Le confinement va être allégé pour la fin de l'année. Mais comme l'ont rappelé le Premier ministre Jean Castex, jeudi, et le professeur Rémi Salomon, mardi, les fêtes de Noël représentent un risque sanitaire. Faut-il y renoncer pour autant ?
"Nous pourrons nous déplacer et passer Noël en famille." Emmanuel Macron a annoncé, mardi 24 novembre, la levée du confinement à partir du 15 décembre, si les chiffres des contaminations et des réanimations liés à l'épidémie de Covid-19 poursuivent leur décrue. Le chef de l'État a toutefois ajouté que les "réunions privées devront être limitées au maximum".Un recommandation rappelée par le Premier ministre Jean Castex, jeudi, qui a expliqué qu'il état "impératif" de "limiter" le nombre de convives à Noël et au jour de l'An.
>> DIRECT. Confinement : regardez la conférnce de presse du Premier ministre Jean Castex
Entre soulagement et appréhension, les Français font face à une situation difficile, et inédite. Face au risque de propagation de l'épidémie, faut-il renoncer à passer Noël en famille malgré le besoin de retrouver ses proches ?
• Oui, il y a un risque de troisième vague
"On coupe la bûche de Noël en deux et papy et mamie mangent dans la cuisine et nous dans la salle à manger". Tel est le scénario proposé par le professeur Rémi Salomon, président de la commission médicale d'établissement de l'AP-HP, invité mardi 24 novembre sur franceinfo."Si je transmets le virus à papy et mamie, c'est pire que tout, a-t-il déclaré. Comment je vais vivre ça après ? Parce qu'ils ont un risque sérieux d'être en réanimation et éventuellement d'en mourir". Des propos pour lesquels il s'est excusé quelques heures plus tard sur Twitter.
?...toutes mes excuses à nos aînés.
— Rémi Salomon (@RemiSalomon) November 25, 2020
Repas de Noël en famille mais protégeons les grands-parents :
➡️Le masque en dehors du repas
➡️Aérez au moins une fois par heure https://t.co/DP1X2EUHej
Au-delà de la petite phrase, le discours de Rémi Salomon pose la question de la responsabilité individuelle. "En terme purement épidémique, il y a un risque de reprise si l'on ne fait pas suffisamment attention, estime l'épidémiologiste Jean Gaudart (Inserm, AMU, AP-HM La Timone). Le virus se propage dans les cas contacts sans gestes barrières. En relâchant la pression, il y a un risque très clair de troisième vague".
• Oui, les personnes à risque vont être très exposées
Les parents et grands-parents, passé un certain âge, font partie des personnes dites vulnérables. Si l'on s'en tient aux chiffres, en septembre 2020, l'âge moyen des victimes du Covid-19 en France était de 81 ans Selon santé publique France.
De là à devoir manger seuls à la cuisine ? Patrick Ben Soussan, pédopsychiatre et responsable du département de psychologie clinique à l’institut Paoli-Calmettes à Marseille, décrit une homogénéisation de la classe d'âge : "Les personnes âgées sont maintenant catégorisées comme personnes vulnérables, une nouvelle entité en soi". Une double peine pour celles et ceux "esseulés, enfermés" depuis le début de l'épidémie.
• Non, la fête de Noël est importante pour le lien social
Noël tient une place centrale dans nos vies. "On n’est pas simplement sur modèle chrétien religieux et spirituel, explique Patrick Ben Soussan. Ça devient aussi une fête familiale, un lien entre les générations, un moment de vacances, ce moment opportun de changer d’années avec tout ce que ça peut dire sur les nouvelles résolutions, avec une année derrière nous et de nouveaux projets qui se construisent".
Le pédopsychiatre revient sur les propos de Rémi Salomon pour mettre en avant le sentiment de culpabilité qui peut émaner chez les plus jeunes : "Comme si c’était ma faute, souligne-t-il. Comme si la seule possibilité était de se sentir coupable". Or, la culpabilité est centrale chez les enfants : "Une de ses grandes peurs est de détruire l’autre et l’adulte".
Au-delà de l'aspect purement épidémiologique, Jean Gaudart est conscient de l'importance du lien social pour la vie, pour la santé mentale : "Il faut arriver à trouver un équilibre entre les risques épidémiques et sanitaires et le lien social".
• Non, on peut limiter la propagation du virus avec les gestes barrières
Comment s'organiser pour pouvoir se réunir en famille mais protéger les plus vulnérables ? Cela passe évidemment par les gestes barrières : se laver les mains, ne pas partager son verre, ses couverts, garder son masque surtout si l'on a pris un risque, aérer la pièce régulièrement.
Des gestes "faciles" mais essentiels que liste l'épidémiologiste Jean Gaudart. Puis d'autres moins faciles : ne pas embrasser ses parents ou ses grands-parents, ne pas se prendre dans les bras. "Un mètre de distance en intérieur ça ne suffit pas", note le professeur.
Si la fête de Noël en famille semble essentielle dans nos relations sociales, d'autres célébrations peuvent être évitées, souligne Jean Gaudart, et notamment "les grosses fêtes de fin d'années avec beaucoup de personnes dans des lieux clos". Cela pourrait alors rappeler le scénario de cet été et le raté du premier déconfinement avec de grosses fêtes organisées, un brassage de la population qui a permis au virus se propager.
• Non, grâce à la responsabilité individuelle
En suscitant en sentiment de culpabilité, le discours de Rémi Salomon relève du "déni de responsabilité individuelle, estime Patrick Ben Soussan. "C'est une façon de diviser les Français et les familles, de mettre une frontière avec les jeunes, de nous dresser les uns contre les autres". Il fait également référence au spot publicitaire du gouvernement.
[#COVID19] Ne pas respecter les gestes barrières, c’est prendre des risques, pour soi et pour ses proches.
— Ministère des Solidarités et de la Santé (@MinSoliSante) September 11, 2020
On peut tous être touchés. Alors, on doit tous se protéger. pic.twitter.com/9TDmofMZyI
"C'est un déni de la nature humaine. La nécessité de contact est inscrite dans l'être humain, explique le pédopsychiatre. On connaît les risques, chacun va faire attention, il y va de la responsabilité individuelle, pas de la culpabilisation".
"On ne peut pas être dans le risque zéro. On est dans la réduction du risque. On ne l’abolit pas", rappelle Jean Gaudart. Quels risques j'accepte de prendre, de faire prendre aux miens ? Telle est la question, moins manichéenne, que tout le monde peut alors se poser.