TEMOIGNAGE. "Ça sera sûrement la pire année en règlements de compte", assure un ancien acteur du réseau de drogue à Marseille

Au moins quinze personnes ont perdu la vie à Marseille sur fond de trafics de stupéfiants depuis le début de l'année 2023. Un ancien acteur de ce réseau de stupéfiant explique ces fusillades en série.

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Cinq fusillades, dans cinq lieux différents, en une seule soirée. Elles se sont déroulées dans la nuit de mercredi 12 à jeudi 13 avril 2023. Bilan : trois blessés, et un mort. Ces tirs interviennent moins de deux semaines après trois fusillades qui avaient fait trois morts à Marseille, dont un adolescent de 16 ans, et huit blessés. Pour ces fusillades dans la nuit du 2 au 3 avril, le parquet avait évoqué "une logique de contrôle des territoires, notamment celui de la cité de la Paternelle, et une logique de vendetta" entre bandes rivales régnant sur les trafics de stupéfiants.

C'est à La Paternelle, une cité des quartiers Nord de la ville, qu'un adolescent de 17 ans, connu pour "dealer", avait été lynché à mort mi-février. Là aussi que, fin mars, le corps d'un homme de 20 ans, criblé de balles, avait été retrouvé, abandonné sur un terrain vague, a priori plusieurs jours après avoir été mortellement touché. 

"Tout est parti d'une histoire de glaçons"

D'après nos sources, tous ces règlements de compte seraient liés. Et tout aurait comme point de départ une soirée en Thaïlande. C'est dans ce pays asiatique, que vivraient une partie des têtes pensantes du trafic de stupéfiants marseillais. Lors d'une soirée bien arrosée en boîte de nuit, un groupe de jeunes Marseillais lancent des glaçons sur la table voisine, elle aussi entourée de Marseillais, originaires d'un autre quartier. L'un des hommes qui a reçu des glaçons était à la tête d'un réseau conséquent, une sorte de figure d'un quartier marseillais. C'est depuis la Thaïlande, qu'il aurait donc envoyé des Marseillais régler cette affaire, sur place. Puis les autres ont répondu. Et ainsi de suite.

"Il faut toujours un prétexte", commente un ancien acteur du trafic marseillais. On l'appellera Kurt*. Il explique que toutes les histoires de règlements de compte partent toujours d'une dispute liée à autre chose : l'amour, l'alcool, un regard de travers. De cette manière, une querelle pour une toute autre raison forme le point de départ de séries de fusillades. "On n'attaque jamais directement un réseau juste pour s'étendre, ça n'existe pas", rapporte-t-il. 

"Ce n'est pas une guerre de territoires. C'est juste que chacun veut prendre possession de tous les biens de l'autre."

Kurt*, ancien acteur du trafic marseillais

En l'occurrence, depuis le début de l'année, les réponses ne s'arrêtent plus à Marseille. Alors quand est-ce que cette série sanglante va prendre fin ? Pour Kurt, il ne s'agit pas qu'un réseau récupère un autre réseau. Chacun essaie de s'enrichir des biens de l'autre.

"Une guerre comme celle-là peut durer plusieurs années"

Alors pour que la ville retrouve son calme, deux solutions d'après Kurt : 

  • "Soit l'un des deux rivaux va baisser les armes parce qu'il sera épuisé financièrement ou personnellement" ;
  • "Soit la police va faire de grosses arrestations et les règlements de compte vont donc s'essouffler".

Pour Kurt, cette année n'est peut-être, pour l'instant, pas la plus sanglante que la cité phocéenne ait connu mais elle pourrait le devenir. "Ça fait quatre mois que cette même guerre continue, mais ça peut durer jusqu'à plusieurs années." "Pour l'instant, il y a surtout des blessés", tient-il à relativiser. "C'est parce que sur le terrain, on retrouve en majorité des jeunes."

"L'un des débuts d'année les plus compliqués pour la police"

Côté police, le porte-parole du syndicat Alliance pour la région sud, Rudy Manna, assure que 2023 est "l'un des débuts d'année les plus compliqués qu'on ait eu à gérer en termes de règlements de compte". 

"Le problème c'est que ça fait longtemps qu'on fait le maximum que l'on puisse faire. La police ne va pas y arriver seule. On ne peut pas empêcher. Il faut des actions qui amènent à sortir ces jeunes de ça. Par exemple, il faut trouver des solutions à la déscolarisation."

Rudy Manna, porte-parole alliance police Sud

Le policier parle de "terrorisations" plutôt que "d'intimidations", "car il s'agit de terroriser des jeunes guetteurs de 15 ans !" Pour lui, "ça devient difficile de faire quelque chose."

Au total, 15 personnes ont perdu la vie à Marseille sur fond de trafics de stupéfiants depuis le début de l'année 2023.

Le prénom a été changé*

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