L'Unesco a récompensé mardi SOS Méditerranée, l'Ong qui sauve des migrants en mer. Découvrez le récit et les photos de Valérie Smadja, journaliste à France 3 Marseille, qui était à bord de l'Aquarius, le bateau de sauvetage.
Carnet de bord de Valérie Smadja.Sur le bateau
La coque orange de l'Aquarius, bateau de Médecin sans Frontières et de SOS Méditerranée (association co- fondée par la marseillaise Sophie Beau) est reparti pour une rotation de 3 semaines, après une escale technique à Malte.
Ce 5 pont de 77 mètres a débuté ses opérations de sauvetage en Méditerranée en Février 2016, depuis Marseille.
Sur les 9 bateaux d'ONG qui "auscultent" la Méditerranée à la recherche de canots en perdition, c' est l'Aquarius le plus gros. Il est également le seul à effectuer des rotations toute l'année, quand les autres n'en font que l'été.
Qui sont les migrants?
Désormais il n' y a plus de "pics de départ". Les passeurs font partir les gonflables toute l'année, par tous les temps, depuis les côtes Libyennes. Ceux qui partent sont majoritairement originaires d'Afrique de l'Ouest. Après avoir fui leur pays, pour échapper aux guerres, ou pour trouver du travail, ils doivent désormais fuir la Libye, le pays du chaos.
Témoignages de réfugiés et d'associations sur place vont tous dans le même sens : les migrants qui vivent en Libye, vivent un enfer. Surtout les noirs .Enfermés sans raison, battus, affamés, assoiffés, tués ... Les Libyens se servent d'eux comme main- d' oeuvre gratuite.
Impossible, pour ceux qui le souhaitent de retourner dans leur pays. Reste la mer pour fuir l' horreur, la mer vers l'Europe.
Ce chiffre étonnant : 1 million de migrants vivent en Libye. 40% de ceux qui fuient ne veulent à priori pas rejoindre l'Europe, mais juste quitter la Libye.
Selon les chiffres de l'OIM (office international migration) : en 2016 : 5000 personnes sont mortes en méditerranée. Depuis janvier 2017, 1800 personnes sont mortes en meditéranée... sans compter les disparus, ceux qui partent en mer et meurent sans témoins.
Sur les équipes à bord :
A bord de l' Aquarius, on trouve une trentaine de personnes, une vingtaine de nationalités !
Trois équipes cohabitent :
- les marins qui font tourner le navire, avec à leur tête le capitaine Biélorusse : Alexander Moroz, fier de faire tourner un navire de sauvetage.
- les bénévoles de SOS Méditerranée : des citoyens qui ont tout arrêté dans leur quotidien pour vivre l'aventure de l' Aquarius durant 3 semaines (une rotation) ou plus. Ils font du marketing, de l'urbanisme, de la production de film, ou sont architecte naval, sauveteurs-plongeurs, marins... ils ont tous un point commun : l'envie de ne pas rester inactif quand des personnes meurent en mer.
- les salariés de Médecins sans Frontieres (un medecin, trois infirmiers, 1 sage femme)
Un sauvetage
Après 4 jours en mer, suite à son escale technique à Malte, l 'Aquarius a effectué un nouveau sauvetage. Cette fois, le navire a joué le rôle de plateforme d accueil.
Le MRCC ( autorités italiennes basées à Rome) qui centralise les informations sur les bateaux en détresse, a demandé à l' Aquarius de se rendre à l' ouest de Tripoli. Un canot pneumatique contenant environ 120 personnes y etait en grande difficulté .
L' Aquarius étant à 5 heures de route de la cible, c' est un bateau turc qui a effectué le sauvetage. Entre 20h et minuit ce mercredi là , 117 hommes et une femme enceinte ont été transférés du bateau turc a l' Aquarius. Originaires du Mali, de Gambie, du Sénégal , de Côte d' Ivoire, les hommes ont passé la nuit sur le pont de l' Aquarius puis ont été transférés à 5 heures le lendemain matin sur un bateau espagnol qui les mènera à la frontière italienne.
Ces hommes étaient partis à 2h du matin de Libye. Ils ont été repêchés à 15 heures par le porte-container turc.
Chaque "passager" a payé le passeur entre 1000 et 2000 euros la traversée. Quand on sait que le bateau coûte environ 200 euros, et qu' il y a 120 personnes à bord ... pas difficile d' expliquer que ce juteux commerce ne prenne pas fin.
Pour ces hommes, d autres épreuves les attendent.
Ils débarquent avec rien. Un jogging, une couverture et de l' eau donné sur l'Aquarius.
Certains gardent précieusement un bout de papier (ou un tee-shirt) avec des numéros de téléphone de différents pays. Des personnes qu' ils pourront éventuellement contacter une fois arrivés.
Le reportage de Valérie Smadja et Marie-Agnès Peleran à suivre prochainement sur l'antenne de France 3 Provence-Alpes Côte d'Azur