La mobilisation est très importante dans les établissements pénitentiaires de la région notamment à Grasse deux jours après l'attaque dans l'Eure d'un fourgon transportant un détenu. Deux agents ont été tués dont un qui avait travaillé à Grasse, et trois autres ont été blessés. Les agents ne se sentent pas en sécurité et le font savoir.
Ce jeudi matin devant la maison d'arrêt de Grasse, ils ont pris leur parapluie et brûlé quelques pneus. Et ils sont déterminés. Habib, qui est maintenant à la retraite, ne mâche pas ses mots. Il n'hésite pas à remonter son tee-shirt et à montrer son ventre à ses anciens collègues, en ronde autour de lui.
On a deux morts, deux collègues, ça suffit ! Autant vous montrer l'extraction médicale que j'ai eue en 2014 avec l'ablation d'un rein. Je l'ai amené ( un détenu) à minuit... Je n'ai jamais eu gain de cause alors on bloque on s'en fout !
Habib, retraité de la pénitentiaire
Et il poursuit : "Vous allez vous réveiller le matin sans savoir si vous allez rentrer chez vous ? Eux -la direction-, ils sont dans des bureaux, on n'est pas des boucliers !"
Ce mardi 14 mai, deux agents ont été tués dans l'Eure et trois autres ont été grièvement blessés au niveau du péage d'Incarville en Normandie. Alors qu'ils transportaient un détenu pour une extraction judiciaire entre Rouen et Évreux, leur fourgon a été violemment attaqué.
Le prisonnier, connu pour des affaires liées au trafic de stupéfiants, est toujours en fuite avec ses complices.
Un ancien collègue
L'un des agents qui a perdu la vie, Arnaud Garcia, avait commencé sa carrière à Grasse. C'était en 2009, il avait alors 18 ans.
Il est mort à 34 ans, alors qu'il allait être père. À Grasse, beaucoup l'ont connu, ce qui accroit la colère. Et la mobilisation ne faiblit pas, malgré les propositions du ministère de la Justice.
Deuxième jour de mobilisation
Le mouvement ne montre aucun signe d'essoufflement. Les centres pénitentiaires azuréens sont bloqués pour une deuxième journée consécutive, ce jeudi 16 mai. Comme hier, “c’est un blocage total”, décrit Hervé Segaud, secrétaire général adjoint FO justice affecté à la maison d'arrêt de Grasse. “Personne ne rentre, personne ne sort, il n’y a pas de parloir. C’est le service minimum.”
Selon les syndicats, il y aurait une cinquantaine de personnes bloquant les sites de Nice et de Grasse, environ 80 à Draguignan, présents dès 6 heures du matin.
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— FO JUSTICE (@SyndFoJustice) May 16, 2024
Les propositions du ministère rejetées
Mercredi, la première journée d’hommage et de mobilisation était empreinte de “tristesse”, relate Philippe Abime, délégué régional FO justice au centre pénitentiaire de Draguignan. “Aujourd’hui, l’émotion a laissé place à la colère”, abonde Hervé Segaud.
Si les agents pénitentiaires pleurent leurs collègues, ils dénoncent aussi leurs “conditions de travail déplorables et les agressions de plus en plus nombreuses”, continue Nordine Souab, délégué de l'UFAP UNSA Justice à la maison d’arrêt de Nice.
La veille, en fin d’après-midi, le ministre de la Justice a reçu les principales organisations syndicales pénitentiaires. La réunion a abouti à un relevé des décisions qui a été lu, ce matin, aux agents des centres pénitentiaires. À Nice, Grasse et Draguignan, les propositions du ministère ont été rejetées, entraînant de facto la suite de la mobilisation.
“La liste comporte des pistes très intéressantes en matière sécuritaire”, concède Hervé Segaud, qui déplore néanmoins “qu’elles soient trop imprécises pour s’en satisfaire”.
“C’est trop flou”, confirme Philippe Abime. “Les agents ont besoin de mesures concrètes, maintenant, tout de suite.”
Il faut que demain, quand les agents partent en mission, ils se sentent en sécurité !
Philippe Abime, délégué régionale FO Justice au centre pénitentiaire de Draguignan
“Il n’y a pas d’autre solution que de revoir la politique carcérale”, afin d’améliorer les conditions de détention et les conditions de travail du personnel, conclut Hervé Segaud. En attendant, les “agents sont décidés à poursuivre le blocage”.
Catherine Lioult et Marion Fontaine.