En tête avec 36% des suffrages au premier tour, le candidat d’extrême-droite Thierry Mariani peut-il l’emporter au second ? Malgré le retrait lundi de la liste de l’union de la gauche et des écologistes, la Région pourrait basculer au RN dimanche, selon certains scénarios.
C'est un duel RN-LR qui aura lieu dimanche 27 juin, comme en 2015. Avec sans doute, une nouvelle fois, aucun élu de gauche ou écologiste au conseil régional pour les six prochaines années.
L'écologiste Jean-Laurent Félizia, arrivé en troisième position avec 16,89% des suffrages au premier tour derrière la liste RN de Thierry Mariani (36.38%) et la liste d'union de la droite de Renaud Muselier (31,91%), a retiré sa liste lundi pour faire barrage au Rassemblement national, et "battre Mariani et sa triste cohorte".
Ce retrait, souhaité par la majorité des responsables politiques nationaux, pourrait pourtant ne pas être suffisant dimanche lors du second tour des régionales.
- Les électeurs de gauche risquent de ne pas aller voter après le retrait de leur candidat Jean-Laurent Felizia
Ils sont "désemparés". C'est le mot utilisé par Capucine Édou, tête de liste dans les Bouches-du-Rhône pour le Rassemblement écologique et social pour les régionales, membre du parti Génération.s. Lors de son intervention dans le journal télévisé de France 3 Provence Alpes, la candidate indique partager ce sentiment.
De nombreux électeurs rencontrés lundi matin à Marseille se félicitaient du maintien de leur candidat au second tour. "Pour moi, ce serait abandonner les électeurs de gauche au nom d’un barrage républicain qui a montré ses limites", explique un votant, qui a donné son bulletin à Jean-Laurent Félizia au premier tour. Qu’en sera-t-il dimanche, maintenant que son retrait est acté ?
"Je pense qu’on ne doit pas se définir en fonction du Rassemblement national, et que ce n’est pas à eux de dicter l’agenda politique du pays et des élections régionales", ajoute une électrice. Vingt ans après le premier grand vote barrage, celui contre Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle 2001, les électeurs de gauche sont lassés de penser leur choix en fonction de ce schéma, en dépit des idées et des convictions.
Il faut dire que par leur absence depuis six ans du conseil régional en Paca, les élus de gauche peinent à peser dans le jeu politique régional. Capucine Edou a conscience que le chemin est encore long pour reconquérir les électeurs de la région :
"Nous devons reconquérir ce territoire. Il y a des endroits dans lequels il n'y a plus d'élus de gauche et de représentants de gauche et de l'écologie et ça pour moi, c'est un problème démocratique". Capucine Edou a aussi fait part de sa colère "par rapport aux états majors parisiens".
"On a besoin de s'appuyer sur les territoires, sur les contextes locaux. C'est là où les militants sont en prise avec la réalité, avec les associations, et ceux qui ont besoin de la gauche et des écologistes de manière très concrête." dit-elle, tout en appelant à voter Renaud Muselier "pour faire barrage à l'extrême droite".
- Les électeurs de droite peuvent décider de voter Rassemblement National
La dérive "macroniste" de Renaud Muselier, candidat sortant LR, pourrait influencer les électeurs à se diriger vers une droite plus rigoriste. "Ils ont pu se sentir trahis par Renaud Muselier", explique Vincent Geisser, chercheur au CNRS et professeur de sciences politiques.
L'alliance avortée et le psychodrame avec Sophie Cluzel lui a sans doute fait perdre des soutiens dans la frange la plus droitière du parti.
"À la différence de Christian Estrosi, qui avait une image liée à la droite dure ou en tout cas très marquée à droite, Renaud Muselier incarne davantage une droite chiraquienne", détaille le sociologue. Pour ce spécialiste, le candidat Muselier doit donc aujourd'hui "soigner sa droite, tout en essayant de jouer l'ouverture à gauche" : un exercice d'équilibriste.
La région est une terre de conquête pour le Rassemblement national depuis des années. La frontière y est parfois "poreuse" avec la droite, comme l'indique la politologue Christèle Lagier.
"Cette forte porosité entre la droite et l’extrême droite est beaucoup plus forte dans la région Paca qu’ailleurs. La confusion est évidente. Ce courant de la droite populaire qu’incarne Thierry Mariani, qui s'est repositionné sur le RN, montre comme il est difficile pour les républicains d’exister avec cette concurrence de l'extrême droite", explique Christèle Lagier.
Pour autant, le slogan de Renaud Muselier, "Notre région d'abord", n'est pas si loin de celui de Jean-Marie Le Pen, "Les Français d'abord", qu'il avait utilisé en 1988.
- Les abstentionnistes pourraient ne pas mobiliser davantage
Ce retrait du candidat de gauche peut avoir "un effet boomerang négatif", indique Vincent Geisser, chercheur au CNRS et professeur à sciences politique. Pour le sociologue "ce retrait pourrait favoriser paradoxalement la victoire de M. Mariani, ce qui peut être un scénario catastrophique pour les "partis républicains".
Lors de la précédente élection régionale en 2015, Christian Estrosi avait gagné plus de 400.000 voix entre les deux tours. "S'il n'y a pas une mobilisation des appareils politiques, des associations et de tous ceux qui ne veulent pas que cette région soit d'extrême-droite, elle peut basculer", explique Vincent Geisser.
- Il existe encore un réservoir de voix pour le Rassemblement national
"Toutes les enquêtes nationales montrent que ceux qui se sont le plus abstenus en France sont les électeurs de Marine Le Pen", détaille le sociologue Vincent Geisser.
"Plus de 70% des électeurs traditionnels du Rassemblement national ne se sont pas déplacés", explique Thierry Mariani lui même, classé bien en deçà de ce qu'annonçaient les sondages, et appelant à la mobilisation de ses soutiens pour le second tour dimanche 27 juin.
La remobilisation des électeurs qui n'est pas si certaine pour Christelle Lagier : "J'ai été très surprise de voir comment les électeurs ont été sermonnés par Thierry Mariani et Marine Le Pen dans leurs discours au soir du premier tour" dit la politologue. Une réserve de voix existe bien, mais "il est bien difficile de dire comment les électeurs vont se comporter dimanche 27 juin" précise-t-elle.