Patricia dénonce les conditions de vie inacceptables de son père, placé dans un Ehpad par la tutrice. Ménage négligé, soins défaillants et dégradation de sa santé : un cri d'alarme pour les droits des personnes âgées et un système de soin défaillant.
“Ma colère est très grande”. Ces mots, ce sont ceux de Patricia. Suite à une chute et une fracture du col du fémur, son papa, âgé de 91 ans, a été hospitalisé à l’hôpital Ambert, dans le Puy-de-Dôme, le 10 septembre. À ce moment-là, c’est un véritable soulagement pour elle. “Je me suis dit que j’allais enfin pouvoir souffler un petit peu”, témoigne sa fille, qui s’occupe de ses deux parents. Des parents placés sous tutelle après le constat de mouvements bancaires inappropriés.
Ménage pas fait, œuf collé au sol, vêtements sales
Puis, trois mois après le début de la prise en charge dans cet établissement, la tutrice transfert son papa dans un Ehpad dans les Bouches-du-Rhône, sans l’accord de la famille. Quinze jours auparavant, Patricia s’est renseignée sur cet établissement et constate que les infrastructures ne sont pas adaptées aux troubles cognitifs de son papa. “C’est l'hôpital qui m’a informé qu’il allait être transféré là-bas. La tutrice ne l’avait pas fait”. Dès ce moment-là, la colère gronde chez elle et demande au juge des tutelles de changer de tutrice. En vain.
470 km séparent les deux structures de soin. Pourtant, il voyage sans chaussettes ni chaussures, pas même un blouson. “On est arrivé à l’Ehpad en même temps que lui. Les soignants nous posent des questions, j’avais l’impression qu’ici, il allait être entre de bonnes mains, mais pas du tout", souffle Patricia.
C’est tout beau tout rose quand on arrive, et une semaine après, on a retrouvé une chambre sans dessus-dessous.
Patricia, aidanteFrance 3 Provence-Alpes
Ménage et lit pas fait, œuf collé au sol, vêtements sales… Les proches tombent des nues. Une fois par semaine, Patricia et son mari lui rendent visite et les constats leur font mal au cœur.
"J’ai regardé mon mari, je pensais qu’il était mort"
L’établissement ne dispose pas de lit Alzheimer, son père chute régulièrement de son lit. Pour limiter les dégâts et amortir le choc, deux matelas sont disposés de chaque côté du lit. “Il est blessé partout, il se plaint de son dos et reste désormais en position fœtale, déplore Patricia. Il a aussi beaucoup de coupures. Il n’était pas comme ça avant.” Mais le cœur de ses aidants se serre à chacune visite, forcé de constater que ce que vit leur proche n’est pas un cas isolé.
Vous entendez des pauvres vieux crier dans les étages et personne ne bouge. Les soignants sont enfermés dans leur bureau.
Patricia, aidanteFrance 3 Provence-Alpes
Le malheur de Patricia ne s’arrête pas là. Le 4 janvier dernier, alors que, comme chaque semaine, elle vient rendre visite à son père, elle trouve sa chambre vide. Le lit défait, le fauteuil roulant à côté. Tous les scénarios, même les pires, traversent son esprit. “J'ai regardé mon mari, et je pensais qu’il était mort”, lâche-t-elle, la gorge encore nouée et la colère qui monte.
Elle se précipite alors vers un membre du personnel soignant qui lui dit ne pas savoir où est son père, ni depuis quand il n’est plus là. Après avoir consulté son dossier, elle l’informe que son papa a été transféré à l'hôpital de Marignane, le 29 décembre, sa tutrice ayant été tenue au courant. Six jours durant lesquels elle pensait son papa à l’Ehpad.
C’est désarmant. Ca me refroidit et je me demande quand est-ce qu’on va s'arrêter ?
Patricia, aidanteFrance 3 Provence-Alpes
"Il a les pommettes saillantes et les joues creusées"
Arrivée à l'hôpital de Marignane, elle découvre son père “nu comme au premier jour”, avec juste une protection. Quel ne fut pas son étonnement. “Il est arrivé comme ça”, explique le personnel soignant. Lorsqu’elle retourne à l’Ehpad pour récupérer des vêtements, elle trouve une armoire quasiment vide, sans savoir où sont passés ses vêtements. Placé sous antibiotiques, il reste hospitalisé à l'hôpital de Marignane. Mais pour Patricia, il n’est pas question que son papa retourne dans l’Ehpad dans lequel il a été admis un mois plus tôt.
Ce n’est pas possible qu’en un mois il soit dans cet état ! Il a perdu 10 kg, on lui voit la peau et les os alors qu’il était bien portant. Il a les pommette saillantes et les joues creusées.
Patricia, aidante
"C’est aberrant l’état dans lequel il est. Mais on ne sait plus vers qui se tourner.” Avec son mari, elle a rédigé une lettre aux députés des Bouches-du-Rhône, à la juge des tutelles, à la tutrice ainsi qu’à l’Ehpad. “J’espère qu’un député réagisse. Ce sont nos anciens, ce sont eux qui ont fait le monde dans lequel on est. Les maisons de retraite sont des mouroirs.”