Un serpent vu dans un arbre près de l'école suscite une certaine psychose à Gréasque depuis le début de la semaine. Il s'agit en fait d'une couleuvre à échelons, serpent constrictor mais inoffensif, dont l'espèce est endémique dans les Bouches-du-Rhône.
Nicolas Fuento est herpétologue à la LPO Paca et à la vue de la photo relayée par les médias cette semaine, son sang n'a fait qu'un tour. Mardi, la Ville de Gréasque a appelé les habitants à la vigilance après qu'un gros serpent a été photographié dans un arbre à proximité de l'école élémentaire et du stade, en bordure de la forêt communale. Le reptile, identifié un peu précipitamment selon lui comme un boa, n'est en fait qu'une inoffensive couleuvre à échelons selon ce spécialiste, membre du réseau national SOS Serpents. Nicolas Fuento vous explique pourquoi.
- La couleuvre à échelons est facilement identifiable
"Pour quelqu'un qui a l'habitude d'observer des serpents, on voit au premier coup d'oeil que c'est une couleuvre à échelons", affirme Nicolas Fuento.
Ce reptile se caractérise par deux lignes sombres sur le dos, de part à d'autre de la colonne vertébrale, et elle a des motifs noirs sur la tête. "Ça se voit sur la photo tout de suite", souligne l'expert.
"C'est vrai que la couleuvre à échelons, c'est un serpent qui paraît massif, et c'est pour ça que les gens effectivement ont pris peur", ajoute-t-il. Mais selon lui, le spécimen de Gréasque photographié dans un espèce de génévrier ne dépasse pas 1 m 10 de longueur.
- C'est un serpent constrictor mais inoffensif
Point commun avec le boa, la couleuvre à échelons est un serpent qui tue ses proies par constriction. Elle s'attaque aux rongeurs qu'elle étouffe de son corps.
Non venimeuse, elle ne présente pas de danger pour l'homme. Le seul risque, c'est la morsure. "Si on essaie de l'attraper, elle va mordre pour se défendre comme n'importe quel animal", précise Nicolas Fuento.
- Ce n'est pas un serpent relâché dans la nature
A Gréasque, la piste privilégiée était celle d'un serpent relâché par son propriétaire indélicat. Nicolas Fuento s'inscrit une nouvelle fois en faux. "La couleuvre à échelons n'est pas un animal qui est maintenu en captivité", explique-t-il.
Alors que faisait-elle là, près de l'école ? "L'école est située à près de la colline, et des fois à proximité des villages on peut avoir dans un arbre des oiseaux qui nichent, des rongeurs et des serpents. Ils ne vont pas hésiter parfois à se rapprocher des maisons parce qu'ils ont du sentir l'odeur d'une proie", répond Nicolas Fuento.
"C'est une espèce qui est intégralement protégée en France, comme l'ensemble des serpents indigènes de France métropolitaine, on n'a pas le droit de les maintenir en captivité, de les mutiler ou de les tuer et on n'a pas le droit de détruire leurs oeufs également", insiste-t-il. Et ce délit est passible d'une amende et même de la prison.
- Il n'y a pas de raison de céder à la psychose
Nicolas Fuento, qui avait été contacté dès le week-end dernier par l'Office français de la biodiversité pour cette affaire, regrette que l'information erronée ait malgré tout circulé alors qu'il avait dès le départ identifier la couleuvre à échelons.
Ça crée une psychose qui anéantit tous nos efforts de sensibilisation depuis des années.
Nicolas Fuento, herpétologue LPO Paca
Dans le cadre des ses missions à la LPO Paca, l'herpétologue fait régulièrement des conférences et des formations sur les serpents pour expliquer au grand pubic qu'il ne faut pas avoir peur des serpents. Il rappelle qu'il n'y a pas de vipères dans les Bouches-du-Rhône. "A Gréasque, les serpents sauvages présents ne sont que des couleuvres, que des animaux inoffensifs."
Les serpents ont mauvaise presse, et pour le spécialiste l'affaire de Gréasque ne fait que porter un coup de plus à son travail de sensibilisation : "Ils sont déjà mal aimés, et ce genre de "fake news" ça crée une psychose qui anéantit tous nos efforts de sensibilisation depuis des années".
"Le risque c'est qu'autour de Gréasque, il y ait une chassse au serpent qui soit mise en place et que les gens dans le doute dès qu'ils croisent un serpent un peu gros, ils vont le tuer en pensant que c'est peut-être le fameux boa", s'inquiète le passionné de reptiles.
- Les serpents sont utiles pour la biodiversité
"Il faut rappeler qu'on vit avec la présence de serpents autour de nous et ce n'est pas quelque chose de mauvais, parce qu'ils font partie intégrante de la biodiversité".
"Les adultes sont de grands consommateurs de rongeurs, ce sont clairement des alliés pour nos agriculteurs et même quand on a une maison, d'avoir une couleuvre à proximité, ça veut dire qu'elle va consommer des rats, des souris et c'est plutôt bénéfique", rappelle Nicolas Fuento. Et quand aux serpents juvéniles, ils constituent "une ressource alimentaire pour plein d'autres animaux, notamment les oiseaux".
- Le bon réflexe, c'est d'appeler SOS Serpents
SOS Serpent est un réseau à l'échelle nationale. Dans chaque département, des personnes "ressource" sont à disposition à toute heure et tous les jours, si un serpent est trouvé à proximité ou dans une maison, la personne peut appeler ce numéro.
Un expert intervient à distance pour donner la conduite à tenir, sauf dans le cas d'un animal exotique, où il se déplace pour le récupérer et le confier à une structure spécialisée dans le maintien de serpents en captivité, comme un zoo.
"Dans le cas de Gréasque, on aurait reçu la photo directement, on aurait dit c'est une couleuvre à échelons, c'est une espèce inoffensive et protégée, laissez-là, elle est montée dans un arbre, elle a cherché à préditer un nid d'oiseau ou elle prenait le soleil et on la reverra jamais, elle doit être encore dans les parages, elle se promène mais elle fait sa vie".
Pour trouver le contact près de chez vous, sur le site de l'AHPAM ou au 06 51 91 08 10.