Le Covid s'est invité à la fête lors d'un séjour UCPA à Serre-Chevalier, dans les Hautes-Alpes. Une participante met en cause les "pratiques dangereuses" du centre sportif et pointe l'absence de mesures barrières. De son côté, l'UCPA assure avoir respecté le protocole sanitaire.
"Personnes agglutinées", "rassemblement sans geste barrière ni distanciation sociale", "pas de rappel des consignes sanitaires"... C'est le bilan de la semaine de vacances à Serre-Chevalier, pour Cécile. Dans un long message parvenu à notre rédaction, elle signale un cluster d'infections au Covid-19 et donne sa version du séjour.
Comme d'autres amoureux de la Montagne, cette habitante de Montrottier dans le Rhône avait choisi de passer la dernière semaine de décembre, du 26 au 1er janvier, dans la station de ski de Serre-Chevalier. Un séjour sportif organisé par l'UCPA (Union nationale des centres sportifs de plein air) tombant en pleine 5e vague de l'épidémie de Covid-19.
Pour rappel, face à l'explosion des contaminations Delta et Omicron, le Premier ministre Jean Castex annonçait deux jours après Noël une série de nouvelles mesures comme l'interdiction de consommer debout dans les bars et cafés, le retour des jauges ou encore le raccourcissement du délai pour bénéficier de la dose de rappel.
C'est la période à laquelle se retrouvent les participants à cette semaine UCPA, dans la station de ski haut-alpine. Cécile, 37 ans, a déjà fait trois séjours UCPA, avant la pandémie. "Je ne suis pas du tout dans cette ambiance festive. J'ai décidé d'y aller pour le sport, le snowboard", admet-elle.
Elle a alors "quelques craintes" dues au fait de se retrouver en collectivité mais imagine que "si un tel centre est ouvert, c’est que les contraintes sanitaires y sont appliquées et la sécurité de tous assurée".
Or, c'est très loin de ce qu'elle a pu constater. Dans un message adressé à la rédaction de France 3, Cécile décrit son premier soir au centre : "des centaines de personnes étaient agglutinées au bar en train de boire et discuter sans aucun masque ni geste barrière". Les autres soirs sont, pour elle, à l'image de ce dernier. "Tout se déroulait comme avant la crise sanitaire : les participants sont réunis à quatre dans des chambres minuscules, des soirées alcoolisées sont proposés tous les soirs..."
Selon son témoignage, "aucune consigne sanitaire n’a été rappelée ni aucun protocole évoqué" lors du pot d'accueil de l'organisation. "Je n’ai jamais vu les organisateurs aérer les espaces communs ou entendu rappeler les consignes sanitaires. Aucun espace n’est en outre prévu pour s’isoler. Il nous a juste été demandé à notre arrivée la présentation du passe sanitaire et des affiches rappellent l’obligation du port du masque dans le centre".
La soirée du 31 a été l'apothéose.
Cécile
Selon cette participante, une "soirée dansante" a été organisée par les animateurs du centre le 31 au soir, pour le réveillon de la Saint-Sylvestre, en plus de "petites soirées organisées par les participants dans les étages des chambres".
C'est au cours de ce repas qu'elle aurait appris qu'un cas positif au Covid-19 parmi les participants avait été déclaré aux organisateurs et que la personne malade participait au repas "l'air de rien". "J’ai appris aussi que trois cas positifs avaient été évacués discrètement sans aucune communication avec les participants", affirme-t-elle.
À son retour chez elle, Cécile a senti les symptômes arriver, dimanche, le 2 janvier. Elle s'isole sept jours. "J’ai appris par ma colocataire du centre que l’ensemble des participants étaient contaminés, avec ou sans symptômes, ceux-ci ayant eu la conscience de faire un test à leur retour chez eux", précise-t-elle.
Cécile explique avoir appelé l'UCPA de Serre-Chevalier pour prévenir de sa positivité. "Tout ce qu’ils ont trouvé à dire, c’est qu’une personne sur cinq est positive au virus et que donc là-bas ou ailleurs, nous l’aurions attrapé".
