"Il y a des conditions climatiques qui sont particulières" : triste nouvelle pour les nids de tortue marine dans le Var

Les 98 œufs du nid de tortues Caouanne installé sur une plage protégée d'Agay dans le Var n'ont pas connu de développement embryonnaire. D'autres, toujours nichés sur des plages du département, ont connu le même sort. Fin de belles histoires.

Dans la nuit du dimanche 11 août dernier, une tortue marine Caouanne (Caretta caretta) a été observée en cours de
ponte sur la plage de la Baumette à Agay. Il s’agissait d’une première dans ce secteur et ce site classé Natura 2000. Des pontes ont déjà eu lieu à Fréjus et à Saint Aygulf.
Le lieu de ponte avait immédiatement été sécurisé par les services municipaux et était très suivi par Sidonie Catteau, coordinatrice du "Réseau Tortues Marines de Méditerranée Française" (RTMMF).

Une caméra avait été installée sur site par l'observatoire marin d'Estérel Côte d'Azur Agglomération pour assurer une protection continue des œufs, garantissant ainsi que ce nid soit gardé en toute sécurité jusqu’à l’éclosion.

Un capteur glissé dans le sable permettait de contrôler la température du nid et donc la durée d'incubation.

Mais tout ceci n'a pas pas empêché la nature de choisir. 72 jours après la ponte, lors d'un contrôle du nid, notamment pour évaluer si les coups de mer de ces derniers jours avaient eu un impact sur celui-ci, le verdict est tombé.

Les résultats de cet examen direct ont montré qu’il n’y avait plus de développement embryonnaire. Le nid a donc été excavé et une analyse plus approfondie de celui-ci et des 98 œufs qui s’y trouvaient est en cours suivant le protocole scientifique de l’observatoire des tortues marines de France métropolitaine.

Selon les spécialistes, les températures enregistrées par les loggers, ces capteurs placés sous le sable à proximité du nid, l’hypothèse de l’impact des températures d’incubation trop basses, létales pour les embryons, reste la plus probable. 

Les températures estivales ont rapidement laissé la place à une arrière-saison froide et humide, avec des températures de 19°C enregistrées sous le sable.

Cette année, il y a des conditions climatiques qui sont particulières. Au mois de septembre, les températures ont baissé brutalement et il y a beaucoup plus de coups de mer que d'habitude. Plus la température est haute, plus la durée d'incubation est courte, et inversement.

Sidonie Catteau, biologiste.

France 3, 10 octobre 2024.

Malgré les 35 cm de sable qui recouvraient le nid et qui ont permis de garder la chambre d’incubation "au sec", l’ensemble des embryons est décédé en cours de développement.

Au total, 98 œufs ont été comptabilisés avec un taux de développement embryonnaire remarquable, proche de 90%. 

Une autre ponte

Autre mauvaise nouvelle du côté de la plage de l'Almanarre, à Hyères, toujours dans le Var. Pondus le 20 juillet, les premiers tortillons ont percé la surface le 5 octobre.

L'association Emergence avait partagé la bonne nouvelle sur leurs réseaux sociaux : des petits tortillons de l'espèce caouanne sont nés et ont gagné la mer la nuit du 5 au 6 octobre.

Des naissances tardives qui ont été un soulagement pour les équipes. La crainte était qu'aucune tortue n'éclose dans le nid de l'Almanarre.

Une période d'incubation particulièrement longue, de près de 76 jours, contre une cinquantaine en moyenne.

Les cinq jours et nuits qui ont suivi, plus aucune activité ne fut observée dans le nid. Les équipes coordonnées par le Parc national de Port-Cros et Porquerolles ont pour autant continué leur veille. Le 11 octobre, le nid est finalement excavé par l’Association Émergence, qui coordonne les actions du Réseau Tortues Marines de Méditerranée Française afin de procéder aux prélèvements scientifiques.

Bilan : aucun tortillon n’est observé en cours d’émergence, et l’ensemble des œufs est agglutiné sur le fond de la chambre d’incubation. Fin de l'histoire.

Le nid de l’Almanarre était constitué de 91 œufs, dont 40% sont décédés pendant le processus d’éclosion. Mais l'histoire retiendra les premières naissances !

Le Var "place to be"

En 2023, quatre sites de pontes sur les huit identifiés sur le littoral méditerranéen français (hors Corse), étaient localisés sur le secteur, au niveau de la plage de l’Almanarre, de la Bergerie, de La Capte et de la plage Noire (île de Porquerolles). 

De nouveau, en 2024, deux nids sur sept sur le littoral au total, auront été identifiés sur les plages de l’Almanarre, ainsi qu’une femelle tortue signalée en train de monter sur l’arrière plage dans le même secteur.

Nouveau phénomène

Ces tortues caouannes qui viennent pondre sur les côtes françaises est un nouveau phénomène. Cette espèce pond généralement plus au sud, comme la Grèce par exemple. Des tortues juvéniles et les sub-adultes en phases d'alimentation étaient régulièrement observés près du littoral français, mais jamais de nids. "Ces dix dernières années, nous avons commencé à voir des adultes matures sexuellement, puis des accouplements. Et puis en 2023, il y a eu 14 épisodes d'activités de pontes", explique Sidonie Catteau.

Ce phénomène s'observe aussi en Italie et en Espagne. Les raisons de ce changement de comportement sont encore difficiles à déterminer par les scientifiques. Parmi les hypothèses, des femelles exploratrices qui étendraient leur zone de ponte ou encore le réchauffement climatique.