"Un jumeau numérique du cerveau pour modéliser les crises" : une première mondiale au chevet de l'épilepsie

C'est une première concernant l'épilepsie. À Marseille, un nouveau programme expérimental va tenter de faire reconnaître scientifiquement les effets de la neurostimulation du cerveau et permettre sa prise en charge par l'Assurance maladie.

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Sommité mondiale dans le domaine de l'épilepsie, Fabrice Bartolomeï est un homme abordable et étonnement disponible pour ses patients. Près de 7000 adultes passent chaque année dans son service d'épileptologie et rythmologie cérébrale de la Timone, mais le professeur prend le temps, avec les malades comme avec les journalistes, d'expliquer cette "maladie chronique aux handicaps invisibles", devenue son sujet de recherche depuis 2006 et sa spécialité en neurologie.

On estime à 750 000 le nombre de personnes épileptiques en France, dont 150 000 sont résistantes aux traitements médicamenteux. C'est le cas de Lilian, qui vient de passer trois jours dans ce service, dont il est devenu un habitué depuis deux ans.

"Super répondeur" 

Le jeune homme, âgé aujourd’hui de 18 ans, a été diagnostiqué épileptique bébé, à l'âge de 18 mois, après une série d'épisodes de convulsions. Il s'avère qu'il souffre d'une épilepsie rare, dangereuse, et résistante aux médicaments, mais il n'est pas opérable. La stimulation transcrânienne appelée tDCS (transcranial Direct Current Stimulation) est devenue sa seule option thérapeutique pour espacer les crises qui jalonnent son quotidien. Par chance, Lilian s'est révélé "super répondeur", ce qui signifie que ce procédé fonctionne bien dans son cas, et lui a permis de réduire de moitié la fréquence des épisodes épileptiques. 

"Avant, je faisais deux crises par week-end, là, je n'en ai plus fait depuis cet été", raconte Lilian, qui envisage sa vie d'épileptique comme "normale, avec un petit désavantage au quotidien". Étudiant en BTS à Aix-en-Provence, il tient à s’organiser pour que "les études et la maladie ne fassent qu'un" et suit ses cours en visio, bonnet d'électrodes sur la tête, pendant les séances de neurostimulation.

"Il va mieux depuis qu'il est passé à trois crises par mois grâce à la tDCS", confirme sa mère, Béatrice, qui ne le quitte pas d'une semelle. Elle qui a arrêté de travailler, pour veiller sur lui, le décrit comme "un petit gars bonnard toujours de bonne humeur", mais elle assure que le sourire éclatant de son fils ne dit rien de "la souffrance qu'il y a derrière les crises, les chutes, la douleur et le risque... il a déjà fait trois séjours en réanimation". Béatrice explique que les crises de Lilian ont la particularité de ne pas s'arrêter quand elles se déclenchent et "nécessitent une injection à l'hôpital, car elles peuvent endommager le cerveau."

Quand votre enfant fait trois ou quatre crises par semaine, impossible de le laisser seul, vous vivez chaque instant avec une épée de Damoclès au dessus de la tête.

Béatrice, mère de Lilian

France 3 Provence-Alpes

Les effets de cette thérapie par stimulation crânienne sur son garçon ne font aucun doute. Béatrice vient donc naturellement d'Antibes passer trois jours à l'hôpital de la Timone avec Lilian, tous les deux mois, parce que "le jeu en vaut la chandelle" assure-t-elle.

Enjeu thérapeutique et technologique

Le professeur BartolomeÏ, instigateur principal du projet européen Galvani sur l'épilepsie débuté en 2019, vulgarise avec aisance : "la tDCS classique, c'est très simple, vous faites passer un courant entre une anode et une cathode, pour exciter certaines zones du cerveau et en inhiber d'autres". La nouvelle expérimentation qui débute, baptisée GS3, aura un double enjeu, explique-t-il, à la fois "thérapeutique, pour démontrer que la tDCS que l’on a développée avec Galvani est efficace, mais aussi technologique". 

Le jumeau numérique est un cerveau modélisé qui reproduit la naissance des crises et leur propagation, permettant des interventions virtuelles pour atténuer les crises.

Pr Fabrice Bartolomeï, chef du service d'épileptologie de La Timone

France 3 Provence-Alpes

Dans ce programme en effet, la stimulation sera optimisée par une modélisation virtuelle, avec la création de jumeaux numériques cérébraux. "On modélise les crises du patient", détaille Fabrice Bartolomeï, "ce qui permet de simuler la stimulation la plus efficace". Ce "protocole assez complexe dans sa méthodologie et son ambition" sera donc une première mondiale, réalisée avec les équipes de l'INSERM, de l'Université de Rennes et la société Neurolectrics qui crée les dispositifs et contribue à la recherche.

"The virtual brain", utilisé jusqu'alors exclusivement en chirurgie pour des opérations du cerveau, "est un objet virtuel qui permettra de tester plusieurs combinaisons de stimulation". Cet essai thérapeutique, qui en est à ses balbutiements, va intégrer 60 patients répartis sur sept centres en France, dont Marseille, Rennes, Bordeaux, Paris et Lille.

Vers un remboursement d'ici à 5 ans

L'objectif de cette étude GS3 sera donc de prouver scientifiquement l'efficacité de la neurostimulation, pratiquée depuis 18 ans dans ce laboratoire marseillais, en vue d'obtenir sa reconnaissance par l'Agence européenne du médicament, ce qui permettra, enfin, son remboursement à l'échelle européenne d'ici à cinq ans.

Lilian ne fait pas partie de cette expérimentation, car il subit désormais moins de trois crises d'épilepsie par mois et n'entre pas dans les critères de sélection des patients tests. Béatrice se réjouit pourtant "de voir la neurostimulation reconnue et étendue à d'autres patients," car cette technologie promet aux malades "une vie plus facile"et accorde un peu de répit aux proches. "Avec un enfant épileptique, vous ne dormez jamais complètement, surveiller l’épilepsie est un job à plein temps."

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