Chasseur d'orages : amoureux des éclairs, il en a fait son métier et sauve des vies

A 24 ans, le Brignolais Yohan Laurito est expert météorologique auprès des pompiers du Var. Il est également à la tête d’une plateforme de prévisions, indispensable pour de nombreux varois. Voici, le parcours atypique d’un garçon amoureux des éclairs, qui en a fait son métier.

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Lorsque Yohan Laurito décroche son téléphone c’est qu’il y a de l’orage dans l’air. 

Expert météorologique auprès des sapeurs-pompiers du service départemental d'incendie et de secours du Var (Sdis 83), le jeune homme oeuvre notamment ce mercredi 3 juin dans son département en alerte jaune orages comme les Bouches-du-Rhône.

Depuis tout petit, le jeune Brignolais est un passionné des phénomènes capricieux du ciel. Il les traque, les poursuit, les photographie et les prédit même. Il est météorologue.

 

Une connaissance de tous les nuages

Le nom des nuages ? Il les connaît tous. Son préféré ? "Le cumulonimbus bien sûr ! C’est celui des gros orages".

Cette nuit-là en Provence, d’intenses précipitations orageuses vont balayer la région. Alors, Yohan ne dormira pas.

"Je suis tellement excité que je ne vais pas fermer l’œil. Il faut que j’aille voir, que je vive l’orage que je le sente. C’est obsessionnel. Et puis je prendrais des photos."

Le métier de Yohan Laurito lui prend 80 à 90 heures par semaine, entre les observations sur le terrain et l’entretien de ses 35 stations météo déposées un peu partout.

Et puis, il y a aussi les prévisions pour ses clients - viticulteurs, mairies, ports, entreprises du BTP, terrains de golfs - et son travail d’expert au sein des pompiers.

Le jeune homme n’a presque pas de temps pour lui. Mais quelle importance ? Sa passion, il en a fait son métier.

 

Un apprentissage en boulangerie dès la troisième

Pourtant le parcours semblait semé d’embuches. L’école très peu pour lui. Un système qui ne lui convient et déjà cette passion dévorante pour les phénomènes venus du ciel.

Alors à la fin de la quatrième, l’éducation nationale l’oriente vers un CAP de boulanger. Faire du pain.

"Je ne suis pas quelqu’un de très sensible, mais les mots de ces professeurs qui pensaient que je ne ferai rien de ma vie, je m’en souviens encore. Le lycée, je n’y suis jamais allé".
 
Tout seul, en parallèle à son CAP de boulanger ,Yohan poursuit sa passion et se forme, à la maison, au métier de météorologue.

"Avec mes anciens patrons, c’était parfois compliqué. S’il y avait de l’orage : je ne venais pas travailler, je poursuivais les éclairs".

Très vite le jeune homme comprend que pour assouvir sa passion, la foudre, il lui faut un métier qui laisse un peu de liberté.

 

Je croise des gens qui me disent vous avez sauvé ma famille.

D’autant plus qu’à force d’observer le ciel nuit et jour, il commence à asseoir une petite réputation.

En janvier 2014 lors des inondations de La Londe-Les-Maures les prévisions de sa page facebook : "Attention phénomènes destructeurs" permettent à des centaines de particuliers de mettre leurs biens à l’abri avant les inondations.

Des meubles montés à l’étage, des voitures garées loin des cours d’eau, aujourd’hui encore sur le terrain, les gens lui en parlent.

"Même des années après ! Je croise des gens qui me disent : vous avez sauvé ma famille".

Toutes ne le seront pas. En janvier, septembre et novembre 2014, une série d'inondations fait huit morts, dont cinq à La Londe-les-Maures.

En 2015 le jeune homme, qui est décidément un peu culotté, mais l’avenir prouve qu’il a raison, envoie un message au maire de La Londe-Les-Maures, François de Canson.

"Je lui ai dit : j’ai 19 ans je suis un ancien boulanger et je connais bien les phénomènes météo".

Un peu interloqué le maire invite le garçon. "Il m’a reçu dans son bureau, je lui ai expliqué que l’on pouvait mieux anticiper les risques météo, je lui ai montré comment je travaillais".

François de Canson est surpris. Il décide de lui faire confiance. Yohan vient de décrocher son premier petit contrat.

Et des fans, le météorologue amateur en a beaucoup d’autres. Lors des dernières inondations, celles de novembre et décembre 2019, sa page facebook a été vue plus d’un million de fois.

 

Une plateforme dédiée aux prévisions météo

Yohan Laurito a depuis quelques mois crée un site de surveillance météorologique pour les professionnels. Aujourd’hui, près de 45 entreprises, viticulteurs ou collectivités font partie de ses clients.

"Certains d’entre eux sont même devenus des amis. Lorsque je les ai au téléphone, c’est souvent que l’heure est grave, qu’il faut faire des choix réfléchis mais rapides. Ça crée des liens".

Pour son travail le jeune homme a installé 35 stations météorologiques. Elles maillent le territoire provençal. Grâce à elles : son expertise est plus fine.

Cette plateforme informatique, c’est son frère, Anthony, développeur en informatique, qui la lui a créée.

Noël 2000, le déclic à l'âge de 4 ans

Car on n’en a pas parlé, mais évidemment, comme dans toutes les belles histoires, la famille de Yohan est très importante.

