A l’occasion de la Journée Mondiale du Refus de la Misère, dimanche 17 octobre, focus sur un rapport qui dénonce les effets persistants de la crise sanitaire, sur les plus démunis.
"Je crois que depuis la pandémie, on est tous pauvres. Il y a pas d’autre mot. On était déjà pauvres, mais alors ça nous a pas aidé !".
Pascale a 54 ans, et vit à Vence dans les Alpes Maritimes. Cette mère de quatre filles est l’une des huit personnes interrogées par le collectif Alerte Paca.
Dans son rapport publié en octobre 2021, fruit de l’analyse du territoire par plusieurs associations (Action contre la Faim, Emmaüs, Médecins du Monde, les Petits Frères des Pauvres, le Secours Catholique et Uriopss), le constat est alarmant : les conséquences sociales de la crise sanitaire perdurent, pour les plus démunis.
Huit histoires, huit témoignages des temps difficiles, que le collectif a choisi de mettre en avant pour dénoncer l’ultra-précarité dans la région.
Pascale, était employée de maison. Avec l’épidémie, en 2020, elle a perdu son emploi : "parce que les enfants préféraient s’occuper eux-mêmes de leurs parents âgés". Par la suite, elle sera déclarée inapte à son poste, à cause d’une hernie discale. Pendant six mois, Pascale ne touche aucune indemnité journalière de la Sécurité Sociale.
Alors les dettes s’accumulent. Aujourd’hui, elle perçoit 300 euros de chômage, et 108 euros de RSA. Montant de ses dettes : 3000 euros d’impayés de loyers.
Après cinq ans de demande de logement social, Pascale a enfin été relogée, dans un 35 m2 à 300 euros. Un soulagement de courte durée, car elle sait qu’elle va devoir très vite retrouver du travail pour rester à flots.
Avec la crise, un phénomène de "descension sociale"
A la crise sanitaire, s’est jointe une crise sociale. Nombreux sont ceux, qui comme Pascale, ont perdu leur emploi en 2020. D’après le collectif Alerte Paca, 24.000 emplois ont été détruits en 2020 dans le secteur privé, 15.000 dans le secteur tertiaire.
Des chiffres qui viennent gonfler ceux des minimas sociaux : "au niveau national, le nombre d’allocataires du RSA a augmenté de 7,5% de décembre 2019 à janvier 2020, contre 11,8% en Paca.", détaille le rapport.
Ils sont auto-entrepreneurs, ouvriers, commerçants, chefs d’entreprise, salariés précaires. La précarité touche toutes les couches de la société.
Ils sont étudiants aussi, comme Dina. Elle est libanaise, et vit en France depuis 2017, avec une licence en Santé Publique comme bagages. Elle travaillait "au noir" dans un restaurant avant la crise.
Lorsque tout s’est arrêté, les dettes se sont accumulées : 1200 euros d’impayés de loyers.
Elle sous loue une petite pièce de 6 mètres carrés dans le 15ème arrondissement de Marseille pour 150 euros, et cohabite avec cinq personnes. Dina l’avoue sans détour, elle ne fait "qu’un repas par jour", et n’a pas "un euros en poche" pour aller au restaurant universitaire.
10% de la population bénéficie de l’aide alimentaire
Alors que les conditions de vie des étudiants étaient déjà difficiles, la pandémie a accentué leur précarité. D’après le rapport, en 2020, ce sont 74% des jeunes de 18 à 25 ans qui ont rencontré en 2020, des difficultés financières.
Privations alimentaires, endettement pour payer le loyer, renoncements aux soins. Les conséquences pour ces étudiants sont nombreuses.
Eux aussi viennent grossir les rangs de l’aide alimentaire. En 2020, le nombre des bénéficiaires a augmenté de 20%. Ce sont au total, 7 à 8 millions de personnes en France qui font appel à l’aide alimentaire. C’est 10% de la population.
Pour la création d'un Observatoire des Grandes Pauvretés
Après analyse de ces témoignages édifiants, les membres du collectif Alerte Paca, ont établi une liste de préconisation, pour lutter contre "l'ultra-précarité" en région Paca.
Pour "connaître, comprendre, analyser les pauvretés au niveau local", ils préconisent la création d'un Observatoire des Grandes Pauvretés sur la région, et plus spécifiquement sur Marseille, qui concentre bon nombre de difficultés. Un observatoire qui permettrait "une meilleure compréhension des phénomènes de pauvretré, et aboutir à des propositions concrètes".
L'objectif est également de mieux coordonner les actions en "renforçant les liens inter-acteurs, institutionnels et associatifs".
Assurer aussi une politique de logement digne, un accès à une alimentation saine, réduire la fracture numérique... Les axes de travail sont aussi nombreux que les formes de la pauvreté.
Il est aujourd'hui certain que la pandémie a bouleversé des équilibres de vie déjà bien fragiles pour certains. L'objectif, est que cette "ultra-précarité" dans notre région, ne poursuive pas sa courbe une année de plus. Il en va de l'avenir de milliers de personnes.