Marie-Arlette Carlotti, sénatrice des Bouches-du-Rhône, et Jérôme Durain, sénateur de la Saône-et-Loire ont rencontré, lundi, des femmes, des familles et associations des quartiers nord de Marseille pour discuter des violences qui sévissent dans ces quartiers.
Dans un contexte de violence extrême, deux élus sont allés, lundi 15 mai, à la rencontre de mères qui ont perdu leur enfant mais aussi d'habitants et d'associations des quartiers nord de Marseille. Marie-Arlette Carlotti, sénatrice des Bouches-du-Rhône et Jérôme Durain, sénateur de la Saône-et-Loire ont rencontré une dizaine de riverains des 14e et 15e arondissements de Marseille, entre 10 heures et 11 heures au sein de l'ancienne église de la Tour Sainte (14e).
Sur la table : des discussions, mais aussi des demandes très précises d'une population meurtrie, et des promesses.
Mission parlementaire
Ces échanges interviennent en complément d'une mission parlementaire, axée sur la réforme de la police judiciaire et de la police. Les élus ont également rencontré dans la journée, successivement : le patron de la police judiciaire, la préfète de police mais aussi la procureure de la République de Marseille. Les discussions avec les habitants des quartiers nord étaient nécessaires pour la sénatrice marseillaise Marie-Arlette Carlotti, interrogée par Jean-François Giorgetti et Nicolas Chaix-Bryan, de France 3 Provence-Alpes. "J’ai voulu tirer mon collègue qui s’occupe de ça au niveau national, au Sénat, sur les questions extrêmement urgentes que vivent les populations Marseillaises, souligne-t-elle. Ils sont privés de tout, assignés à résidence, ce sont des déserts médicaux et d'autres vrais problèmes globaux."
"Il y aussi l'urgence des enfants et des gens qui meurent. La mafia ne se tue plus entre elle. Maintenant elle tue aussi la population, ce qui est inacceptable."
Marie-Arlette Carlotti, sénatrice des Bouches-du-RhôneA France 3 Provence-Alpes
Pour l'élue marseillaise, il faut "porter la parole pour que ce silence assourdissant que quelques élus ont acté ne puisse pas continuer. Il faut parler de ce qu'il se passe à Marseille parce que ça ne se passe pas qu'à Marseille".
L'espoir est moindre pour les habitants présents ce jour-là, mais "c'est toujours bien de voir des élus s'acclimater aux problématiques de notre secteur", se réjouit Mohamed Berchiche, président du CIQ de Sainte Marthe Marseille (14e). Il précise que des actions claires sont attendues mais surtout évaluables et évaluées. Pour lui, "il faudrait surtout que le diagnostic soit partagé, sur pourquoi on en arrive là".
"Il n'y a pas d'engagement sincère"
Parmi les riverains entendus : Hachimia Aboubacar, membre de l'association Adelphi’Cité. Pour elle, le problème est celui du désengagement politique.
"Au lieu de trouver des solutions concrètes et urgentes, une certaine classe politique a tendance à pointer du doigt les jeunes délinquants alors que ce qu'il se passe aujourd’hui c’est juste la conséquence de leur politique depuis des années, depuis des décennies et on ne peut pas continuer à aller vers la répression."
Hachimia Aboubacar, membre de l'association Adelphi’Citéà France 3 Provence-Alpes
Hachimia Aboubacar pointe du doigt une violence sociale, comme "résultat d’un manque d’accompagnement, d’un manque de prise en compte de nos réalités, de l’aspect psychologique et environnemental quand on habite dans de tels quartiers. Jamais un jeune ne va se féliciter d’être dans cette situation. S’ils se retrouvent dans cette situation c’est qu’ils n’ont pas le choix et c’est à l’Etat de leur donner le choix d’avoir un emploi comme les autres, ne pas être discriminé".
Et de reprendre : "Parce que c’est sûr qu’on ne choisirait pas cette voie-là si d’autres voies s’ouvraient à nous. La solution doit être globale et doit prendre en compte la situation économique sociale et psychologique dans laquelle ces jeunes vivent. Mettre l’armée dans les quartiers c’est mettre des personnes armées face à des personnes armées donc ça ne peut pas être une solution", argumente celle qui dénonce une utilisation politique des jeunes de quartier à des fins électorales.
"Je pense qu’on nous manque de respect, qu’on ne s’intéresse pas vraiment à nous. Il y a toujours eu envers nous du mépris de classe sociale. Il n’y a pas d’engagement sincère alors que des mères sont endeuillées, des avenirs sont complètement gâchés. Pourtant, dans les quartiers défavorisés, il y a des talents mais ils sont délaissés. Il n’y a pas de réelle volonté politique", déplore-t-elle.
Une commission d'enquête réclamée
D'autres habitants, comme Mohamed Berchiche, président du CIQ de Sainte Marthe (14e), réclament, au contraire, plus de contrôles. Pour lui, il faudrait d'abord que "la loi s'applique tout simplement". "Chez nous, on peut tout faire sans craindre d'être contrôlés", se désole-t-il.
Concrètement, un collectif d'habitants réclame une commission d'enquête parlementaire sur les règlements de compte pour trouver une solution pour endiguer ce phénomène. Ils voudraient aussi qu'un accompagnement psychologique soit inscrit dans un cadre législatif pour les familles endeuillées.
Ce à quoi Jérôme Durain répond que c'est envisageable. "Pour la commission d'enquête c’est compliqué mais ça a le mérite d’être entendu. Et peut-être reformulé, pour que ça débouche et qu’on pose les questions urgentes, criantes au Sénat" assure-t-il.
Marie-Arlette Carlotti aussi promet d'évoquer ces questions au Sénat : "On a quand même besoin de poser au niveau du Sénat : pourquoi ça n’a pas marché ? Pourquoi on a déversé de l’argent depuis des années sur des projets ? Vous voyez le résultat ? Vous voyez la souffrance de la population ? On peut porter quelque chose au Sénat. Et je le ferais avec tous mes collègues qui veulent, et je pense que là on peut avancer et je leur dois un retour justement. Et si je ne le fais pas je me sentirai drôlement responsable".
Des problématiques nationales
Pour le sénateur de la Saône-et-Loire, ces problématiques marseillaises liées au trafic de stupéfiants "s'invitent partout en France". "Ce qui arrive aujourd'hui à la jeunesse marseillaise peut arriver demain à la jeunesse de la France" assure-t-il. Et d'ajouter : "C’est peut-être sur le laboratoire marseillais qu’il faut qu’on travaille pour éviter que ce qu'il se passe ici tristement ne gangrène et ne se dissémine ailleurs en France".
Marie-Arlette Carlotti, elle, espère être porte-parole : "A mon niveau, je veux porter des réponses. Elles ne seront peut-être pas globales. J’ai compris que c’était global : logement, santé, urbanisme. Je ne peux pas répondre à tout ça mais je peux répondre à quelques choses. Ils ont besoin de soutien psychologique : c’est en cours. Ils ont besoin d’informations, savoir à qui s’adresser lorsqu’il leur arrive ce drame énorme de perdre un enfant : on peut avancer sur ça. On peut avancer sur plein de petites choses."