Alors qu'un nouvel homicide a été commis la nuit de mardi à mercredi dans une cité du nord de Marseille, France 3 Provence-Alpes livre le témoignage d'une maman qui a perdu son fils.
"Dire qu'il y a des victimes collatérales, ça signifierait que les autres méritaient de mourir". Cette maman endeuillée exprime toute sa colère. Jamais la ville de Marseille n'avait connu un début d'année aussi sanglant. Au moins 22 morts liés aux trafics de stupéfiants depuis le 1er janvier 2023. Dans la nuit de mardi à mercredi, un nouveau règlement de comptes a encore fait une victime dans la cité de la Paternelle.
"Victimes collatérales", le terme ne plaît pas aux familles de victimes regroupées dans un collectif. Anita* a expliqué pourquoi à France 3 Provence-Alpes.
Assassinat ou meurtre ?
Anita dénonce aussi l'emploi de l'expression "règlement de comptes". "On dit assassinat ou meurtre," précise-t-elle. Et de reprendre : "Nous l'avons expliqué à maintes reprises, aux journalistes, à la préfète. Et elle nous a écoutées. Elle ne le dit plus". Car à partir de quand peut-on parler de règlement de compte ? Si la victime est un membre de la famille d'un trafiquant, que dit-on ? S'il a fait partie d'un trafic, mais que ce n'est plus le cas au moment de son assassinat que dit-on ? Quand est-ce que l'on est sûr qu'il y a un lien ?
"Personne ne mérite de mourir", résume simplement la bénévole du collectif des familles de victimes. Émue, celle qui a perdu son fils demande naturellement que l'on "respecte nos morts". "On se sent dénigrés, abandonnés", ajoute-t-elle.
"Le combat est perdu d'avance"
Pour Anita, le problème est simple : quand la thématique ne touche pas personnellement une personne, il est impossible d'en parler. "On ne peut pas parler de quelque chose qu'on ne connaît pas", estime la mère de famille. "Les papas, les frères et les sœurs parlent moins, mais c'est douloureux pour toute la famille", tient-elle à rappeler.
Pour elle, "le combat est perdu d'avance", "on mourra avec notre colère", se résigne-t-elle.
"Nous avions organisé une marche le 15 juin avec des cercueils que nous, les mamans, soulevions pour éveiller les consciences des "gros" mais ça n'a rien changé."
Anita, membre du collectif des familles de victimesà France 3 Provence-Alpes
"Pourtant, on a forcément loupé quelque chose quelque part pour en arriver là", analyse-t-elle.
Des mères de familles de toute la France
Quand elle dit "pour en arriver là", elle fait référence à une situation, à des deuils devenus nationaux. "Nous avons des groupes d'échanges de familles de victimes et maintenant, elles viennent de partout en France : Marseille, Paris, Perpignan, Arles, etc.", constate Anita.
Et de se souvenir: "en 2018, nous avions alerté, nous avions dit que ça arriverait partout en France et pas seulement à Marseille. Et c'est ce qui est en train de se passer".
"Il n'y a rien qui va. Si Marseille ne nous protège pas, et les autres villes non plus, on va partir de la France. On ne va pas attendre qu'ils nous tuent tous. On ne se sent plus bien ici alors qu'on est Français."
Anita, membre du collectif des familles de victimesà France 3 Provence-Alpes
Ces familles meurtries, de plus en plus, se tournent vers l'étranger. "Tout le monde veut partir. On ne peut plus avoir confiance en personne. Certaines mamans ont développé des cancers, des tumeurs après l'assassinat de leurs enfants", rapporte la mère de famille.
Des plaintes déposées contre les réseaux sociaux
Des mères et des familles, qui ont vu des images traumatisantes, inhumaines. "La mère d'un jeune assassiné il y a peu, a vu la tête de son fils fracassé dans les médias", se désole Anita. Elle-même a vu son fils, quelques secondes avant sa mort, sur Snapchat. "Comment on ne bloque pas ces comptes et ces images", s'interroge-t-elle.
"On n'a plus de place pour enterrer nos morts dans les cimetières. On n'a plus rien à perdre. On a déjà perdu la plus belle chose que nous avions."
Anita, membre du collectif des familles de victimesà France 3 Provence-Alpes
Anita assure avoir déposé plainte à trois reprises contre des réseaux sociaux. "Comment se relever un jour ? On n'a que de la haine", déplore-t-elle. "On se sent écouté depuis 2018", reconnaît Anita, "mais maintenant il faut des actions."
*Le nom a été modifié pour préserver l'anonymat.