La maman s’occupe des enfants et du foyer, le papa travaille à la société du canal de Provence. Tiens ! Le canal de Provence, encore une histoire d’eau.

"Oui, mon père était sur le terrain, il avait aussi des astreintes, il devait surveiller le niveau du Gapeau".

C’est peut-être de là que le petit Yohan tire sa fascination pour les orages et la pluie. Un premier souvenir d’orage ?

"Sans hésiter le 24 décembre 2000. C’était Noël. Mais moi ce qui m’intéressait, c’était le bruit de la pluie et du tonnerre. En rentrant chez nous, dans les rues de Brignoles, j’ai vu que le Caramy avait débordé. Ça m’a marqué. J’avais quatre ans".

Puis en 2005, c’est le papa, encore, qui lui fait cadeau de son premier appareil photo : un Kodak. Viendrons ensuite des Canon, des Nikon, des Sony.

"Il y en a eu des cents et des mille !!! Car oui, j’en ai cassé des appareils photos à poursuivre les tempêtes ! Le trépied qui tombe, une vague qui emporte le matériel…"

Le garçon est un peu téméraire, vous l’aurez compris. Et lorsqu’on lui demande s’il n’a pas peur de se prendre la foudre, la réponse ne se fait pas attendre.

"Oh j’ai bien eu quelques électrisations, des coups de jus dans les jambes, des acouphènes, les vitres de la voiture brisées".

Le quotidien quoi !!! Et ses parents sont-ils inquiets ? "Sans doute. Mais ils me font confiance et puis surtout je pense qu’ils sont fiers de moi".

Yohan Laurito n’habite plus aujourd’hui dans la maison de son enfance. Il occupe un appartement dans un immeuble de Brignoles. Un immeuble choisi avec précaution.

"J’ai fait bien attention : Il n’y aura pas d’inondation là où il est situé. Je suis en surplomb de la ville pas de risque de rester bloqué. Et puis j’ai une vue très dégagée sur le ciel".

 

Un grade d’expert auprès des pompiers du Var

Son travail précis fait de lui un professionnel reconnu. Ce sont même les pompiers du Var qui en juillet 2019 sont venus le chercher.

Lors des événements météorologiques, il fait partie de la cellule d’experts présents pour lire les caprices du temps. Il est la valeur ajoutée locale.

"Il faut anticiper les déplacements des camions de pompiers pour qu’ils soient aux bons endroits, aux bons moments. Ou alors il faut pré-positionner un hélicoptère", explique Yohan Laurito.

Et le jeune homme se régale. On lui a déjà proposé du travail ailleurs, dans d’importantes structures de prévisions. Mais très peu pour lui. Trop besoin d’indépendance.

"C’est sur c’est beaucoup de travail. C’est même un engagement total. Mais j’adore ça".

 

"J’avais rendez-vous avec l’orage"

Et lorsque par hasard il lui reste un peu de temps, Yohan court après les orages. Il en a déjà photographié près de 500 différents. En France, en Italie et peut-être un jour aux États-Unis ou en Australie.

Le cliché dont il est le plus satisfait, une photo prise depuis Notre-Dame de la Consolation, à Hyères, le 14 octobre 2012.

"Ce soir-là j’avais rendez-vous avec l’orage. Je suis monté au pied de Notre-Dame de la Consolation. Le ciel était zébré. Une foudre incessante pendant trois heures. J’ai tout de suite su que les éclairs étaient sur le cliché".

Et c’est vrai qu’elle est jolie cette photo. Presque mystique. Une image de fin du monde.

Et puis il y a aussi ce fabuleux cumulonimbus. Tout noir. En Italie, "moi j’appelle ça un ciel de mort. C’est une structure super cellulaire. Il y a eu une vraie tornade : des arbres couchés, des panneaux arrachés".

Il vous ferait presque froid dans le dos, Yohan Laurito, à vous raconter ces soirées d’orages. "Notre région, c’est la plus foudroyée de France. On a de la chance". 

Et d’ailleurs "la chance" devrait continuer. Le dérèglement climatique va multiplier les phénomènes météorologiques d’importance. De plus en plus d’inondations, de plus en plus d’orages.

Lorsqu’on le lui propose, Yohan Laurito accepte volontiers de faire des conférences dans les collèges. Il était d’ailleurs dernièrement à Saint-Maximin (Var). C’est important pour lui de sensibiliser les jeunes.

"Je les préviens. Le temps ça sera de plus en plus au centre de nos vies. Il va falloir apprendre à vivre avec les inondations", prévient le météorologue éclairé.

 

Une passion d’égoïste

Et comme journaliste un peu curieuse, je me permets une dernière question sur la vie privée. A 24 ans, le jeune météorologue n’a pas de petite amie attitrée. Il est vrai qu’un réveil à trois heures du matin pour partir chasser l’éclair doit en refroidir plus d’une.

Jamais de vacances, des astreintes de nuit, une vie qui ne fait pas forcément rêver les jeunes femmes. "Ma passion est une passion d’égoïste. Ma vie, c’est les orages".

Mais Yohan peut sans doute, pour une fois, se tromper. Le vrai coup de foudre, même après 500 orages, peut-être qu’il ne le connaît pas encore.
 

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