Dans le village de Comps-sur-Artuby, le seul médecin généraliste de la commune a décidé de raccrocher, épuisé par son rythme de travail. Une catastrophe pour une dizaine de villages du Haut-Var et du Verdon, vont bientôt se retrouver en plein désert médical.
"C'est une catastrophe !" soupire Jessica Mallet.
Cette jeune mère de famille est venue depuis Trigance avec ses deux enfants, dont le plus jeune est encore dans un berceau.
"On habite déjà dans un endroit reculé, alors là, ça va devenir compliqué. Il va falloir aller à Draguignan, à près d'une heure de route, mais ça fait loin et même là-bas, les médecins sont pleins et ne prennent pas de nouveaux patients !", soupire la jeune maman.
Neuf villages touchés
Comme elle, une soixantaine d'habitants sont venus manifester leur crainte ce mercredi matin devant la maison de santé, installée au centre de ce village perché du Var. Ils viennent de Comps-sur-Artuby, mais aussi de Trigance, Châteauvieux, La Marte, La Bastide, La Roque Esclapon, Bargème ou même Brenon.
En tout neuf villages de l'ancien canton de Comps, tous très inquiets pour l'avenir de leur santé.
Car avec le départ annoncé du seul médecin généraliste du secteur, environ 2000 habitants vont se retrouver au cœur d'un désert médical.
Crainte d'un désert médical
"On a déjà perdu l'ophtalmologiste il y a 2 ou 3 ans, maintenant c'est au tour du généraliste, qui était un excellent médecin... Ca devient inquiétant pour les gens du secteur. D'autant qu'il sera très compliqué de trouver quelqu'un qui veuille prendre le relais !", s'inquiète Laurent.
"C'était un médecin qui se déplaçait et faisait des visites à domicile. Il y a beaucoup de personnes âgées, donc ça va être très compliqué", ajoute de son côté Christian, venu de Trigance.
Car c'est l'une des particularités de ce territoire : à l'entrée du parc régional du Verdon, il est constitué de petits villages ruraux, situés au nord du Camp militaire de Canjuers, à environ 45 minutes de route de Draguignan.
Médecin épuisé
A l'origine de toutes ces inquiétudes, le départ annoncé du Dr Cristofaro, épuisé par dix ans de bons et loyaux services auprès de la population. Ce dernier n'a pas souhaité s'exprimer, mais selon les habitants, le problème était avant tout une surcharge de travail. "Il en avait assez de travailler 7 jours sur 7, d'assurer les gardes, de ne pas pouvoir prendre de congés faute de remplaçants. II nous en parlait souvent", explique une patiente.
Une charge d'autant plus lourde que le village est situé à une heure de l'hôpital le plus proche (en l'occurrence celui de Draguignan). Le médecin devait parfois assurer des gardes la nuit et le week-end si nécessaire. "Et il devait aussi aller chercher ses médicaments à Draguignan car personne ne voulait le livrer jusqu'ici", précise Christelle Quinchon, infirmière libérale dans le village.
Manque d'anticipation ?
Cette professionnelle, qui a participé à l'installation de la maison de santé, est très remontée contre les élus du secteur. "Cela faisait des années qu'on alertait sur le risque de surmenage du médecin, mais personne ne nous a écouté, personne n'a bougé, et rien n'a été fait pour garder ce médecin malgré nos demandes répétées", s'énerve-t-elle.
"Il y avait des petits aménagements qu'il réclamait comme le fait de pouvoir trouver un remplaçant pour ses congés, la livraison des médicaments. Mais aujourd'hui, c'est trop tard, sa décision est prise, il va partir", se désole cette infirmière, dont l'activité est directement menacée.
Car faute de médecin, plus de prescriptions. Et l'existence même de la maison de santé pourrait être remise en question, car la loi l'oblige à abriter au moins un médecin généraliste en activité.
Des élus "sidérés mais mobilisés"
Depuis l'annonce de son départ, les élus se disent "mobilisés". Alain Barale, le maire de Comps, se dit "surpris et sidéré" de ce départ si rapide du médecin. "Pour nous, c'est un choc. Depuis l'annonce, on discute beaucoup avec l'ARS (Agence régionale de santé), la CPTS (communauté professionnelle territoriale de santé) et l'Hôpital de Draguignan pour trouver au plus vite une solution".
Celui qui est aussi le référent santé auprès de Dracénie Provence Verdon Agglomération assure qu'une réunion est prévue ce vendredi à Draguignan sur ce point. "Deux réunions sont en effet prévues sur ce sujet en fin de semaine", précise-t-on à DPVA, sans pouvoir en dire plus.
Mais pour l'instant, aucune annonce n'a été postée pour tenter de trouver un nouveau praticien. "II y a quelques années, j'avais récupéré la banderole que Figanières avait installé au bord de la route, et grâce à laquelle ils ont trouvé une femme médecin. Je vais sans doute devoir la réinstaller pour Comps!", assure le maire.
Incitations financières en zone prioritaire
Ce dernier compte aussi sur les possibles aides pour faire venir un nouveau praticien.
Les zones qui connaissent les difficultés les plus aigües (dites « zones d’intervention prioritaires ») bénéficient en effet d'incitations financées par l’Assurance maladie. Celles-ci reposent essentiellement sur des avantages pécuniaires.
C'est le cas du secteur de Comps et des village voisins, classés en Zone prioritaire "B" et rattachés à la "zone de santé" de Castellane (en bleu foncé sur la carte ci-dessous).
Le contrat d’aide à l’installation pour les médecins (CAIM) offre par exemple une prime forfaitaire à l’installation d’un montant pouvant atteindre 50 000 euros sur la durée du contrat (contrat d’une durée de cinq ans non renouvelable).
D'après le dernier rapport de l'ARS PACA, dans la Région Sud, environ 40 % de la population, soit environ 2 000 000 personnes, sont désormais couverts par les dispositifs d’aide à l’installation des médecins libéraux.
A voir notre reportage tourné sur place le mercredi 27 janvier 2022: