Hautes-Alpes : des centaines de poissons morts dans la Durance, après une vidange d’un barrage hydraulique

La fédération de pêche des Hautes-Alpes s’indigne contre une vidange du barrage de Pont Baldy, le 1er avril dernier. L’ouverture des vannes aurait déversé dans les eaux de la Cerveyrette et de la Durance, de la vase, asphyxiant ainsi de nombreux de poissons sauvages. Les pêcheurs dénoncent une catastrophe écologique.

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C’est une rivière mythique pour les pêcheurs de truite. La Durance, qui traverse la Provence jusqu’au Rhône, vient de subir une "véritable catastrophe écologique", d’après la Fédération de Pêche des Hautes Alpes.

En effet, depuis le début du mois d’avril, une importante mortalité piscicole a été constatée. Ce sont des milliers de truites Fario Méditerranéennes, une espèce entièrement sauvage, qui sont mortes, asphyxiées dans le lit de la Durance.

En cause, la vidange de la centrale hydraulique de Pont Baldy, située à l’est de Briançon (Hautes-Alpes). La manœuvre a été effectuée le 1er avril, et ce pendant sept jours par l’entreprise Energie Développement Services du Briançonnais (EDSB). C’est le concessionnaire du barrage hydraulique, producteur d’électricité.

Il s’agissait pour la centrale d’évacuer des boues et des sédiments accumulés dans le lac depuis 11 ans. Cette vidange décennale serait une nécessité pour la sécurité de l’ouvrage, mais elle est dénoncée par les pêcheurs depuis plusieurs mois. 

"La Fédération (…) a toujours exprimé son désaccord total pour une vidange dès le 1er Avril, période où cette année, le débit de la Durance est très faible", explique la fédération.

David Doucende, chargé de mission pour la fédération est aussi ingénieur hydrobiologiste. Depuis des mois, il alerte sur les dangers de cette manœuvre : "aux vues des faibles débits de la Durance, on savait que ça allait provoquer ce désastre".

Les pêcheurs voulaient que l'opération ait lieu au mois de mai, au moment où la fonte des neiges augmente le débit de la rivière. "Cela aurait permis de diluer les quantités de Matière en Suspension (MES)", explique David Doucende.

Les boues se sont d'abord déversées dans le cours d'eau de la Cerveyrette. Ce dernier se jette dans la Durance, à la hauteur de la ville de Briançon. 

Et depuis plusieurs jours, les pêcheurs ne peuvent que constater la catastrophe : des cadavres de poissons par centaines, le long de la Durance, jusqu’à Argentière-la-Bessée, flottent dans une rivière marécageuse. David Doucende estime que les conséquences peuvent se faire sentir jusqu'à Embrun. 

"Il y a les poissons que l’on voit, et ceux que l’ont ne voit pas. La reproduction de l’année, ce sont des centaines de milliers d’alevins. On sait qu’ils sont perdus", se désole l'ingénieur.  

Une vidange autorisée par arrêté préfectoral

Cette vidange du barrage de Pont Baldy est rigoureusement encadrée par les autorités.

Jointe par téléphone, la préfecture des Hautes-Alpes confirme que l’opération a bien été autorisée le 1er avril, face aux engagements du concessionnaire.

"Au regard du faible débit de la Durance et des risques sur l’écosystème, les services de l’État ont demandé des compléments au concessionnaire avant que puisse démarrer l’opération. Il s’agissait notamment d’adapter, voire arrêter, les manœuvres de vidange en cas de dépassement des seuils physico-chimiques (matières en suspension)", précise-t-elle.

Contactée également, la direction d’EDSB explique par voie de communiqué que cette vidange décennale est "nécessaire à la réalisation de travaux importants, validés par l’autorité concédante. Ces derniers sont destinés à garantir la sûreté de l’ouvrage et des tiers et ne peuvent se faire sans assurer une vidange de la retenue pour accéder à des organes habituellement immergés."

Le concessionnaire ajoute que "la vidange a fait l’objet d’un suivi en continu, 24h/24, des paramètres physico chimiques dans le milieu (taux de matière en suspension, niveau d’oxygène, d’ammoniaque, d’ammonium,…). Une équipe d’exploitants était mobilisée et les manœuvres de vannes ont été adaptées en fonction des valeurs constatées et des seuils d’alerte, conformément aux dispositions de l’arrêté préfectoral."

EDSB conclut en précisant que "tous les moyens disponibles ont été mis en œuvre par EDSB pour minimiser les impacts de cette opération sur l’environnement, tout en veillant à préserver l’intégrité de l’ouvrage et en garantissant la sécurité des biens et des personnes à l’aval".  

Une enquête en cours

La fédération de pêche des Hautes-Alpes a porté plainte. Le procureur de la République des Hautes-Alpes a également ouvert une enquête judiciaire pour pollution. 

D'après l'article L432-2 du code de l'Environnement, "le fait de jeter, déverser ou laisser écouler dans les eaux (...), directement ou indirectement, des substances quelconques dont l'action ou les réactions ont détruit le poisson ou nui à sa nutrition, à sa reproduction ou à sa valeur alimentaire" constitue une infraction pénale passible de deux ans d’emprisonnement et de 18.000 euros d’amende.

Une enquête qui durera de long mois, durant lesquels le parquet devra déterminer si les seuils d'alerte, prévus par l'arrêté préfectoral, ont été respectés par l'exploitant au moment d'ouvrir les vannes. 

De long mois aussi, mais surtout des années, avant que la Durance ne retrouve son équilibre écologique. La fédération de pêche estime qu'il faudra au moins quatre ans, avant de retrouver une population de truites fario équivalente. 

"Cela fait des années que l'on s'investit dans la préservation de cette espèce, tout notre travail a été anéanti en quelques jours", conclut David Doucende. 

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