Beaucoup de personnes ayant contacté les organisateurs du centre pour les informer de leur positivité, ceux-ci n’ont toujours pas cherché à contacter les participants.
Aujourd'hui, Cécile dénonce la gestion de l'UCPA et leur "manque de communication" : "Aucune précaution n’est prise de la part des organisateurs. (...) Aucune communication n’a été faite sur les cas dont ils avaient connaissance. A aucun moment de la semaine, le sujet de la crise n’a été abordé d’une quelconque manière que ce soit".
"Or, si l’UCPA avait communiqué sur la situation, (...) si j’avais été certaine que ma colocataire était positive, je me serais fait tester à nouveau plus rapidement, et je n’aurais pas contaminé les personnes chez qui je réside et je ne serais pas allée au travail une journée en étant positive".
9 personnes positives et isolées pendant le séjour
Contacté, l'UCPA confirme que, parmi les personnes qui ont demandé à être testées, neuf personnes ont été déclarées positives pendant la semaine. "Elles ont été immédiatement isolées et n'ont pas eu d'interactions avec les autres clients".
Parmi ces neuf personnes, l'UCPA rapport que sept ont quitté le centre "dès le lendemain", deux sont restées en isolement "le temps d'organiser leur départ à l'étranger". Contactée à ce sujet pour confirmation, l'Agence régionale de santé (ARS) Paca n'a pas donné suite pour le moment.
Selon le ministère de la Santé, un cluster est défini lorsque survient au moins trois cas confirmés ou probables sur une période de sept jours. Ce que connaît chaque école en France en ce moment, ou presque.
Une infirmière sur place pour effectuer les tests
Au sujet du protocole sanitaire, l'association rappelle qu'un contrôle des passes sanitaires a lieu à l'arrivée sur le centre, qu'une communication est faite sur les gestes barrières à observer lors d'une réunion d'accueil et que le centre est aéré "en permanence".
De plus, l'UCPA ajoute qu'une infirmière est sur place en tant que "référente Covid". "Elle peut réaliser des tests antigéniques à la demande des clients".
C'est un peu hypocrite d'aller à l'UCPA et d'espérer qu'il n'y ait aucun risque.
Nous avons pris contact avec d'autres participants à cette semaine de vacances à Serre-Chevalier. "Depuis presque deux ans, voir des gens est un risque donc c'est un peu hypocrite d'aller à l'UCPA et d'espérer qu'il n'y ait aucun risque, rapporte l'une d'entre eux. Et c'est également faux, les équipes avaient leur masque tout le temps et nous invitaient à respecter les gestes barrière. Si on a peur du Covid, il vaut mieux rester chez soi".
Martine* était à la Plagne, la semaine suivante : "L’UCPA nous a informés des consignes, ils ont annulé les soirées dansantes ; restent quelques jeux apéro (masqués). Les consignes ont été clairement évoquées. J’ai moi-même participé à un après-ski festif dans un bar d’altitude, l’UCPA n'était pas organisateur".
Peut-être qu’il aurait pu être demandé, en plus, un test négatif...
Elle souligne la responsabilité de chacun : "Je pense que les gestes barrières restent une initiative individuelle et personnelle. Dès qu’il y a communauté, il y a un risque. Le pass sanitaire a bien été vérifié, je ne vois pas comment en contractant le Covid on peut en vouloir à l’organisme".
Emma* a elle effectué le même séjour à Serre-Chevalier, mais la semaine suivante. "Il semblerait que quelques personnes étaient positives au Covid", témoigne-t-elle, avant de temporiser : "Les gestes barrières étaient respectés. (...) Lors des animations, les animateurs nous rappelaient régulièrement de porter le masque, etc. Un passe sanitaire était demandé à notre arrivé. Peut-être qu’il aurait pu être demandé en plus, un test négatif..."
"Depuis deux ans, les Français sont sensibilisés au risque du virus, c'est encore plus vrai aujourd'hui. Ils ont intégré le respect des consignes sanitaires. Il faut faire confiance à la responsabilité de chacun et chacune", déclare l'organisation.
*Par souci d'anonymat, les prénoms ont été modifiés.