Ils débarquent en groupe, frôlent l'eau, bombardent le feu. 12 Canadair interviennent dans la France entière, chacun coûte 60 millions d'euros. Où est leur base ? Quelles sont leurs limites ? Qui les pilote ? La Sécurité civile nous parle de ce remarquable bombardier d'eau.
Le Canadair impressionne. D'abord parce qu'il est synonyme d'une mauvaise nouvelle : un feu important. Ensuite parce que la dextérité des pilotes fait de leur intervention un ballet. Les Canadair français sont basés à Nîmes. Leur histoire est trépidante.
Comment se procurer un Canadair ?
Au risque de vous décevoir, il est impossible de s'offrir un Canadait neuf. Viking Air, l'unique entreprise qui fabriquait le bombardier au Canada, a stoppé sa production.
Dix ans sont nécessaires pour fabriquer cet avion amphibie bombardier d'eau, reconnaissable à ses couleurs rouge et jaune. Chaque appareil coûte 60 millions d'euros.
Trouver ces pièces de rechange rares demande donc du temps et un certain talent.
L'entreprise canadienne de Havilland se lance dans la fabrication du DHC-515, dans la même lignée. "On espère sa sortie en 2026 ou 2027," déclare Adeline Savy, cheffe du groupement des moyens aériens de la Sécurité Civile. "On aimerait une concurrence saine." Ce qui n'a jamais été le cas dans ce domaine.
Lutte contre l'incendie en Gironde de 2022 @ FABRICE BALSAMO / Ministère de l'Intérieur.
Pour bien abriter une flotte de Canadair, il faut lui trouver une base. Pendant 50 ans, les avions ont été en poste à Marignane. En 2018, lorsqu'ils partent à Nîmes, la nouvelle inquiète. L'appareil doit voler 20 à 30 minutes pour rallier Marseille. Mais les feux partent partout, sur tout le berceau méditerranéen.
"Vu l'activité de l'aéroport de Marseille-Provence, les contraintes étaient fortes pour décoller ou atterrir, et à Nîmes, nous avons plus d'espace pour la maintenance des appareils," précise Adeline Savy.
Une centaine de Canadair vole dans le monde. Les appareils français ont 25 ans. "Nos douze Canadair vont bien, ils sont en état de fonctionnement. Parfois, un avion reste au sol, en attente d'une pièce ou d'une réparation après un écopage trop rude."
Quels sont les points forts et les limites de cet appareil d'élite ?
C'est lorsqu'il intervient en noria que l'avion est le plus efficace. Une noria signifie que plusieurs appareils volent ensemble.
Ils larguent plusieurs fois 6000 litres d'eau en quelques secondes. "Quand les feux sont très importants, il arrive qu'on envoie 8 engins d'un coup," décrit Adeline Savy.
Pendant l'été, les engins ne restent pas tous à Nîmes. Un peu comme les pompiers en veille dans leur camion, ils sont disposés sur plusieurs points. " Actuellement, nous avons deux Canadair en Corse, si la canicule s'installe à Bordeaux, nous en enverrons là-bas, en octobre dernier nous avons envoyé un avion Dash à l'île de la Réunion," décrit la cheffe du groupement des moyens aériens de la Sécurité Civile, "mais toute l'organisation est à Nîmes."
La solidarité européenne est très bien organisée, en matière de lutte contre les incendies. Malgré la période estivale, très sensible, la Sécurité Civile a envoyé deux Canadair en Grèce, au mois de juillet, à deux reprises.
"Quand un pays européen fait appel à l'Europe, il fait appel à tous les pays", relate Adeline Savy.
L'Europe veut sa flotte. Elle va financer l'achat de douze Canadair. La France est en pourparlers pour en obtenir deux et en acheter deux autres elle-même. En 2022, des pilotes dénonçaient des actions trop tardives.
Trop de vent, trop de vagues, trop de courant... Le Canadair a parfois du mal à "charger" l'eau. À Marseille, par exemple, il opère à l'intérieur du port maritime, dans le chenal. À ce moment-là, les bateaux se figent, aucun baigneur n'est présent, les avions travaillent en sécurité.
Les pilotes vivent leur deuxième carrière. Ils viennent de l'armée, pour la plupart, ce qui leur permet d'intervenir en noria. Réputés pour leurs compétences, ils suivent une longue formation avant de partir sur les feux.
Le 25 juillet dernier, un bombardier d'eau s'écrase en Grèce. Les deux pilotes grecs décèdent, l'émotion est immense.
Le bel avion rouge et jaune ne peut pas travailler partout. Il a besoin d'un grand plan d'eau, de préférence la mer, pour faire le plein de ses deux soutes. Sur certains incendies dans les terres, mieux vaut envoyer des hélicoptères bombardiers d'eau, moins impressionnants mais plus adaptés.
Que font les autres moyens aériens ?
Ils sont moins rouges, moins jaunes, plus discrets, d'ailleurs personne ne les admire quand ils travaillent. Pourtant, les avions Dash et les hélicoptères bombardiers d'eau interviennent sur les incendies. Dix hélicoptères bombardiers d'eau ont été loués cet été par la Sécurité Civile, au plus fort de la saison.
Dans cette vidéo, un hélicoptère largue 4000 litres d'eau sur un feu dans le quartier de La Viste, à Marseille.
Le Dash largue de l'eau ou du retardant, un liquide rouge qui freine la progression des flammes. À l’origine, c'est un avion de lignes régionales adapté pour lutter contre les incendies. L'hiver, il peut être utilisé pour du transport de personnes.
Plus gros et plus rapide que les Canadair, il largue deux fois plus d'eau. Huit Dash font partie de la flotte anti incendie. Six d'entre eux viennent d'être achetés.
Le Dash possède un réservoir de 10 000 litres, soit 4 tonnes de plus que le Canadair. Sa vitesse lui permet de voler entre Nîmes et Bordeaux en une heure, contre deux pour le Canadair.
Les moyens aériens prouvent leur efficacité chaque été. La Sécurité civile fait face à une sécheresse de plus en plus importante. Devant le risque de multiplication des feux dans les années à venir, les stratégies doivent s'adapter.