Le niveau de l’eau dans les gorges du Verdon inquiète les professionnels du tourisme alors que la saison est lancée. Depuis le début de l'hiver, les précipitations sont rares et insuffisantes, ne permettant pas aux nappes phréatiques de se régénérer.
Ce mercredi 1er juin, c’est la saison météorologique estivale qui débute. Alors que le stress hydrique inquiète les autorités préfectorales, les professionnels du tourisme aux abords des gorges du Verdon, eux, ne se montrent pas plus optimistes.
La préfecture du Var a d'ailleurs rehaussé son niveau d'alerte sécheresse ces dernières heures. Quelque 20 communes varoises sont concernées et ont atteint un niveau jaune, des zones de Riboux et Saint-Zacharie sont indiquées comme étant en crise.
Des eaux pas si profondes
Ils sont loueurs de pédalos, de canoés, professionnels des sports en eaux vives ou de l'hôtellerie-restauration... Tous sont surpris de voir le lac de Sainte-Croix ou les gorges du Verdon, avec un niveau d'eau équivalent à celui d'un mois d'août.
Alors que les canicules et épisodes de fortes chaleurs ne sont pas encore d'actualité, c'est un signe qui ne trompe pas.
Pierre Gorius est le responsable technique de trois bases nautiques. Depuis 10 ans, il a constamment vu le niveau du lac de Sainte-Croix et des alentours évoluer au fil des années. Mais avant d'entamer cette saison 2022, il le constate, le lac "est là, à un niveau que l’on constate d’habitude fin août".
D'un point de vue de la fréquentation, rien à signaler pour le moment : "on n’est pas impacté, car on n’est pas tellement situés sur l’entrée des gorges. Mais nous le sommes au niveau des structures, les bateaux se retrouvent plus loin, mais commercialement, on a pas été touchés pour le moment. Pour l'instant, c’est juste du confort, maintenant il faut faire 30 mètres pour rejoindre les bateaux, alors qu’avant il fallait en faire 10".
Il me semble qu’il doit y avoir 4 ou 5 mètres d’eau en moins.
Pierre GoriusResponsable technique de 3 bases nautiques
Des sites ou des activités plus du tout conseillés
Pierre Gorius a vu également au fil des années des endroits ouverts à la navigation se refermer : "alors que l’on proposait avant à nos clients de faire le tour de l’île des Salles, maintenant ce n’est plus possible. L’île est devenue une presqu'île, donc on le déconseille. On va aussi déconseiller aussi, à force, d'aller dans le grand canyon. Il y a tellement peu d'eau qu'on ne pourra plus y aller."
Sur cette image satellite, l'île de Costebelle est désormais reliée par une épaisse bande de sable au reste du territoire.
Sur des clichés plus anciens, toujours pris depuis l'espace, on constate que ce changement de géographie s'est opéré ces toutes dernières grâce à la baisse du niveau d'eau.
Un barrage qui fait la pluie et le beau temps
Certaines activités sont conditionnées aux lâchés d'eau générés par EDF. L'opérateur national contrôle cinq barrages qui parsèment le Verdon, à Castillon, Chaudanne, Sainte-Croix, Quinson et Gréoux-les-Bains.
"Il n'y a pas eu de neige, il n'y a pas eu de pluies non plus. Le niveau est réglé par le barrage qui remplit ses lacs au printemps, pour qu'ils soient pleins pour l'été, et ensuite ils font des lâchés selon les besoins électriques, et le niveau des entrants." commente Olivier de la société Aquarêve.
Si on regarde dans sur le Var, les niveaux sont très bas aussi, ce n'est pas que dans le Verdon que l'on constate ces problèmes.
OlivierSociété Aquarêve
"Il y a un manque d'eau pour l'activité, et pour la vie en général" se désole ce professionnel des sports en eaux vives. Lui qui propose des différentes activités (telles que l'hydrospeed, du paddle ou du kayak) anticipe déjà de devoir se passer de quelques-unes de ces débouchées.
"Les randonnées aquatiques, ce sont des activités que l'on fait quand il n'y a pas de lâchés d'eau. Donc je pense que l'on aura toujours assez d'entrants pour que le Verdon coule un petit peu" concède t-il.
