent pourtant l'un des freins indispensable face aux changements climatiques. Cette plante sous-marine est capable de capter le carbone en surface et de le stocker dans les fonds marins. Mais, c'est loin d'être sa seule qualité.
Gérard Pergent, professeur en écologie marine à l'Université de Corse, l'explique, une estimation financière de ces services rendus a même été établie
"Décarbonation, limitation de l'érosion, production d'espèces marines que nous consommons : on estime qu'un hectare de posidonie rapporte entre 50 000 et 150 000 euros par an."
Gérard Pergent, professeur émérite en écologie marine à l'Université de Corseà France 3 Provence-Alpes
En Corse, la baie de Sant'amanza sur la partie orientale au-dessus de Bonifaccio a souffert d'une explosion de la grande plaisance depuis une dizaine d'années. Sur la plage de Balistra les herbiers ont été détruits sur 17 hectares.
Gérard Pergent a dressé un état des lieux de ces herbiers et participé à l'élaboration d'un espace protégé, limitant le stationnement des bateaux de plus de 24 mètres à 14 coffres d'amarrage posé sur les zones sableuses, avec interdiction de stationner sur l'herbier. "On a baissé de 98% l'ancrage dans la baie, explique le professeur. Depuis, on essaye de replanter les herbiers de posidonie, on en est à 200 m2, mais ça va être très long car la posidonie grandit très lentement".
La question, ajoute le professeur, c'est de savoir ce que l'on veut faire avec la plaisance. Dans la région, la ZMEL de Bagaud à Port Cros par exemple a été mise en place, un projet est en cours à Porquerolles.