Habituée du festival et auteure de pièces radicales, entre confessions intimes et harangues enflammées, Angélica Liddell présente jusqu'au 13 juillet "Qué haré yo con esta espada?
La pièce se veut "une approche de la loi et du problème de la beauté", à travers deux événements atroces: le crime du Japonais Issei Sagawa, qui tue et dévore une jeune néerlandaise le 11 juin 1981 à Paris, et les attentats du 13 novembre dernier dans la capitale.
Angélica Liddell dit avoir été "fascinée dés que j'ai eu connaissance, à 15 ans, du crime de Sagawa". Elle a vécu les attentats parisiens de novembre 2015 depuis le théâtre de l'Odéon où elle jouait ce soir-là comme "une malédiction", imaginant qu'elle aurait pu être à l'origine de cette horreur, par la violence qu'elle mettait en scène dans sa pièce. "C'est un traumatisme", dit-elle.
Je parle de la nécessité de transformer la violence réelle en violence poétique. Je ne justifie en rien ces actes, mais je pense que cela fait partie de la nature humaine.
Sur le plateau, elle n'hésite pas à se mettre à nu jusqu'à l'exhibition, jambes écartées et sexe offert aux regards, allongée sur une table de dissection. Dans une longue diatribe, elle explique son souhait d'être violée après la mort, par l'assassin en série américain Ted Bundy. Délires narcissiques? La dramaturge assure pourtant "détester parler sur scène". "C'est une punition. Je fais ce que je déteste, pas ce que je veux faire, c'est exactement ce qui arrive aux assassins", ajoute-t-elle.
Le public est comme toujours divisé sur le spectacle.
Il faut oublier toute logique pour entrer dans son obsession pour la sexualité, la mort et le sacré. Un acteur nippon décrit par le menu la dévoration du "Japonais cannibale", tandis que sur le plateau, on entre dans le mental de l'assassin avec ces images de jeux sexuels de très jeunes filles avec des poulpes, calquées des mangas érotiques japonais. Les scènes, parfois d'une grande beauté, on pense au "Jardin des délices" de Jérôme Bosch, s'étirent jusqu'à l'écoeurement. La musique, rock ou sacrée, souligne les rituels sacrificiels.Tout est rituel pour l'Espagnole. Dieu est une "nécessité", mais elle ne croit pas en Dieu. "Le bonheur est un besoin de l'être humain, comme Dieu, mais Dieu n'existe pas", dit-elle, et "ceux qui croient être heureux sont des imbéciles".Pas d'espoir, donc, mais une longue crucifixion: l'art d'Angélica Liddell est fait de souffrance. "Quand on arrive à 50 ans, on a l'impression qu'on t'enlève tout", avoue-t-elle. Justement, elle a 50 ans.