Emmanuel Macron, alors ministre de l'économie, a-t-il aidé à déréguler les règles des taxis ? A-t-il essayé de modifier une décision du préfet des Bouches-du-Rhône ? Ces questions se posent après la lecture des révélations "Uber Files".
Ceux qui on suivi la série Parlement, sur la plateforme FranceTV connaissent désormais les rouages des décisions parlementaires, le rôle des lobbies et leur poids dans certaines modifications des textes de lois.
La mise au jour du dossier «Uber Files» pose la question du rôle du ministre de l’économie et des liens qu'il entretient avec les entreprises et les lobbyistes.
Des milliers de documents ont été récupérés par le journal britannique "The Guardian", et partagés avec le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et ses partenaires, dont la cellule investigation de Radio France.
L’histoire, qui commence en 2014, est retracée dans ce reportage de 20 minutes, fait et diffusé par France Télévisions. Des échanges de SMS et de mails, entre Emmanuel Macron (alors ministre de l’économie), la société américaine Uber et le lobbyiste d’Uber Mark MacGann montrent comment l’activité des VTC a pu être dérégulée; comment la loi Thévenoud a été aménagée.
A l’époque, le gouvernement Hollande, était contre l’arrivée de Uber en France.
Un arrêté préfectoral des Bouches-du-Rhône annulé?
En 2015, Laurent Nunez est préfet de police des Bouches-du-Rhône. Cette année là, les chauffeurs de taxi s'unissent contre Uber. Une colère violente explose régulièrement, des blocages de gares et d'aéroports, des manifestations de taxis contre la concurrence d'Uber, qu'ils jugent déloyale.
Plusieurs préfets prennent alors des décrets qui interdisent l'application dans certains départements. C'est le cas dans les Bouches-du-Rhône. Laurent Nunez déclarera plus tard que l'objectif était d'arrêter les troubles à l'ordre public, causés par les manifestations.
Mais Marseille est une cible trop importante pour Uber. En 2015, Alexandre Molla, directeur général Uber France, avancera les chiffres suivant : "A Marseille, quasiment 100.000 personnes ont ouvert l’application ces derniers mois, contre 12.000 à Nantes et 8.000 à Strasbourg".
C'est peut-être pour cela que le Guardian, à l'origine des révélations, a fait un focus sur Marseille.
Selon le journal, le lobbyiste d'Uber, Mark MacGann, s'adresse à Emmanuel Macron :
Monsieur le Ministre, nous sommes consternés par l’arrêté préfectoral à Marseille.
Mark MacGann, lobbyiste pour UberLe Guardian, journal britannique
Emmanuel Macron répond "s'en occuper personnellement".
Le 21 octobre 2015, la préfecture des Bouches-du-Rhône avait publié un arrêté précisant : "l'activité de transport routier à titre onéreux effectuée par des conducteurs ne remplissant pas les conditions réglementaires, organisée par la société Uber France SAS, ou ses intermédiaires, au moyen de l'application pour mobile UberX, est interdite à la Gare SNCF St Charles, au Grand Port Maritime de Marseille, au centre-ville de Marseille, délimité par les arrondissements suivants: 13001, 13002, 13003, 13004, 13005, 13006, 13007, 13008, 13009, 13010, 13011, 13012, à l'aéroport de Marseille Provence, et à la gare SNCF d'Aix-en-Provence TGV".
Dès le lendemain de la publication de l'arrêté par le préfet de police, Laurent Nunes doit se justifier auprès des médias.
Il faut dire que certains avocats décortiquent l'arrêté , dès sa parution. Des termes de l'arrêté les interrogent : seul UberX est visé. Alors que le préfet de police dit vouloir viser le travail dissimulé (les chauffeurs de VTC qui ne sont pas inscrits au registre du commerce et des sociétés).
Le mardi 3 novembre, un nouvel arrêté remplace le précédent. Il concerne désormais tout le département des Bouches-du-Rhône et plus seulement l'application Uber. Le nouvel arrêté vise simplement toute personne qui exerce une "activité de transport routier de personnes à titre onéreux" dans des conditions non conformes à la loi", quelle que soit l'application mobile.
La carrière du préfet des Bouches-du-Rhone
Laurent Nunes est resté préfet de police jusqu'en 2017. Il a été nommé en juin 2017 Directeur Général à la Sécurité Intérieure (la DGSI), il enchainera l'année suivante dans le deuxième gouvernement d'Édouard Philippe comme secrétaire d’État auprès du ministre de l'Intérieur. En 2020, il est nommé coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, poste qu'il occupe toujours aujourd'hui.
Uber à l'OM
L'histoire d'Uber à Marseille ne s'arrête pas là. La marque s'achète une image sportive et populaire en devenant le sponsor de l'OM. Le 1er juillet 2019, Uber Eats apparait sur les maillots de l'Olympique de Marseille. Conclu pour une durée de trois ans, le contrat avec le club phocéen a donc expiré à la fin de cette saison 2021-2022. Le nouveau sponsor de l'OM est "Cazoo", entreprise britannique spécialisée dans la vente en ligne de voitures.