Le projet Iter franchit cette semaine une nouvelle étape, spectaculaire. Il s’agit de l’assemblage sur site de composants gigantesques du futur réacteur, qui devrait produire, d'ici 2025, de la fusion d'hygrogène. Comme au coeur du soleil.
Le projet international Iter fait de nouveau parler de lui. Basé sur la fusion de l'hydrogène, comme au coeur du soleil, il représente l'espoir d'une énergie du futur.
Son énorme réacteur Tokamak est prévu d'être implanté en Paca, à Saint-Paul-lès-Durance.
Iter, initié en 2006 par un traité, rassemble 35 pays soit toute l'Union européenne (avec le Royaume-Uni), la Suisse, la Russie, la Chine, l'Inde, le Japon, la Corée du Sud et les États-Unis.C'est le plus grand projet scientifique de l'histoire de l'humanité.
"C’est le plus grand projet scientifique de l'histoire de l'humanité", selon les termes de Moon Jae-In, le chef de l'État sud-coréen.
Dans les centrales françaises, c'est la fission qui a cours. De gros atomes d'uranium sont cassés alors qu'à l'avenir, les petits atomes seront forcés à fusionner. Les chercheurs y travaillent depuis cinquante ans. La solution d'Iter est de créer un nouveau type de réacteur : un Tokamak.
Un puzzle géant en trois dimensions
Le projet Iter arrive à présent à une phase de transition : l'assemblage de pièces gigantesques pour constituer le réacteur expérimental Tokamak.Ces derniers mois, plusieurs composants de ce réacteur expérimental ont été livrés sur le site de Saint-Paul-les-Durance, en provenance du monde entier.
Certains atteignent la hauteur d’un immeuble de quatre étages et pèsent plusieurs centaines de tonnes.
Et les échelles de grandeur donnent le vertige. À lui seul, le plus puissant des aimants d'Iter, celui qui initiera le courant électrique au sein du plasma, pourrait ainsi soulever un porte-avions.
"Les sept états membres inscrits dans le projet fournissent en nature les composants", explique Bernard Bigot, directeur général d'Iter.
"Ce sont eux qui connaissent le mieux leurs caractéristiques et leurs modes d’interfaçage avec les autres composants. Mais la responsabilité de l’assemblage revient désormais à l’organisation Iter".
Les éléments arrivant peu à peu, reste à assembler le million de pièces de ce puzzle en trois dimensions, un travail qui devrait durer jusqu'en 2024 pour les 2.300 personnes présentes sur le site.Une vingtaine de mètres de diamètre pour la cage magnétique, avec une précision au millimètre.
Malgré le gigantisme des composants, tout se joue au millimètre près.
C’est le cas du cryostat, sorte de thermostat, qui assure que la machine a bien refroidi. Les petites pièces qui le constituent ont été fabriquées en Inde, et soudées sur le site de Saint-Paul-lès-Durance.
"L’ensemble du composant d’un diamètre proche des neuf mètres va être rassemblé dans le Tokomak. C’est difficile à faire", explique Akko Mas, scientifique du projet Iter. "Le travail nécessite une précision d’un ou deux millimètres seulement".
"Nous allons juger de la qualité des travaux accomplis dans les usines du monde entier pour assembler ces équipements", rajoute Bernard Bigot.
"Le défi, c’est une taille extrême : une vingtaine de mètres de diamètre pour la cage magnétique, avec une précision au millimètre".
Une énergie prometteuse
La fusion d'hydrogène pourrait remplacer toutes les énergies fossiles, mais également le nucléaire, car elle ne génère pas de déchets de longue vie.Autre avantage : les combustibles nécessaires à cette fusion, extraits de l'eau et du lithium, sont disponibles et à même "d'assurer l'approvisionnement d'un parc de réacteurs pendant des millions d'années".
"Un gramme de combustible libère autant d'énergie que huit tonnes de pétrole", précise Bernard Bigot.
Iter pourrait produire son premier plasma fin 2025, début 2026 et le réacteur pourrait atteindre sa pleine puissance en 2035.
Réacteur expérimental, Iter ne produira pas concrètement d'électricité. Et c'est 2060, au mieux, qu'il faudra attendre pour avoir le premier raccordement au réseau électrique d'un réacteur à fusion dérivé d'Iter.
Côté risques, les conséquences potentielles d'une dispersion du tritium (l'un des deux isotopes de l'hydrogène) dans l'environnement seraient "beaucoup plus faibles qu'avec un réacteur nucléaire", selon l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) qui a étudié divers scénarios, comme les risques de séisme et d'incendie.Même pour les accidents les plus graves, il n'y aurait besoin d'évacuer la population.
"Même pour les accidents les plus graves, il n'y aurait besoin d'évacuer la population", selon Igor Le Bars, expert à l'IRSN.
Ces "soleils artificiels" sont au coeur de critiques récurrentes de la part d'écologistes, notamment français, qui y voient "un mirage scientifique sur papier glacé, sans aucune garantie de résultat" et "un gouffre financier", comme a réagi Greenpeace.
Le projet a ainsi déjà pris cinq ans de retard, avec un triplement du budget initial, à près de 20 milliards d'euros désormais.