VIDEO. "Les mineurs, c'est encore pire que les adultes" : dans les prisons pour adolescents, les surveillants affrontent violence et "problèmes psychologiques"

Depuis l'attaque du fourgon qui a coûté la vie à deux agents pénitentiaires, les surveillants sont en grève et manifestent devant les prisons. C’est aussi le cas devant l’établissement pénitentiaire pour mineurs de La Valentine à Marseille. Le centre fait face à des problématiques bien particulières.

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En France il y a sept établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM). Ils accueillent plus de 400 jeunes de 13 à 18 ans. Celui de la Valentine à Marseille (11e) a vu le jour en juillet 2007 et a une capacité de 59 personnes, ils sont 45 jeunes détenus actuellement. Depuis mercredi matin après l'attaque du fourgon qui a fait deux morts, les surveillants pénitentiaires qui y travaillent sont en grève comme leurs homologues des prisons pour adultes. Comme eux, ils dénoncent les problèmes de surpopulation carcérale et de violences. Encore plus complexes à gérer avec un public d'adolescents. 

Favoriser la réinsertion

Les établissements pénitentiaires pour mineurs ont pour but de concilier incarcération des jeunes détenus et éducation mais également soutien pédagogique. Dans ces lieux, l’éducation est au cœur de la prise en charge du jeune détenu, pour favoriser sa réinsertion.

Le centre pénitentiaire pour mineurs est divisé en plusieurs secteurs de détention avec un espace d’hébergement, d’enseignement général et technique, socioculturel, sportif, santé et un secteur hors détention comportant parloirs, greffe, administration et services externalisés.

En principe, ces lieux sont prévus pour une soixantaine de jeunes âgés entre 13 et 18 ans. Il y a sept centres de ce type en France. Ils remplacent les quartiers spécifiques des maisons d'arrêt dans lesquels étaient auparavant incarcérés ces mineurs. Chaque jour, à la Valentine, les agents sont censés être 12 gardiens et quatre la nuit pour surveiller ces jeunes. Les mineurs sont en cellules individuelles.

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Mobilisation devant le centre pénitentiaire pour mineurs de Marseille le 16 mai 2024 ©M.Jit / FTV

Mais la complexité de ce métier et la dangerosité entraînent de nombreux arrêts maladie liés aux blessures que subissent les agents.

"On a coutume de dire : un individu et de nombreux problèmes. Pour ces jeunes, ces problèmes peuvent être d'ordre émotionnels, de cadrage, familiaux etc" , explique Kamel Belghanem, surveillant à la Valentine, du syndicat UFAP. 

"C'est un public de plus en plus jeune, avec des problèmes psychologiques assez profonds, le surveillant n'est pas formé en psychologie, donc c'est compliqué aussi", précise le syndicaliste.

"Le métier est épuisant"

Comme pour les adultes, les surveillants pénitentiaires des établissements pour mineurs sont en sous-effectifs. Cependant, il y a des différences dans la manière de travailler. 

"Le mineur n'est jamais seul, il est constamment accompagné par un personnel, et plus précisément par un surveillant pénitentiaire", explique Kamel Belghanem, surveillant à la Valentine, du syndicat UFAP. 

Kamel Belghanem est aussi moniteur de sport et premier surveillant dans ce centre depuis 2011.

La problématique des mineurs, c'est qu'ils ont un gabarit d'adultes mais restent en construction.

Kamel Belghanem, surveillant pénitentiaire

à France 3 Provence-Alpes

"Ce qui les caractérise ce sont les incivilités constantes, les agressions à répétition, les bagarres entre eux, le refus d'obtempérer, " précise Kamel Belghanem.

Et lorsqu’à cela s'ajoute le sous-effectif des agents, "les mineurs c'est encore pire que les adultes, insultes crachat, tous les jours ; le métier est épuisant car sur le qui-vive en permanence et on sort de notre journée lessivés", détaille un autre surveillant du centre de la Valentine qui préfère garder l'anonymat.

