Depuis 2013, l'association LADeL basée à Tarascon (Bouches-du-Rhône) essaie de mieux faire connaître les corvidés, des oiseaux mal-aimés. À tort. Pies, corbeaux et corneilles ont bien des choses surprenantes à nous apprendre.
La pie est une voleuse et le corbeau porte malheur. Les préjugés ont la vie dure et dans la grande famille des corvidés, ces deux-là sont les plus mal-aimés.
Avec son association, Véronique Bialoskorski tente de les réhabiliter. En 2013, elle a fondé LADeL, "Les Amis de Lazare", du nom de son corbeau, récupéré après l’élimination de sa famille alors qu’il n’avait que trois semaines.
Un corbeau qui parle
"Souvent les battues ont lieu au moment où les parents sont en période de reproduction et ont des petits au nid, raconte-t-elle. Ça permet de les tuer pendant qu’ils sont à côté des nids en tentant de protéger leurs jeunes, c’est terrible à voir, ils volent en cercle et ils crient et ils se font abattre de manière effroyable".
C'était il y a 11 ans. Depuis, Lazare ne l'a plus quittée. "Il m’accompagne partout, il dort dans la maison, il mange avec moi, il se promène avec moi, il se met sur mon bras, il est très câlin, il a vraiment besoin de tendresse".
Véronique Bialoskorski a développé une relation très forte avec le corvidé. "Il parle un peu humain, il dit "aller viens", il appelle, il reconnaît les gens, il est beaucoup plus rapide que les chiens pour détecter si quelqu’un s’approche, et il n’a pas le même cri selon que c’est un inconnu ou pas", assure-t-elle.
Depuis la nuit des temps, le corbeau effraie les superstitieux. On le voit comme un charognard, un oiseau de mauvais présage, voire un animal maléfique.
Aujourd'hui encore, avec son plumage noir, ses yeux perçants et ses croassements bruyants, il inspire souvent la peur. Ou la moquerie, comme dans la fable de La Fontaine qui apprend aux enfants à rire aux dépens de cet orgueilleux si facile à duper.
Une intelligence fascinante
Cette mauvaise réputation lui colle aux ailes alors que le corbeau est doté d'une intelligence étonnante, qui fascine les spécialistes. Des études sont en cours un peu partout dans le monde.
"Ils sont capables d’enchaîner jusqu’à sept actions consécutives pour obtenir un résultat, ils peuvent aller dans une boîte chercher un objet, le jeter dans un tube pour faire descendre une pierre qui leur permettra d’attraper un bâton pour aller chercher le ver", explique Véronique Bialoskorski.
"Certains corvidés sont capables de fabriquer des outils ce qui n’avait jamais été observé dans le règne animal à part chez l’hominidé", ajoute-t-elle.
Ils ont aussi une grande capacité d'adaptation à leur environnement. Ainsi, les colonies de Choucas des tours, très présents dans le sud-est et reconnaissables à leurs sons aigus, régulent leurs naissances en fonction de la nourriture à disposition.
Ce sont aussi des animaux très sociables, qui montrent un attachement à la famille très développé.
"Ils vivent en couple, unis à vie, et toute l'année ils partagent vraiment toutes les activités, mais on a vu que parfois il y avait des infidélités, notamment chez les vieux mâles avec de jeunes femelles, c'est très intéressant à observer parce qu'ils nous ressemblent énormément", s'amuse Véronique Bialoskorski.
Ils sont très bons parents, ils sont très attachés à leurs petits et très longtemps.
Lazare est devenu l’ambassadeur de ces oiseaux mal-aimés. "Il adore les humains, il aime beaucoup avoir du monde autour de lui".
Le corbeau participe aux ateliers de sensibilisation qu'elle organise dans les établissements scolaires à travers la France pour combattre les idées reçues. "L'objectif c'est de les faire connaître pour faire évoluer la perception et le traitement dont ils sont l'objet".
Mal-aimés et chassés
Car les corbeaux sont massivement chassés en France. Ils sont quelques centaines de milliers abattus chaque année selon Véronique Bialoskski "sans se soucier de l'impact que cela peut avoir sur l'ensemble de la biodiversité".
La conférencière met au contraire en avant l'utilité des corvidés, gros consommateurs de chenilles processionnaires, de doryphores et de sauterelles, ravageurs de cultures.
L'association a développé une expertise pour aider les chambres d'agriculture à trouver des solutions dans les zones où les corbeaux s'attaquent aux récoltes.
"On ne nie pas qu'il y a des problèmes, l'idée c'est d'arriver à trouver un équilibre", insiste Véronique Bialoskski.
L'association a aussi créé un Sanctuaire des Corbeaux pour les animaux blessés amenés par des particuliers ou transférés par des centres de soins qui ne veulent pas s'en occuper.
"Chaque année nous secourons environ 400 oiseaux et nous avons élaboré un guide qu'on a mis en ligne pour les particuliers qui nous appellent de toute la France."
Lazare et "son humaine" avaient prévu plusieurs conférences et ateliers au cours de ce printemps. Tout a été suspendu avec le reconfinement.
Dès que la situation sanitaire le permettra, Véronique Bialorskorski reprendra son bâton de pèlerin pour partager sa passion des corvidés.