"Pour l'instant, on n'a pas fait de rafting au printemps. C'est possible que l'été prochain on n'est pas - ou très peu - de journées de raft." poursuit Olivier.
Manque d'eau... Mais pas que
En tout une soixantaine d'embarcations réparties sur trois bases sont sous la responsabilité de Pierre Gorius. La sécheresse emporte avec elle son flot de contraintes.
"Pour nous, le plus gros problème n'est pas forcément le manque d'eau, même si c'est lié à ça. On a une base, celle de la plage de Saint-Julien, dont l'accès se fait à travers un massif forestier. Quand c'est en sécheresse, il est fermé. la pire des années on a eu 45 jours fermés, en juillet/août, en gros on a plus de la moitié de nos activités qui sont partis en fumée." explique cet amoureux des activités nautiques.
"En tant que professionnels, on a la droit d'aller sur place, pour faire traverser les bateaux le matin pour aller les faire louer sur une autre base. Mais sur nos 30 bateaux, on n'en fait même pas traverser une dizaine, c'est vraiment juste pour sauver les meubles" termine Pierre Gorius.
Aucun impact sur les réservations
A quelques jours de l'été, le carnet de réservations est pourtant bien rempli. Que ce soit dans les campings, les restaurants ou sur les bases nautiques, on se félicite de voir revenir une clientèle qui aura boudé, pendant deux années de Covid, certaines destinations hexagonales.
"On a un peu plus d’étrangers, cette année, avec un peu plus d’Allemands de Suédois" lâche un des responsables de centre de loisirs. Pour cette employée d'un camping à deux pas de l'eau, cet aspect environnemental "n’a aucun impact au niveau des réservations, cela va dépendre de l’affluence, mais pour nous, cela commence à déjà être bien rempli."
D'autres y voit un léger avantage : "il y aura plus de plages pour accoster pour nos clients."
Le bas des gorges un peu plus épargné
Nicolas Soulle côtoie ces reliefs chaque saison, depuis des années. Pour lui, la problématique du manque d'eau n'a pas encore révélé l'ensemble des difficultés à venir. Pour l'instant, il en est presque épargné, mais pour encore combien de temps?
"Nous sommes dans les basses gorges du Verdon, et normalement ici, il y a toujours 15 à 20 mètres de fond, on est tout en bas, donc on n’est pas vraiment impacté. Normalement, avec EDF, on est obligés d’avoir une 'côte touristique', comme ils l’appellent, pour que l’on puisse travailler. C’est à dire qu’ils doivent nous maintenir un niveau d’eau assez haut pour que l’on puisse sortir les bateaux du ponton."
A proximité du barrage, sa base nautique sur les bord du lac de Quinson, à Montmeyan plage, est l'une des plus conséquentes des environs : "On est une grosse base nautique, on a une centaine de canoés, 46 bateaux et 23 pédalos."
C'est surtout le "hors saison" qui l'inquiète, lui qui a du prendre des dispositions à l'hiver pour pouvoir travailler normalement, une fois les beaux jours revenus : "Tous les 5 ans, et cet hiver heureusement nous l’avons fait, nous faisons draguer le lac, une équipe vient de Bretagne qui est obligée de venir évaser les abords du ponton, sinon, on ne peut plus travailler. Heureusement qu’on l’a fait cet hiver, sinon on aurait pas pu travailler en avril, le niveau était bien trop bas. Il aurait fallu attendre que les turbines du barrage soient mises en route."
Le hors saison, c’est un peu compliqué pour nous, pour sortir les bateaux et les rentrer, avec le manque d’eau, ça nous gêne vraiment.
Nicolas SoulleGérant d'une base nautique
Nicolas Soulle croise les doigts pour voir arriver sur ces terres des pluies abondantes dans les mois à venir. "En septembre, à moins qu’il y ait de la pluie en abondance, mais ce n’est pas prévu, je pense que l’on va être vraiment par terre. On se pose des questions si on va réussir à travailler en septembre." explique t-il.
Les vacances n'ont déjà pas commencé que tous pensent déjà à la rentrée.