Les étudiants libanais à l'étanger sont les victimes collatérales de la crise politique et économique qui touche le Liban depuis plus d'un an. Impossible pour eux de recevoir l'argent de leurs parents. Ils souffrent des restrictions imposées par les banques libanaises.
"La loi est votée, il faut l'appliquer". C'est le message porté par les étudiants libanais de Marseille en grande précarité financière.
"On vient d'un pays où la loi n'est pas respectée, les banques bloquent notre argent", déplore Dominique Karkach de l'Union internationale de la jeunesse libanaise à Marseille.
Le Liban est depuis l'automne 2019 en proie à une crise financière inédite, ayant poussé les banques à imposer des restrictions draconiennes aux déposants.
Les parlementaires libanais ont toutefois voté une loi le 16 octobre 2020, autorisant les transferts d'argent internationaux uniquement pour les étudiants, pour un montant de 10.000 dollars.
Malgré ce vote, les parents des étudiants libanais ne peuvent toujours pas envoyer d'argent à leurs enfants. "Nous ne demandons pas d'aide seulement d'avoir accès à l'argent que nos familles souhaitent nous envoyer". dénonce Motaz Rafii, étudiant en master 2 de commerce et gestion
Le jeune homme loue une chambre en cité universitaire. "J'ai une dette au Crous de trois mois de loyers d'impayés. À cela s'ajoute le problème des courses, je n'ai pas de quoi acheter manger. Heureusement il y a des associations qui nous aident et organisent des distributions de colis alimentaires".
"Le pire dans cette histoire, c'est que l'on voit notre argent sur nos comptes, mais que l'on ne peut pas y accéder", explique Dominique Karkach.
Omar Mawass, lui est en Master 2 de Nano sciences et Technologies à l'université d'Aix Marseille. Sans ressource depuis 2019, il a choisi de faire de nombreux allers-retours avec le Liban. "Ma seule solution pour récupérer de l'argent, c'est d'aller directement au Liban et revenir avec".
Une crise financière inédite
Au Liban, les familles dénoncent un gouvernement qui profite de la situation. Une partie des banques locales est détenue par les familles d'hommes politiques et la situation leur serait profitable. Plus l’État s’endette, plus les taux d’intérêt grimpent et plus les familles les plus riches s'enrichissent.
"Avant, j'avais besoin de 600 euros par mois pour vivre, cela représentait un million de livres libanaises. Aujourd'hui cela vaut plus de 10 millions de livres libanaises", explique Dominique Karkach de l'Union internationale de la jeunesse libanaise à Marseille.
La crise économique s'est accompagnée d'une forte dépréciation sur le marché noir de la monnaie nationale, à ce jour, 11.000 livres pour un dollar. Le taux officiel reste de 1.507 livres pour un dollar, quasiment dix fois moins.
"Nos parents ont connu la guerre, ils pont participé à la reconstruction du pays, et toutes les économies d'une vie sont bloquées par les banques qui agissent sans considération".
"Le quotidien des Libanais au Liban est très difficile avec l'inflation. Et cela se répercute sur leurs enfants qui sont à l'étranger. Avec la crise sanitaire, impossible de travailler. Et les étudiants sont obligés de vivre à plusieurs dans de petites surfaces dans un même appartement, voire à quatre dans 9m2", précise Eloï Mouchaty, président de l'association des Libanais à Marseille.
Mobilisation internationale
Dépréciation de la livre libanaise, explosion de la pauvreté et du chômage: sous le regard affligé de la communauté internationale, tous les indicateurs ont viré au rouge vif dans un Liban où l'érosion du pouvoir d'achat et la précarisation provoquent la colère et le dégoût de l'opinion publique, avec des manifestations et des blocages de routes sporadiques.
Samedi 19 mars, sur le Vieux-Port de Marseille, ils n'étaient qu'une trentaine à avoir répondu à l'appel international de rassemblement pour réclamer l'application de la loi qui permet le transfert d'argent pour les étudiants vers l'étranger.
Il y a 30.000 étudiants libanais dans le monde. Près de 6 600 étudiants libanais suivent leurs études universitaires en France en cette année 2020-2021, selon les chiffres de l'ambassade.