La Maison des Femmes victimes de violence a ouvert ses portes le 3 janvier à Marseille. L’accueil se fait provisoirement à l’hôpital de la Conception en attendant l’ouverture de locaux définitifs et plus vastes à la fin de l'année.
Chaque année, 400 femmes victimes de violences conjugales sont hospitalisées à l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM), dont environ 80 mineures.
"Ce sont des chiffres sans doute sous-estimés parce qu’il y a tous les passages aux urgences pour des coups et blessures qui ne sont pas identifiés comme tels, note le professeur Florence Bretelle, gynécologue et chef de service de la Maison des Femmes ouverte depuis le 3 janvier.
En moins d’un mois, une dizaine de victimes ont été prises en charge. La plus jeune avait à peine 16 ans, la plus âgée 40.
Des femmes de tous milieux. "Je tiens à dire que les patientes qu’on a vues, ce ne sont pas des personnes précaires, ce sont des femmes d’un niveau socio-économique élevé ou très élevé, avec un logement et qui travaillaient".
"C’est une maison ouverte pour toutes", souligne Florence Bretelle.La structure a été inaugurée le 24 janvier par la chanteuse Clara Luciani, marraine et ambassadrice des "maisons de femmes",
Un lieu d'accueil pour ces femmes brisées, dont la première difficulté est souvent d’admettre la réalité.
Une écoute pour libérer la parole
"Elles sont souvent dans le déni ou dans une espèce de sidération quand ce sont des violences importantes ou chroniques, constate la gynécologue, c’est tout un travail de les amener à prendre conscience de ce qui se passe".
Contrairement à ce que pourrait laisser penser son nom, la Maison des Femmes n’a pas vocation à les héberger.
C’est un refuge où les victimes peuvent trouver une écoute, de l’aide pour se reconstruire et un accompagnement pour aller demander justice si elles le souhaitent.
"Il faut créer un climat de confiance et essayer d’établir un dialogue, l’idée c’est d’avoir un endroit accueillant où les femmes peuvent venir et où on va pouvoir les sortir du cercle de la violence", explique le professeur Bretelle.
"Ce sont des situations assez complexes et douloureuses qui font qu’une consultation ne suffit pas. L’expérience depuis le début du mois nous montre que chaque femme vient plusieurs fois", ajoute-t-elle.
La première consultation dure souvent plus d’une heure. Elle est menée par un médecin, ou une sage-femme, et une assistante sociale, ou une psychologue.
Ce "diagnostic" doit permettre de cerner les besoins de la femme, en fonction du type de violences, du contexte familial et du contexte social.
"Je ne l’avais pas forcément anticipé, mais on se rend compte que c’est quelque chose qu’il faut faire à leur rythme".
Aider les victimes à verbaliser, à dépasser la peur. Ou la honte. Certaines ne sont pas toujours prêtes pour porter plainte d’emblée.
Un premier pas vers la reconstruction
Le travail de l’équipe est de l’accompagner.
"Il y a tout un cheminement, il faut les soutenir, ne pas vouloir aller trop vite, ne pas les bloquer et ne pas les faire fuir (...) on ne peut pas commencer par parler de dépôt de plainte au premier rendez-vous, sauf s’il y a un risque vital pour elles".
L’action de la Maison des Femmes vient en complément des plateformes d’accueil d’urgence créées à la Timone et à la Conception au cours des deux dernières années avec une collaboration médecine-police-justice pour protéger les femmes en danger.
"On vient en relais de ces structures après une hospitalisation ou sur des violences moins graves, anciennes ou chroniques", explique encore le professeur Bretelle.
La plupart du temps, ces femmes sont aussi mères. Pour permettre une prise en charge spécifique de ces enfants, la Maison des Femmes travaille en lien avec l’Unité mobile Enfance en Danger du Professeur Chabrol.
"Souvent quand la femme est victime de violence, les enfants le sont soit directement, soit par ricochets parce qu’ils ont été témoins de ces agressions et c’est compliqué de se construire dans ce contexte-là".
Dans ce lieu-ressource, les femmes sont également orientées vers des associations pour trouver des solutions d’hébergement en urgence en cas de besoin.
Des partenariats sont également en cours avec des associations pour aider les femmes à se reconstruire et à se réapproprier leur corps.
Un lieu définitif à la fin de l'année
C’est le cas de Fight for Dignity créé par l’ex-championne de karaté Laurence Fischer qui aide les femmes victimes de violence à se défendre. Des ateliers de soins socio-esthétiques sont aussi prévus selon le professeur Bretelle.
"C’est génial, parce que les femmes repartent coiffées, maquillées, ou en ayant fait des bijoux et c’est très enthousiasmant pour ces femmes qui sont en détresse ou qui ont des difficultés à se projeter dans l’avenir".
À la fin de l’année, la structure s’installera dans des locaux plus spacieux, au 165 rue Saint-Pierre, derrière la maternité.
"On va doubler l’équipe, avec une vingtaine de vacations, deux médecins à temps plein, deux sages-femmes, deux assistantes sociales, deux psychologues", détaille le professeur Bretelle.
Dans ses locaux provisoires, la Maison des Femmes espère pouvoir accueillir trente à cinquante femmes par semaine. Elle devrait pouvoir monter en puissance l’année prochaine avec son équipe au complet. -