Témoignage. "Je suis victime d'un système qui n'a pas su me protéger" : l'appel à l’aide d'une propriétaire évacuée

Publié le Écrit par Laure Bolmont

Johanna, 37 ans, propriétaire évacuée d’un immeuble en péril, vit depuis deux ans dans un studio sans lumière avec sa fille. Elle raconte comment elle a sombré dans le désespoir.

Sa vie rêvée de propriétaire s'est écroulée comme un château de sable. À 37 ans, Johanna Perrier Salamao s'estime "victime d'un système qui n'a pas su la protéger". Évacuée de son immeuble il y a deux ans, suite à un arrêté de péril, cette éducatrice et jeune maman a vu sa situation dégringoler, dans une cascade de mauvaises nouvelles. Johanna lance aujourd’hui un appel à l'aide pour sortir la tête de l'eau. "Je voudrais juste qu’un avocat accepte de défendre mon dossier, pour faire reconnaître les responsabilités de chacun. Je ne suis pas responsable de ce qui m'arrive". 

Quand l'idéal s'effondre

Originaire de l'est de la France où vit sa famille, Johanna a posé ses valises à Marseille en 2018. Cette employée du ministère de la Justice décide de s'installer et de se lancer dans un achat immobilier. Un 70 m² dans le quartier de la Belle de mai lui tend les bras. Le lieu est atypique, mais coche toutes les cases. Le prix de vente rentre dans son budget, son crédit est accepté, elle peut même financer des travaux.

Mais quelques mois après son emménagement, le cauchemar débute : le plafond de sa cuisine s’effondre puis apparaissent des fissures sur le mur de sa chambre dont une partie finit par s'écrouler. L'appartement prend l'eau de toutes parts.

Face aux vicissitudes que rencontre la copropriété, un nouveau syndic intervient en 2019. Chargé de prendre le dossier en main, ce dernier entreprend des inspections de l'immeuble et découvre que le sol s'est en partie effondré chez la voisine. La situation devient critique pour Johanna qui se retourne vers le vendeur.

L'arrêté de péril 

C'est le début d’une descente aux enfers sans fin. En juillet 2020, la nouvelle tombe : le 24 boulevard Leccia est frappé d'un arrêté de péril. "Le 9 juillet, je reçois un appel du syndic qui me donnait 30 minutes pour récupérer des affaires dans mon appartement avant évacuation, mais j'étais en déplacement à Nice pour le travail". À son retour, l'accès à son appartement lui est interdit, elle va passer deux nuits dans sa voiture avant d'être prise en charge par la cellule d'assistance aux évacués. 

Je me sentais seule, démunie, abandonnée

Johanna Perrier Salamao, propriétaire marseillaise évacuée

France 3 Provence-Alpes

Commence alors une année en appartement-hôtel Porte d'Aix dans lequel sa chambre est cambriolée, puis squattée. Johanna s'enferme peu à peu dans un état de stress permanent qui sera très certainement à l'origine d'une fausse couche, "un événement douloureux et traumatisant, le pire de mon existence, dans un contexte déjà éprouvant" confie-t-elle.

Elle est finalement relogée quartier du Panier dans un 18 m², qu'elle occupe encore aujourd’hui. "Entre-temps, ma fille est née, je l'élève seule, nous vivons dans un "studio couloir" sans lumière, avec des barreaux à l'unique fenêtre", pendant que son appartement boulevard Leccia est régulièrement la proie de squatteurs et vandalisé. "C'est un pillage de mes souvenirs qui m'affecte profondément, bien que je ne sois pas attachée au matériel" lâche Johanna, à bout.

La spirale du surendettement

"Quel avenir vais-je offrir à ma fille ?" s’inquiète cette éducatrice spécialisée dans la protection de la jeunesse, "je dois rembourser mon crédit, je me suis endettée sur 22 ans parce que j'ai fait un crédit de 110 000 euros, mon prêt a été suspendu pendant un an, il me reste 18 ans à payer pour un appartement qui ne vaut plus rien". Saisie par l'angoisse, sa voix tremble : "je n'ai même pas fini de rembourser les intérêts et pas encore commencé à rembourser le crédit"

C'est un peu comme si j'étais en train de me noyer et qu'une main m'appuie sur la tête pour me maintenir sous l'eau.

Johanna Perrier Salamao

France 3 Provence-Alpes

Et puis par ailleurs, il reste les charges qui courent sur sa copropriété et les frais de sécurisation contre le vandalisme qui s'avèrent inefficaces. Employée par le ministre de la Justice, elle se rend chaque jour au tribunal, mais jamais pour y défendre son dossier. Sans soutien juridique, elle se sent baladée par une administration dépourvue "d'empathie et d'humanité". "En fait, on me prend, on me pose et on me dit démerde-toi".

Une santé qui s'effrite

Devenue "hyper angoissée", elle a longtemps été suivie par un psychologue de la cellule d'accompagnement des évacués. Mais le centre a fermé, la laissant sans interlocuteur. Quant à consulter un psychothérapeute dans le privé, "ça coûte beaucoup d'argent, sincèrement, je n'ai pas les moyens". Et puis les problèmes de santé, eux aussi, sont arrivés avec les ennuis : ulcère à l'estomac, pathologie de l'œsophage et un surpoids important. "Je me suis créé une espèce de barrière tout autour de moi, comme un punchingball prêt à encaisser des coups".

"Une bouteille à la mer"

Johanna ne "dénigre pas la mairie", mais souligne que cette dernière est aux abonnés absents. "Je n'ai plus d'interlocuteur au niveau de la Ville". Dans son désespoir, elle a nourri des rancœurs envers le syndic jugé trop lent, "qui a un peu abandonné les copropriétaires".

"C’est normal" répond Laurent Fergan, directeur du cabinet de syndic, "dans ce genre de situations, les gens trouvent toujours que ça n'avance pas assez vite, mais il y a le temps incompressible des procédures à respecter". Au sujet des squatteurs, il affirme se rendre tous les 15 jours sur place avec la police municipale et la sécurité civile, avoir muré et posé des alarmes, "mais nous n'avons pas de pouvoir de police, on ne peut pas faire plus". Pour Laurent Fergan, le seul espoir de sauver l’immeuble du 24 boulevard Leccia est de faire financer la centaine de milliers d'euros de travaux, nécessaires sur le bâti, par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). "Nous avons déposé un dossier il y a deux ans, mais on attend toujours un chiffrage définitif".

En attendant, Johanna lance "une bouteille à la mer", réclame de la clarté dans un dossier "opaque", rêve que justice soit rendue" et d'"arrêter de payer pour les manquements des autres". Mais elle veut rester debout pour sa fille et positiver. "En tant qu'éducatrice, j'en ai fait une force. Évacuée, relogée, j'ai été confrontée à des travailleurs sociaux du côté de l’usager et je suis aujourd'hui une meilleure professionnelle".

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