Arrivé seul en France alors qu'il était tout juste majeur, Mohamad Idrees a trouvé une formation de technicien ascenseur à Marseille. L'entreprise qui l'emploie a formé plusieurs jeunes réfugiés dans ce métier en tension.
"J'aimerais progresser, être avec eux jusqu'à la fin, ce qu'ils m'ont donné c'est hyper whaouh." Avec son français hésitant, Mohamad Idrees revient sur son expérience de ces 13 derniers mois. En alternance, il a suivi une formation de technicien ascenseur à Marseille. Ses mois en entreprise, il les passe chez TK Elevator, un fabricant et fournisseurs de services d'ascenseurs. Le reste du temps, ses cours sont à l'AFORP Genevilliers, en région parisienne.
"Face à la pénurie de main d'œuvre, notamment sur les métiers de technicien, on a essayé d'innover, de tenter de nouvelles façons de recruter, détaille Raphaël Jouin, responsable développement RH au sein de TK Elevator. C'est ainsi que nous avons eu le projet d'intégrer en alternance quelques mois des personnes réfugiées. Nous avons recruté neuf alternants."
Un départ d'Afghanistan à 16 ans
Dans sa formation, Mohamad reçoit aussi un accompagnement en français, de l'aide pour trouver un logement à Marseille, une ville où il ne connaît personne. Il étudie aussi "la culture du travail en France".
C'est ainsi que s'arrête son parcours de réfugié. À 16 ans environ, en 2016 –il n'a pas d'état civil- le jeune homme quitte l'Afghanistan en guerre, où il exerce le métier de tailleur. Seul, il traverse l'Iran. Séjourne en Turquie. Entre illégalement en Bulgarie. "Les policiers m'ont demandé ma carte d'identité, je n'avais rien, j'ai passé deux mois en prison". Ce qu'il appelle la prison, est plus probablement un centre de rétention fermé pour les personnes migrantes. Mais pour lui, c'est avant tout une privation de liberté. Mohamad passe ensuite 10 mois à Belgrade, "sans travail", "sans avenir", même s'il est "bien accueilli", dans le pays. À 17 ans, Mohamad entre en Hongrie. À nouveau, il passe 45 jours dans un centre de rétention pour les personnes exilées. Puis, il part à Budapest, en Hongrie. Et en Autriche, où les autorités l'envoient dans un petit village où "il n'y a rien". Sans travail, sans réseau, il quitte le pays quand sa demande de reconnaissance du statut de réfugié est refusée. Il part alors en Allemagne, puis à Paris. En France, aidé par des amis afghans rencontrés en Bulgarie, il obtient le statut de réfugié pour 10 ans. On est en 2022, six ans après son départ d'Afghanistan. Il peut enfin se poser. Il prend des cours d'instruction physique à Paris. Lui qui, dans ses jeunes années était tailleur en Afghanistan, peut enfin demander une formation.
Un salaire, un appartement
C'est Humando, un groupe de ressources humaines qui amène vers l'emploi des personnes en difficulté, qui l'accompagne. Pour diriger Mohamad et les autres alternants vers TK Elevator, le groupe exige notamment que les personnes réfugiées soient intégrées dans des régions où il y a un important bassin d'emploi, pour que les personnes puissent s'installer durablement, éventuellement avec leur famille.
C'est ainsi que Mohamad se retrouve à Marseille, une ville où il y a une communauté afghane, où il rencontre des amis. Pour gagner en autonomie, il va certainement poursuivre une nouvelle alternance au sein de TK Elevator, qui a pour projet, à terme, de l'embaucher.
"Je gagne 1500€ par mois, maintenant je parle français, j'ai un appart, tout va bien !" s'exclame Mohamad.
"Au début, nous avions un peu d'appréhension, sachant qu'il maîtrisait mal le français, témoigne Nicolas Balabanian, directeur de l'agence TK Elevator à Marseille. Mais finalement, nous sommes fiers de pouvoir transmettre, d'aider à son intégration en France. Son tuteur et moi, nous avons des parents et grands-parents arméniens, qui ont émigré en France, qui ont été acceptés, intégrés. C'est une belle chose de pouvoir renvoyer la balle."
Le projet de loi asile immigration prévoit d'accepter en France les travailleurs des filières en tension. A priori, le métier d'ascensoriste n'en fait pas partie. Mais avec sa formation qui devrait déboucher sur un emploi stable, Mohamad espère pouvoir obtenir la nationalité française. "Je suis Français maintenant."