Des chômeurs qui entretiennent des oliviers et des figuiers menacés et font pousser des légumes et des fruits malgré le manque d'eau : une association fait vivre sur l'île de Porquerolles (Var) un laboratoire de développement durable.
Au centre de la petite île méditerranéenne, au sud de Hyères, Bruno Bernazeau, qui encadre le projet Copains (Collections patrimoine insertion) de l'association de sauvegarde des forêts varoises (ASDFV), veille sur une collection d'oliviers. Le Var est le département qui réunit le plus grand nombre de variétés françaises d'oliviers, et Porquerolles en compte 92, ainsi qu'une quinzaine d'oliviers d'autres pays méditerranéens.
"Des séquençages génétiques sont faits sur les arbres, dans le cadre notamment d'un programme de recherche sur le changement climatique par rapport à leur date de floraison", explique M. Bernazeau. C'est pour sauver cette collection exceptionnelle de variétés de terroir, souvent abandonnées au profit d'autres plus "performantes", que le Parc national de Port-Cros a fait appel, en 2014, au chantier d'insertion de l'ASDFV.
Mais l'association veut aller plus loin, et profiter du fruit de ces arbres. "Notre idée c'est de créer une activité qui nous permette d'être moins dépendant des fonds publics qui diminuent, et donc développer la production et le chiffre d'affaires", explique Agnès Aujard, directrice de l'ASDVF. L'association n'embauche pas des ouvriers agricoles expérimentés mais "des personnes en rupture professionnelle". Chômeurs de longue durée, jeunes sans diplômes ni minimas sociaux se voient proposer un contrat de six mois, renouvelable une fois.
Dans l'ancienne parcelle d'un maraîcher parti à la retraite, Copains fait pousser des fruits et légumes bio. Une révélation pour Thierry Julien, 51 ans, embauché par Copains après un licenciement économique il y a trois ans, et devenu depuis assistant technique du projet. "J'ai travaillé vingt ans dans le commerce, aujourd'hui je ne pourrais plus être sous les néons toute la journée", confie-t-il.
"Un tremplin"
Catherine Durand, une autre quinquagénaire, trouve "ressourçant de travailler la terre", et "valorisant de produire de A à Z : du semis à la récolte, en plus du bio !" Mais elle ne compte pas forcément poursuivre dans cette voie.
"C'est un tremplin plus qu'une formation au maraichage pour leur donner confiance, leur remettre le pied à l'étrier", explique Nicolas Cayon, un autre encadrant. A la fin de leur contrat, la moitié des salariés de l'ASDVF trouvent un emploi ou une formation qualifiante.
Machinalement, Nicolas Cayon vérifie le bon état de ses canalisations d'arrosage. La ressource en eau est l'une de ses principales préoccupations : "on est en lien permanent avec le parc national pour vérifier le niveau de la nappe et de nos réserves".
Par arrêté préfectoral, la consommation d'eau sur l'île est limitée à 30 m3 d'eau par jour pour deux hectares de terres. Grâce à un espacement intelligent des plants et à un paillage plastique au sol pour éviter l'évaporation, le pari est tenu.
"Ce qu'on vit sur l'île en termes de ressources en eau, on va le vivre sur le continent dans quinze-vingt ans", assure Agnès Aujard.
En termes de vente aussi, le fait de produire sur une île apporte son lot de contraintes, que Copains transforme en argument de vente : "On est très attachés au circuit court, d'autant plus qu'aller vendre sur le continent revient cher et demande une grosse logistique", explique Nicolas Cayon.
Deux fois par semaine, les 250 Porquerollais ou les touristes (1 million par an) peuvent acheter les produits de Copains au marché, en vente directe.
L'association fournit aussi plusieurs restaurateurs dont Laurent Millier, traiteur en charge du bistrot de la Fondation d'art Carmignac. Il se félicite de la venue de Copains : "en habitant sur une île comme ça, on fait attention à l'eau, on fait attention à l'énergie. C'est vraiment un engagement qu'on prend avec la nature (...) c'est rendre à Porquerolles ce que Porquerolles nous a donné", conclut-il.
Copains fourmille de projets pour l'avenir, surtout pour assurer sa survie économique puisque le projet n'est pas bénéficiaire quatre ans après son lancement. L'ASDFV veut intensifier la production de produits transformés (ratatouille, huile d'olive) et développer l'agroforesterie (association d'arbres et de cultures ou d'animaux) sur une parcelle alternant figuiers et melons.