PIP: le procès reprend lundi avec l'audition des témoins

Lundi, les témoins du parquet interviendront, mardi ceux des prévenus. Vendredi, Jean-Claude Mas a dû s'expliquer à la barre: "Je prétends que je n'ai pas fait prendre de risques. Ces femmes ne sont pas bien dans leur peau, elles sont fragiles". Le procès doit durer jusqu'au 17 mai.

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Plein d'assurance et gardant son sens de la provocation, Jean-Claude Mas, fondateur de la société PIP, a vigoureusement défendu vendredi ses prothèses mammaires frauduleuses devant le tribunal correctionnel de Marseille, s'attirant les foudres des plaignantes.

"Je prétends que je n'ai pas fait prendre de risque"

Pendant cette première journée d'audition, ses coprévenus, anciens cadres de PIP, ont décrit une usine où tout le monde savait, entre peur du patron et peur du licenciement. Dans la matinée, M. Mas avait défendu son gel "maison": "Je prétends que je n'ai pas fait prendre de risques", déclarait le septuagénaire, jugé pour "tromperie aggravée" et "escroquerie" pour avoir, dans les années 2000, rempli les prothèses d'un gel de silicone industriel non autorisé. "Au niveau cohésivité, je suis certain, j'affirme qu'il était supérieur au Nusil (le gel conforme, ndlr)", a-t-il répété, montrant parfois un léger agacement.
Dans l'après-midi, l'agacement a franchi un cran, quand le procureur Jacques Dallest l'a interrogé sur ses déclarations en garde à vue, dans lesquelles il traitait les plaignantes de femmes "fragiles" en quête "de fric". Beaucoup de femmes dans la clientèle de la chirurgie esthétique "ne sont pas bien dans leur peau", "sont fragiles", a répondu Mas, provoquant un brouhaha dans la salle et s'attirant un "connard" venu des sièges des victimes.

Compétent pour proposer ce gel

Vêtu de son large blouson marine, regardant la présidente, droit, les yeux écarquillés, il a expliqué avec assurance tenir la formule de son gel d'un chirurgien plasticien varois, pour qui il avait travaillé au début des années 80. Il a redit que oui, il s'estimait compétent pour proposer ce gel, en dépit d'un parcours divers: bac maths élém, vendeur d'assurances-vie, visiteur médical, employé "dans les diamants", représentant en vins. "J'ai toujours bien vécu", note-t-il. S'il avait pu obtenir un statut de formulateur, il l'aurait fait, a-t-il affirmé. "Malheureusement, il fallait un million d'euros pour avoir une unité pour devenir formulateur", a-t-il dit, alors que les finances de l'entreprise, défaillantes (perte du marché nord-américain, provisionnements pour procès à l'étranger...), ont fait l'objet de nombreuses questions. L'enquête a montré que l'usage du gel non conforme au lieu du Nusil avait permis à la PME un gain annuel d'un million d'euros.
Selon les autorités sanitaires, un quart des prothèses retirées des porteuses étaient défectueuses (perspiration du gel, rupture des enveloppes), générant notamment des réactions irritantes.

Pas eu conscience du danger

Interrogé après lui, son ex-bras droit, Claude Couty, a admis avoir "permis la vente de lots non homologués". "Mais je n'ai jamais eu conscience du danger", assure-t-il, costume sombre et chevelure argentée. A propos de Mas, il souligne qu'"il vit dans son monde". "Il pense avoir la science infuse (...) assez souvent on était en désaccord sur la gestion", dit-il, devant Mas qui sourit. Tous les salariés de l'entreprise connaissaient l'existence de ce gel, mais Mas imposait sa volonté, a affirmé un autre prévenu, Loïc Gossart, 39 ans, ex-directeur production. Selon lui, "100% des salariés, hors les commerciaux France, étaient au courant".
Il relève que le retour au gel conforme qu'envisageait Claude Couty déplaisait aussi "aux syndicats" car, plus cher, il aurait entraîné un surcoût et des risques de licenciements dans un contexte de difficultés économiques de la société de 120 salariés. Pourquoi ne pas avoir eu "un sursaut citoyen?", l'interroge alors le procureur. "On essaie de partir, de chercher un emploi à côté... je n'ai pas démissionné car ça reste difficile", lui a-t-il répondu.
Autre prévenu, Thierry Brinon, 53 ans, directeur technique depuis 2006. Les plaintes de chirurgiens en 2008 "ont commencé à me faire douter de la culture de l'entreprise", a-t-il dit. Quand Mas lui demande de "travailler sur le gel" et qu'il refuse, "il confie cette mission à mon ingénieur".
L'ex-directrice de la qualité, Hannelore Font, entrée en 1999, à 22 ans, chez PIP, assure que dès 2004 elle pensait "que les choses pouvaient changer". Mais c'est en 2009 qu'elle bloque la sortie de lots. Très vite, elle s'effondre. "Je tiens à m'excuser de n'avoir pas été à la hauteur", sanglote-t-elle.

La colère

Parmi la centaine de plaignantes encore présentes vendredi, la colère s'exprimait. "Avec quel mépris il (Mas) s'adresse à la cour, avec quelle désinvolture il parle de nous, avec quelle insouciance il parle des prothèses !", disait Hélène Muriel, sortie avant la fin. Plus de 5.250 femmes, Françaises pour l'essentiel, ont porté plainte (pour environ 30.000 porteuses de ces prothèses en France, et plus encore à l'étranger). L'Agence du médicament (ANSM), la Ligue contre le cancer sont parties civiles, ainsi que le certificateur TÜV.
Le procès doit durer jusqu'au 17 mai. Lundi, les témoins du parquet interviendront (notamment TÜV et l'ANSM), mardi ceux des prévenus. Les cinq prévenus encourent cinq ans de prison.

 

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