Fuites, vannes rouillées, tuyaux corrodés ou installations électriques pas entretenues... La fédération France Nature Environnement dénonce le vieillissement de certaines usines pétrochimiques de Martigues et Fos-sur-mer.
Une nappe toxique grande comme huit terrains de football s’est déversée dans la Méditerranée, au large de Martigues, ce jeudi 23 juillet.
Le produit provient de l’usine de chlorochimie Kem One, située à 1 km des côtes, sur le centre pétrochimique de Laréva. Il s’est retrouvé en mer à cause d’une fuite sur un bac de stockage corrodé.L’occasion pour France 3 de faire le point sur les risques encourus par la population voisine de ce site pétrochimique.
René Tassy est spécialiste des risques industriels, et membre de la fédération France Nature Environnement. Il dénonce une situation critique.
"Le risque va augmenter"
Avec le ministère de la Transition écologique et solidaire, René Tassy lance une enquête d’envergure sur les sites pétrochimiques de Fos et Martigues, afin d’évaluer l’état des installations."Nous allons nous mettre en relation avec les employés des entreprises, via les syndicats ou les représentants de personnel, les sous-traitants, les directions, les équipes d’hygiène et de sécurité, mais aussi les élus de communes et les associations sur place. C’est un sondage. Nous ne sommes pas inspecteurs, ça c’est le travail de la Dreal (Direction Régional de l’Environnement, de l’Amménagement et du Logement) ou de la police de l'environnement."
Selon lui, ce bilan est urgent. "Les installations datent des années 70. Elles prennent de l'âge. Sans donner de nom, il y a des sites de gros industriels qui posent problème. Parfois aucun investissement n’a été fait en 20 ans, alors qu’ils ont de gros moyens."
Il ajoute : "La situation est alarmante. La Dréal fait des contrôles, mais on a l’impression qu’elle manque d’agents. L’État n’investit pas assez face à l’enjeu. S’il n’y a plus d’enquête, le risque va augmenter".
En 2010, le ministre de l’Ecologie Jean-Louis Borloo a lancé le plan de modernisation des installations industrielles. Une loi qui impose aux entreprises une liste précise de mises aux normes et de rénovations à effectuer.
Dix ans après sa mise en place, la fédération France Nature Environnement souhaite dresser un bilan de ce qui a été fait ou non.
Des petites structures qui passent sous les radars
Pour René Tassy, les sites les plus problématiques ne seraient pas forcément les plus grandes structures. Au contraire, des petites usines, qui attirent moins d’attention que les sites Seveso, seraient trop souvent oubliées lors des contrôles."Pour faire tourner les grandes usines Seveso, il y a tout un tas de petites installations annexes, comme à Laréva. Beaucoup sont passées à travers le plan de modernisation", dénonce le lanceur d’alerte.
Chimiste de formation, René Tassy a travaillé pendant trente ans dans le milieu industriel de Fos.On n’est pas à l’abri d’un gros incident, comme l'incendie de Lubrizol à Rouen.
Aujourd’hui, il dresse un constat édifiant et énumère déjà une longue liste d'anomalies : "ça peut être des fuites, des vannes rouillées qui ne ferment plus, des tuyaux corrodés, des installations électriques pas entretenues... Attention au futur".
"Il y a également un problème de formation du personnel. Le turn-over est important sur ces sites, et le temps que les gens se forment est long. Résultat, le personnel apprend trop souvent sur le tas, pour connaître vraiment les installations", regrette René Tassy.
Aujourd’hui, son association craint que la crise économique engendrée par le Covid-19 ait un impact sur la sécurité du site.
"Les entreprises sont en crise, mais j’espère qu’elles vont continuer à investir pour entretenir les installations. Il faut de vrais investissements axés sur la sécurité et l’environnement."
La ministre de la Mer, Annick Girardin, s'est engagée sur Twitter à agir, suite à la fuite de l'entreprise Kem One :
Pour Renée Tassy, la négligence de certains sites industriels peut mettre en péril la santé des habitants : "on est dans une des zones les plus polluées de France au niveau de l’air, ici la santé des gens est très dégradée. Si on continue, le risque va augmenter."Je serai très vigilante sur les raisons avancées par ce groupe et n'hésiterai pas à leur demander des comptes si nécessaire. Nos mers ne sont pas des décharges.
— Annick Girardin (@AnnickGirardin) July 23, 2020
Menée conjointement avec le ministère de la Transition écologique et solidaire, l’enquête débutera en septembre prochain.