La Fiesta des Suds, évènement majeur de musique du monde à Marseille depuis 30 ans est en péril. L'édition 2021 est menacée par une baisse de 73% des subventions départementales et un déménagement forcé de son lieu emblématique, les Docks des Sud, repris par son propriétaire Euroméditerranée.
L'association Latinissimo gère le festival, la Fiesta des Suds depuis 1992 et le lieu des concerts, les Docks des Sud depuis 22 ans par le biais d'autorisations d'occupation des lieux renouvelables de trois ans.
L'association fait face actuellement à trois problèmes majeurs dans son fonctionnement.
D'une part, la baisse des subventions de 73 % de son principal financeur, le département, d'autre part la recherche d'un lieu pour l'organisation de la Fiesta. Plus grand et plus adapté.
Depuis deux ans, la Fiesta est délocalisée au J4. Faute de place suffisante pour pouvoir continuer aux Docks des Sud.Mais la prochaine édition n'est pas encore assurée d'avoir un lieu d'accueil.
"Le Département reste très attaché à la Fiesta des Suds dont il a soutenu les nouveaux formats sur le J4 ces dernières années et qui demeure un partenaire sans faille auprès de l’association" précise Sabine Bernasconi, Vice-Présidente du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône, Déléguée à la Culture.
Et pour finir, les locaux de Latinissimo aux Docks des Sud sont soumis à une autorisation d'occupation des lieux. Depuis juillet 2020, Euroméditerranée a souhaité revoir la durée et les modalités de renouvellement de cette autorisation, ce que refuse l'association.
Euroméditerranée, propriétaire des lieux
Les Docks des Sud sont la propriété d'Euroméditerranée depuis le rachat auprès du Port de Marseille en 2011. Le lieu est devenu un établissement public d'aménagement (EPA). L'association est restée dans ses locaux sous forme d'autorisation d'occupation des lieux temporaires de trois ans renouvelables.
"Depuis plusieurs années, plus rien n'est organisé aux Docks. Faute de projets culturels, nous avons demandé à l'association de nous faire de nouvelles propositions, mais cela fait quatre ans que nous attendons et rien n'est proposé de constructif", explique Laure-Agnès Caradec, présidente d'Euroméditerranée.
De son côté, Jacques Lantelme précise que "lorsque Euroméditerranée rachète les lieux en 2011, ils le font avec nous à l'intérieur. Ils ont décidé d'utiliser les lieux différemment de ce qui se faisait auparavant. Nous ne remettons pas en cause leur projet, mais nous souhaitons rester ici ou qu'Euroméditerranée nous propose une solution de relogement ailleurs, ce qui n'est pas le cas."
Un discours de sourd semble être engagé entre les deux parties.
Un projet d'éducation numérique , intitulé "la Plateforme" est prévu à terme sur les 5.000 m2 des Docks des Suds.
"Nous souhaitons que l'association Latinissimo continue de proposer des projets artistiques et culturels ici, c'est dans l'ADN d'Euroméditerranée de soutenir la culture et on en a grandement besoin. L'idéal ce serait que l'association et "La Plateforme" puissent proposer des projets culturels communs", précise Laure-Agnès Caradec.
Latinissimo regrette "l'investissement en fonds propres déployé depuis 22 ans dans ces lieux, estimé à 2,5 millions d'euros et à perte au final".
"En juillet 2020, nous avons eu la proposition par Euroméditerranée d'une nouvelle autorisation d'occupation des lieux pour un an non renouvelable, ce qui nous conforte dans l'idée qu'on veut nous voir partir", insiste Jacques Lantelme.
En décembre 2020, l'association a refusé de signer le renouvellement proposé par Euroméditerranée d'un an non renouvelable. "C'est inacceptable ce que l'on nous propose, nous avons besoin, pour construire des projets, de pérennité, cette proposition ne nous l'offre pas", explique Jacques Lantelme.
L'association paye un loyer de 160.000 euros par an, pour les locaux aux Docks des Suds. Un loyer qui n'est plus versé depuis le début de la crise sanitaire. "Nous comprenons que ce soit difficile, et nous ne réclamons pas ces loyers", insiste Laure-Agnès Caradec.
Mais Latinissimo aurait eu également des soucis de trésorerie en 2018, avant la crise sanitaire. Le tribunal de grande instance avait mis en place en juillet 2018, une procédure de sauvegarde de l'association, sur huit ans pour le remboursement de 350.000 euros de créances.
Une baisse des suventions
En parallèle de cet imbroglio sur les locaux, vient s'ajouter un problème de taille, celui des subventions accordées à l'association pour l'organisation de La Fiesta Des Sud.
C'est l'un des plus grands évènements musicaux organisés dans la région. Il rassemble près de 60.000 spectateurs par édition sur plusieurs jours.
Un tiers des frais est financé par les collectivités territoriales, et en majeure partie par le département.
"Nous avons besoin de 500.000 euros d'aides pour pouvoir organiser la Fiesta. L'an dernier, le département nous a aidés à hauteur de 460 000 euros. Cette année, ils nous ont informés d'une baisse de 73 % de cette aide. Nous n'aurons que 125.000 euros".
L'information avait été donnée à l'association par Sabine Bernasconi, l'adjointe au département en charge de la culture en décembre dernier.
"Des discussions auront lieu ces jours prochains pour déterminer les conditions de la poursuite du partenariat qui doit permettre une belle Fiesta 2021, 30e édition cette année", indique Sabine Bernasconi, Vice-Présidente du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône, Déléguée à la Culture.
" Elle nous a informés qu'il y allait avoir une baisse conséquente, et qu'il fallait que nous trouvions d'autres partenaires financiers, sans que cela remette en question la qualité de l'évènement", précise Jacques Lantelme.
Une réunion doit avoir lieu la semaine prochaine avec l'association et l'adjoint à la culture de la mairie de Marseille Jean-Marc Coppola.
"Nous allons discuter et voir de quelle manière et où pourrait avoir lieu la 30e édition, mais nous n'avons pas non plus une amplitude financière infinie, vous connaissez la situation économique de la ville", explique l'élu.
"En 2020, le soutien du Département ne s’est pas démenti, puisque malgré un événement annulé, les financements nécessaires à l’équilibre financier de l’association ont été attribués en septembre, ce qui a permis de maintenir une situation financière saine" tient à rappeler Sabine Bernasconi.
" Nous aimerions que toutes les collectivités territoriales se mettent autour de la table et nous aident, sinon c'est la mort annoncée du festival", explique Jacques Lantelme.
Avec ces soucis, la problématique de la programmation se pose. Quel artiste va vouloir s'engager dans ce contexte de crise sanitaire et sans savoir si la Fiesta aura lieu ?
"En plus avec l'obligation de concerts assis, très peu de festivals vont se tenir cet été et ils vont tenter d'être programmés à l'automne, donc potentiellment en même temps que nous, ce qui va compliquer la programmation", conclut Jacques Lantelme.