Face à la pénurie chronique de certains médicaments, les syndicats de pharmaciens lancent une grande campagne pour alerter le public et interpeller le président de la République sur cette situation "alarmante".
Dans les jours à venir, si vous allez dans une pharmacie dans le sud de la France, vous trouverez probablement des flyers posés sur le comptoir. Avec cette campagne, les syndicats de pharmaciens appellent les patients à interpeller le président de la République sur la pénurie de médicaments que subit la France. Environ un millier de médicaments seraient aujourd'hui en rupture de stock, a expliqué ce vendredi 12 janvier à France 3 Provence-Alpes Valérie Ollier, présidente du syndicat général des pharmaciens des Bouches-du-Rhône (FSPF) et de la Fédération pharmaceutique.
Pénurie dans les pharmacies et dans les hôpitaux
"Cela fait très longtemps qu'on souligne ce problème", précise-t-elle. Pour Stéphane Pichon, président de l'ordre des pharmaciens en Paca et en Corse, il est difficile de chiffrer la rupture de stocks des médicaments car "cela change tous les jours", et "dépend des approvisionnements". Il souligne également que cette problématique touche aussi bien les officines que les hôpitaux.
Cette pénurie concerne principalement des antibiotiques et des médicaments contre le diabète. "Depuis l'hiver dernier, c'est très critique.
Ça touche désormais les traitements sensibles et les traitements de fond. C'est grave.
"Valérie Ollier, présidente du syndicat général des pharmaciens des Bouches-du-RhôneFrance 3 Provence-Alpes
Valérie Ollier estime que depuis l'hiver dernier, il est très compliqué de se procurer des médicaments sous "forme pédiatrique", adaptés pour les jeunes enfants, en sirop ou en suppositoire. "Une dizaine de pharmacies, dont deux à Marseille, fabriquent des formes pédiatriques et arrivent à nous fournir un peu."
Une pétition à signer au dos du flyer
Dans le sud de la France, une campagne de distribution de flyers a été lancée depuis le 1ᵉʳ janvier. "Elle concerne tous les départements du sud de la France, jusqu'aux Pyrénées-Orientales", explique-t-elle.
"Justine, trois ans", n'arrive pas à se soigner, car il n'y a plus d'antibiotique contre les infections rénales. "Philippe", son grand-père, "n'arrive pas à obtenir son traitement de flécaïnide pour son arythmie cardiaque". "Inaya", a une proche dans son entourage qui ne peut pas se procurer une crème contre le cancer de la peau. A travers des exemples concrets, la campagne alerte le public sur la gravité de la situtation.
Au dos de chaque flyer, une pétition que les patients peuvent envoyer au président de la République. "Ma santé est en danger. Afin de ne pas vivre la situation de Justine, Inaya ou Philippe, je soutiens mon pharmacien." Il suffit de signer et dater le document, l'enveloppe est fournie.
Une trop grande dépendance vis-à-vis de la Chine et de l'Inde
Selon le syndicat de pharmaciens, cette pénurie a plusieurs origines. Et parmi elles, la désindustrialisation de la production de principes actifs en France. Selon Stéphane Pichon, l'Inde et la Chine produisent 95 % des principes actifs, présents dans les médicaments. "Demain, si on a un conflit avec ces deux pays, rien ne nous dit qu'on pourra être livré en principes actifs."
Pour Valérie Ollier, cette pénurie s'explique aussi en grande partie par une mauvaise gérance des stocks. "C'est contingenté. Je passe 1=une heure tous les matins sur le site des grossistes. Parfois, on récupère une faible quantité de boîtes dont on a besoin." Le problème s'est toutefois amélioré depuis que les laboratoires livrent directement les grossistes qui distribuent, par la suite, les stocks aux pharmacies. Auparavant, les officines se servaient auprès des grossistes. "Maintenant, c'est mieux géré. C'est plus égalitaire. Mais ça ne suffit pas", soutient-elle.
Le syndicat réclame une revalorisation des prix
Si la pénurie est aussi préoccupante pour les professionnels de santé, c'est surtout parce qu'elle a des conséquences directes sur les patients. "Les maladies peuvent s'aggraver si elles ne sont pas traitées dès le début. Une bronchiolite, au départ, peut devenir une pneumonie et devoir ainsi être hospitalisé", explique Stéphane Pichon. Il est impératif pour le président de l'ordre des pharmaciens en Paca et en Corse de revaloriser les prix des médicaments en France. Il prend l'exemple de l'amoxicilline, un des antibiotiques les plus utilisés. Dans l'hexagone, la gélule est à 20 centimes ici. En Autriche, le prix est multiplié par deux, et en Allemagne par trois. "Les industriels internationaux préfèrent fournir des pays qui revendent deux ou trois fois plus que nous." Selon lui, si les prix des comprimés sont augmentés en France, "nous serions prioritaires sur la livraison".
Certains patients vont parfois se fournir dans d'autres pays, ne subissant pas autant la pénurie. "Des patients à Menton, par exemple, avaient besoin de Doliprane en suppositoire. Ils sont allés directement en Italie en acheter, ils étaient un peu plus chers", illustre Valérie Ollier. La distribution de fleyr qui a débuté dans le sud de la France va s'étendre à travers la France. La région Grand Est et Centre souhaitent aussi mettre en place la pétition.