Seuls face au Covid, le SOS d'étudiants en détresse : "À 19 ans, j’ai l’impression d’être morte"

Ils souffrent en silence face à leurs ordinateurs, souvent dans leur chambre et unique pièce. Les étudiants en télétravail n'en peuvent plus du rythme boulot-dodo-boulot, coupés des autres. Plus qu'invisibles, ils se sentent "fantômes", et envahissent les réseaux sociaux pour se faire entendre. 

Leur mal-être s'est généralisé. La solitude, l'enfermement par les cours en distanciel poussent un grand nombre d'étudiants à vouloir décrocher de leurs études. Quelques uns ont mis fin à leurs jours. La situation est grave. Un collectif a été créé dans le Sud pour faire entendre leurs voix. Étudiants fantômes recueille les témoignages, et ils sont bouleversants.

"À 19 ans, j’ai l’impression d’être morte". Ainsi, commence la lettre au "président Macron", de Heidi, une jeune étudiante en détresse. "Je dois travailler. Je n’ai que ça à faire non ? C’est tout ce qu’on me demande, la seule activité qu’on m’autorise. J’ai 19 ans, et mon bureau, c’est ma chambre(…) mon lieu de repos, parfois de cuisine. Tout se confond dans mon esprit".

"Abandonnés, invisibilisés, marginalisés..."

Selon une étude faite par l'observatoire de la vie étudiante, un étudiant sur trois présente des signes de détresse psychologique, liés à l'isolement. 

Sur son compte twitter, Camille parle de ses "angoisses qui font tempêtes dans nos nuits (...) Nous nous sentons abandonnés, invisibilisés, marginalisés du débat public".

Entre jeunes, via les réseaux, la parole se libère et fait apparaitre une réalité plus grave encore. Certains expriment leurs pensées suicidaires. 

Comme Lilou, à peine 18 ans, qui a aussi écrit au président Macron : "Je fais partie de ces 1 étudiant sur 5 qui a pensé à mettre fin à ses jours. La solitude m'a détruite. Je suis malade d'angoisse". 

Les étudiants précaires sont encore plus touchés par la situation. La plupart ne trouvent plus de jobs étudiants pour survivre.

"Vous souhaitez protéger les personnes les plus âgées, mais quelle place pour ma génération ?", s'interroge Victoire, une jeune Marseillaise.

Elle fait un triste constat : "À l’heure actuelle, un jeune sur deux avoue décrocher de ses études. De nombreuses personnes sont enfermées dans moins de 20 m2 et la situation devient insoutenable pour beaucoup. Certes, l’urgence de la situation exige des concessions , mais priver de liberté inconditionnellement les étudiants est injuste".

Les images de fêtes de jeunes depuis l'été dernier, jusqu'aux récentes rave-party ont stigmatisé la jeunesse selon beaucoup.

"Nous sommes invisibles. Autant aux yeux du gouvernement qu’auprès de nos facs. On nous a mis la deuxième vague de la Covid sur le dos, on nous infantilise", déplore un contributeur anonyme.

Tous n'étaient pas à la fête. Beaucoup s'effondrent sous une somme de travail privée de sens : "Nous ne sommes pas des machines, vous ne pouvez pas nous demander de travailler et de la fermer ; j’adore mes études, mais je stagne (...) j’essaye de me reprendre, mais c’est pire chaque jour. Parfois je pleure devant mon ordinateur", exprime encore Heidi.

La phrase de trop

Des supermarchés et commerces remplis de monde, des transports en commun saturés aux heures de pointe, les lycées et collèges restés ouverts. Autant d'images qui choquent les étudiants interdits de fac. 

"Nous demandons l’unité et l’égalité nationale", exprime Les étudiants de la République. Ce mouvement réclame le retour en cours, et lance une pétition à ce titre. Tout en considérant  "le nécessaire état d’urgence sanitaire", il réclame "la tenue des cours en présentiel, en hybridation, avec contrôle et application stricte des gestes barrières au même titre que le maintien des cours dans les écoles, collèges et lycées et de la réouverture des commerces et les lieux de culte".

La réponse à ce type de demande a été formulée par Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, lors d'une interview pour le journal Le Monde. Le risque sanitaire n'est pas dans les salles de cours, mais dans les moments de pause, dit-elle.

"Ce n’est pas le cours dans l’amphithéâtre, mais l’étudiant qui prend un café à la pause, un bonbon qui traîne sur la table, un sandwich avec les copains à la cafétéria", exprime la ministre pour expliquer la fermeture des universités.

C'est en réaction à ces propos que le hashtag #etudiantsfantomes circule depuis deux jours sur les réseaux pour donner la paroles aux étudiants en difficulté. 

"Rendez-nous un bout de vie"

Décidée au départ pour le début février, la réouverture des universités a été promise à janvier par Emmanuel Macron.

Pourtant les consignes du 19 décembre ne sont toujours pas appliquées dans tous les établissements, à savoir : le retour en présentiel de groupes de dix étudiants "en fragilité", et un renforcement massif du tutorat par la création de 20000 emplois étudiants pour des missions de quatre mois. 

"On a besoin de cette génération, la nôtre, pour créer ce monde demain dont parle le président", clame la jeune Marseillaise Victoire, suggérant notamment le retour à "une alternance, d’une semaine à l’autre".  

Heidi se montre plus virulente et fait allusion au suicide d'un étudiant lyonnais cette semaine.

"Si nous, les étudiants, ne sommes pas mentionnés à la prochaine élocution, si des alternatives ne sont pas trouvées (…) ce sont des centaines d’étudiants que vous retrouverez écrasés sur le bitume".

Tout en comprenant "la difficulté du travail" du président Macron, elle conclut la lettre qu'elle lui adresse par ces termes : "Pour une fois je pense à moi, à nous, et je dis merde à la solidarité. On a fait notre part. Maintenant, rendez-nous un bout de vie".

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