Simulant une pendaison collective devant les grilles de la préfecture de Gap ce vendredi 15 octobre, 150 éleveurs des Hautes-Alpes ont alerté sur leurs conditions de travail. Ils dénoncent des attaques de loup de plus en plus nombreuses et demandent une aide rapide et concrète du gouvernement.
"En trois ans, les attaques de loups se sont multipliées. Ce n'était pas le cas auparavant. L'an dernier, je n'avais qu'un seul chien et j'ai eu 50 brebis attaquées et cette année j'ai monté quatre chiens en montagne et 35 brebis sont mortes. Dans la vallée, tous les éleveurs ont été touchés, il n'y a pas un alpage plus que les autres", précise Christophe Boyer, éleveur ovins à la Fare-en-Champsaur .
Une version qui est contredite par la préfète des Hautes-Alpes, pour qui" le nombre d'attaques est sensiblement le même alors que le nombre de brebis mortes est légèrement en baisse".
Au-delà des attaques, avec des cadavres de brebis, pour lesquelles elle est indemnisée, la profession dénonce les dommages collatéraux.
"L'an dernier, 90 de mes 350 brebis n'ont pas porté d'agneaux à cause de la grosse prédation. Ce sont des pertes sèches non prises en compte", explique l'éleveur haut-alpin.
Ce rassemblement, c'est aussi un cri de détresse, les éleveurs attendent d'autres formes d'aides du gouvernement en complément des indemnisations.
"On est pris au cou, on ne dort plus de l'été, on monte les brebis en montagne, la boule au ventre. C'est plus vivable, on fait du non-stop, on est toujours dans le stress", confie Christophe Boyer.
Actions symboliques pour dénoncer la précarité du métier
Ce vendredi matin, les éleveurs du département se sont rassemblés devant la préfecture des Hautes-Alpes et ont accroché des banderoles aux slogans explicites contre le loup telles que :
"Une bonne action peut-être une mauvaise action, qui sauve le loup, tue des brebis"
"Qui sauve le loup, tue le pastoralisme"
"Qui sauve le loup, tue l'économie"
"qui sauve le loup, saigne les paysans"
Plus tard, ils ont simulé une pendaison collective sur les grilles de l'enceinte du bâtiment préfectoral, avec une peluche de loup pendue, rappelant la pendaison d'une vraie louve survenue en septembre dernier devant la mairie de Saint-Bonnet-en-Champsaur avec l'inscription "réveillez-vous, il est déjà trop tard".
Au sol, les éleveurs ont peint des silhouettes de brebis représentant chacune les victimes du loup, pour marquer les esprits avec le chiffre des pertes écrit en lettres capitales.
"Les tirs de prélevements ne suffisent pas, on le voit bien. D'année en année, le nombre de prélèvements augmente mais il y a toujours plus de bêtes tuées, ce qui veut dire que le nombre de loups augmente aussi encore plus vite. Les chiens ne suffisent plus même en augmentant leur nombre. Il faut inverser la courbe et que les prédations diminuent pour arriver à zéro", précise l'éleveur.
Préserver le pastoralisme et le loup
Invitée à partager un pique-nique proposé par les éleveurs avec des produits locaux devant la préfecture, Martine Clavel, la préfète des Hautes-Alpes a reconnu "la problématique aiguë liée à la présence du loup".
Au contact régulier des éleveurs, la préfète a expliqué "chercher des solutions pour préserver cette activité essentielle qu'est le pastoralisme dans le département, tout en préservant également le loup qui est un animal protégé".
La préfecture intervient auprès des éleveurs, notamment pour les moyens de protection, "l'augmentation du nombre de chiens, le doublement des postes de bergers en alpage, les parcs clos pour la nuit, sont autant de dépenses pour l'éleveur pour lesquelles l'Etat apporte son aide", affirme la préfète précisant que ce sont "six millions d'euros du département qui sont donnés aux éleveurs pour ces dépenses".
Au niveau national, il est autorisé de prélever 19% de la population de loups sur l'ensemble du territoire. Selon les éleveurs, le nombre de loups est sous évalué, ce que reconnait à demi-mot la préfète.
"Il y a peut-être encore des marges de progression sur l'estimation de la population des loups."
Cette année, 118 loups vont être prélevés en France.
"Dans les Hautes-Alpes, il y a eu 16 tirs de prélèvement dont un braconnage" précise la préfète.
Les manifestants ont également exprimé leur solidarité avec un éleveur local poursuivi pour "blessures involontaires" parce que ses patous (chiens de protection de troupeaux) ont mordu des randonneurs. Le jugement du tribunal correctionnel de Gap est attendu ce lundi 18 octobre.