À Draguignan, la "Mafia des déchets" devant la justice : entre tonnes "détournées" et menaces de mort

Depuis ce lundi 22 novembre, devant le tribunal correctionnel de Draguignan, 17 prévenus dont 7 entreprises sont entendus à la barre dans le procès dit de la "mafia des déchets" dans le Var et les Alpes-Maritimes. 18 sites irrémédiablement pollués y sont répertoriés.

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Des centaines de milliers de tonnes de déblais de chantiers, parfois pollués au plomb ou à l'arsenic, déversés de manière sauvage dans la nature ou chez des particuliers.

C'est le sujet du procès de "la mafia des déchets". Les dix-sept prévenus examinés jusqu'à vendredi au tribunal correctionnel de Draguignan, encourent jusqu'à dix ans d'emprisonnement et un million d'euros d'amende pour infractions pénales et atteintes à l'environnement.

Escroquerie et menaces de mort

Le coup de filet avait été retentissant en juin 2020, lors d'une opération baptisée "Terres brûlées". Les prévenus, dont sept entreprises, sont poursuivis pour abandon et gestion irrégulière de déchets en bande organisée, au titre du code de l'environnement. Mais aussi, sur le plan pénal, pour escroqueries, menaces de mort, de crimes, de délits, ou encore d'extorsions par violence.

"Ce sont des centaines de milliers de tonnes de déchets qui ont été détournées dans des filières illégales", a témoigné Sylvain Dutoit, inspecteur de la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) du Var. Au total, 18 sites, dans le Var et les Alpes-Maritimes, ont reçu des terres mêlées de briques, de bitume ou de plastique, voire de mercure ou de plomb, et sont irrémédiablement pollués.

Le château du Thouar, au Muy dans le Var, en fait partie. Les propriétaires avaient souhaité se faire livrer de la terre pour des plantations. Des dizaines de camions sont alors venu déverser des déchets de démolition contenant "de fortes teneurs en plomb et arsenic", a expliqué M. Dutoit. Les espaces pollués comptent également des zones Natura 2000 et des espaces boisés classés, dont la Réserve naturelle nationale de la Plaine des Maures.

La méthode de la "déballe"

La méthode de "la mafia des déchets" était simple : proposer, via des petites annonces sur Leboncoin ou Facebook, la livraison gratuite de terre. Au lieu de deux ou trois camions, certains sites se transformant en "déballes" ont vu défiler des centaines de poids lourds déversant des déchets issus des chantiers de l'aéroport de Nice ou du futur site Pôle emploi de Cannes La Bocca. Les entreprises répondaient à des appels d'offres pour évacuer ces déblais de chantiers en proposant des prix extrêmement concurrentiels. Au lieu de se conformer à la réglementation qui oblige à recycler, elles s'en débarrassaient à leur guise.

La localisation de ces "déballes" était ensuite communiquée à d'autres sociétés qui venaient vider leurs bennes contre rémunération. La "mafia des déchets" était donc très bien organisée. "Des écoutes téléphoniques ont mis au jour les relations entre les différents protagonistes et leurs méthodes parfois violentes", a souligné le tribunal. Des propriétaires qui protestaient après avoir découvert le désastre étaient intimidés, insultés voire sujets à des menaces de mort : "Je leur ai demandé d'enlever la terre, ils m'ont menacé de m'enterrer dans le terrain", a témoigné l'un d'eux, en marge du procès.

Un autre propriétaire d'un terrain, sur lequel plus de 100 camions sont venus certains jours, s'est vu rétorquer par un des prévenus : "Dans le BTP, nous réglons les problèmes à coups de fusil". Pour le colonel Dominique Lambert de la section de recherche de Marseille, "ces gens n'hésitaient pas à faire preuve de fermeté face aux récalcitrants ou concurrents".

 

Ce sont des personnes qui se structurent avec des sociétés qui vont démarcher les maîtres d'ouvrages tandis que d'autres personnes font les gros bras pour faire peur. C'est une organisation de bande organisée...

explique Mathilde Gauvain, substitut du Procureur de la République de Draguignan.

L'association France Nature Environnement parmi les parties civiles

La fédération du BTP du Var, la ville de Roquebrune-sur-Argens et France Nature Environnement se sont portés partie civile. "On espère que ça servira d'exemple dans la région car c'est d'une ampleur considérable", lâche Céline Le Coq, l'avocate de l'association de protection de la nature.  L'accusation demandera, entre autres, la remise en état des sites pollués.

Certains des prévenus présentent des casiers judiciaire déjà épais, comme cet homme de 34 ans, poursuivi notamment pour "menace de mort" et déjà condamné à sept reprises, entre autres pour violence avec usage d'une arme. Le jugement est attendu pour ce vendredi 26 novembre.

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