Il faut savoir que les mouvements d'un espace à un autre se font avec un surveillant. Il peut y avoir 10 jeunes par mouvements. Et c'est précisément à ces moments-là, que les jeunes en profitent pour tenter de récupérer des stupéfiants, mis à disposition par d'autres, pour récupérer des armes, mais aussi pour se battre entre eux, et agresser les surveillants.

"Certains de nos collègues en s'interposant dans les bagarres sont sérieusement blessés et cela occasionne des arrêts maladie", raconte le syndicaliste. Autre problème récurrent rencontré, les refus de réintégration des cellules. Les jeunes peuvent alors jeter aussi "de la pisse, de l'huile bouillante ou de l'eau bouillante sur les surveillants quand ce ne sont pas des yaourts ou autres produits, ce qui poussent les agents en burn-out, car lorsqu'il manque des agents, les autres sont sursollicités et cela empiète sur leur vie privée et leur temps de repos, ils sont fatigués physiquement et mentalement", détaille Kamel Belghanem,

Un manque de reconnaissance

"Il faut attendre 30 ans d'ancienneté avant de toucher 2000 euros", s'agace ce surveillant, "alors qu'on prend des risques énormes tous les jours".

Le drame qui s'est déroulé dans l'Eure ce mardi, est à la fois la goutte d'eau qui fait déborder le vase des surveillants qui ne se sentent pas écoutés et qui veulent en profiter pour donner de la visibilité à leurs revendications et une preuve que leurs revendications ne sont pas sorties de nulle 

"Il faut attendre un drame pour que les caméras, nos élus et notre institution se tournent vers nous", indique ce surveillant, "on est délaissés, abandonnés, on manque de moyens et d'effectifs".

Kamel Belghanem, surveillant à la Valentine regrette "les missions ne sont pas valorisantes, le personnel de direction pas assez présent".

Avec ce type de public et les effectifs réduits on est toujours sur le qui-vive et potentiellement en danger.

Un surveillant pénitentiaire à Marseille

à France 3 Provence-Alpes

Dans ces centres pour mineurs, une unité accueille 10 détenus maximum. Et c'est déjà beaucoup compte tenu de "leur extrême violence, de leur agressivité verbale et physique, leurs incivilités à outrance, leur imprévisibilité, les bagarres récurrentes entre eux et contre les surveillants", explique Kamel Belghanem.

Les extractions : le point noir 

Dans les revendications des surveillants des EPM, il y en a une qui rejoint celles des surveillants des prisons pour adultes, les extractions qui posent problème. Contrairement aux adultes, les EPM ne bénéficient pas des pôles de rattachement des extractions judiciaires (PREJ)  ce sont donc les surveillants eux-mêmes qui doivent faire les extractions, que ce soit des extractions judiciaires ou médicales. Il y a systématiquement trois agents qui font partie de l'extraction.

Pour les extracations médicales, c'est sur n'importe quel motif, même pour du Doliprane, ils les font sortir.

Kamel Belghanem, surveillant pénitentiaire

à France 3 Provence-Alpes

"Cela nous met donc en difficulté, car pour les agents qui restent ils sont en sous-effectif et ceux qui sortent sont en danger comme mardi nos collègues qui ont été tués", explique Kamel Belghanem.

Et comme ses confrères des prisons pour adultes, l'inter syndicale réclame plus de visio à la place des extractions judiciaires.

"Il faut savoir que l'on met nos vies en jeu à chaque extraction, que cela mobilise trois agents, qu'on met nos collègues en sous-effectifs, que cela prend du temps entre le transport, les embouteillages, l'attente avant de voir les magistrats, et parfois une fois dans le bureau des juges, le jeune dit qu'il ne parle pas. Tout ça pour ça, avec l'argent du contribuable, car cela génère des heures supplémentaires aussi pour les agents", regrette Kamel Belghanem.

Selon lui, "juste pour dire que le jeune ne coopère pas, une simple visio peut suffire".

Depuis mercredi et le début du blocage, les agents sont en grève, reconduite pour ce vendredi . 

Cela occasionne pour les mineurs, "aucune activité scolaire, sportive ou autre, seules les urgences vitales sont assurées, les promenades sont effectuées par des officiers venus en renfort. La cantinière est là aussi pour assurer la livraison des repas et la direction est présente également", précise le syndicaliste.

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