L'ancien entraineur de foot de Port-Saint-Louis a été condamné à 36 mois de prison dont 18 avec sursis pour agressions sexuelles sur mineurs de moins de 15 ans après douze plaintes de ses jeunes footballeurs.
"On voulait entendre le mot 'coupable', quand on attendu 'condamné', ça a été un grand soulagement." La maman d'Enzo* porte encore dans la voix toute l'émotion contenue ces trois dernières années. Le tribunal correctionnel de Tarascon a condamné le 7 mars l'ancien entraîneur de l'équipe U15 de l'Etoile sportive de Port-Saint-Louis-du-Rhône, Michel Khadraoui, à 36 mois de prison dont 18 avec sursis, interdiction d'exercer un métier en contact avec des mineurs, une inscription au fichier des auteurs d'infractions sexuelles (Fijais) et 24 000 euros d'indemnisations à verser aux jeunes victimes et à leurs familles.
L'ancien éducateur a été jugé pour agressions sexuelles sur mineurs de moins de 15 ans, atteintes à la vie privée, et détention d'images à caractère pédopornographique. L'ancien président du club, auprès de qui les parents des jeunes victimes s'étaient plaints de ses agissements, a quant à lui été condamné à quatre mois de prison avec sursis pour non dénonciation des infractions. Les 12 footballeurs qui ont porté plainte étaient âgés de 14 ans aux moments de faits. Leur entraîneur en avait 28.
Le "gage de la baleine"
"Il n'y a pas eu d'attouchement ni de viol, il appelait ça des gages, raconte la maman d'Enzo. Ils devaient se dénuder, parmi les gages qui revenait le plus souvent il y avait : cul nul, onduler au sol pour faire la baleine."
Les parents de l'adolescent apprennent ce qu'il se passe dans les vestiaires en juin 2019. "Pendant neuf mois, nos enfants ont été victimes de ces agissements puisque ça a commencé en septembre quand cet homme est arrivé au club."
Dans le club et au dehors, une info circule. Une vidéo datant du tout début d'année montrerait l'entraîneur avec les enfants dans les douches.
"Quand on lui pose des questions, notre fils s'écroule et là on comprend que c'est grave."
Maman d'Enzo*
Sans en savoir vraiment plus, la maman d'Enzo décide d'en parler à son fils. "On s'est dit, c'est peut-être pas l'unique fois où s'est produit ce genre d'incident." "Quand on lui pose des questions, notre fils s'écroule et là on comprend que c'est grave puisqu'il n'arrive pas à parler, on lui demande d'écrire tout ce qu'il sait et on téléphone aussitôt à la gendarmerie."
"C'est très difficile à ce moment-là pour lui, j'ai peur de sa réaction, je lui dit que c'est pas grave s'il ne peut pas parler, je m'efforce de le rassurer, je lui ai juste demandé s'il avait subi des viols, il m'a répondu non et après j'ai arrêté de poser des questions", explique la maman, submergée par les pleurs à l'évocation de ce souvenir.
Les parents du jeune garçon apprennent l'existence d'une seconde vidéo qu'ils visionnent. "On voit l'entraîneur prendre un enfant et le renverse sur ses genoux, il le défroque et il le fesse."
Des pratiques "habituelles" dans le foot
Les parents d'Enzo en veulent énormément au président du club qui n'a rien fait. "On va apprendre qu'il avait connaissance de cette vidéo dès septembre mais également d'une deuxième qui montre un autre enfant en train de faire la baleine, cul nul dans les vestiaires."
Lors de la perquisition au domicile de l'entraîneur, les enquêteurs découvriront des images pédopornographiques sur son téléphone et son ordinateur. Au procès, le prévenu se défendra en parlant de "jeux", et de "pratiques habituelles" dans le milieu du foot, pour renforcer l'esprit d'équipe. "Le plus grave c'est que le président du club aussi va dire ça", s'indigne la maman qui s'interroge sur son silence. Soit il n'a pas "réalisé que des enfants sont en danger, soit c'est de la non-dénonciation, pour des histoires de réputation, pour ne pas voir son nom mêlé à une histoire comme celle-là, alors que cela aurait été tout à son honneur de le dénoncer pour protéger nos petits."
Ce n'est qu'après sa mise à l'écart par la Ligue, que le président a démissionné de ses fonctions.
Une parole libératoire
Après l'affaire, Enzo a dû changer de club et de camarades pour aller s'entraîner à Saint Martin-de-Crau. Aujourd'hui, il poursuit ses études et va bien, assurent ses parents, il a eu un suivi psychologique, ce qui n'est pas été le cas de tous les autres enfants. "Il ne veut plus en parler, il dit avoir été libéré au moment où il a déposé chez les gendarmes", dit sa maman.
"Je pense que la décision de justice va aussi l'aider à se reconstruire, à avancer, et à croire en la justice, et aux bienfaits de leurs témoignages", estime le père de l'adolescent. Pour autant, la condamnation à quatre mois avec sursis et dix-mois mois ferme, après trois et demi d'attente, n'apaise pas encore les parents d'Enzo. "Je serai apaisée dans dix jours", conclut la maman d'Enzo. A la fin du délai accordé au condamné pour faire appel.
*le prénom de la victime mineure a été modifié.
