Prison ferme, amendes sévères, les condamnations pour braconnage d'oiseaux protégés, en particulier de rouges-gorges se succèdent depuis ce début d'année dans le Var. On fait le point sur les raisons de ces braconnages.

Ce 22 février, un braconnier qui chassait des oiseaux protégés, notamment à la glu ou avec des pièges, a été condamné à un an de prison ferme à Toulon. "Une première en France", selon la Ligue de protection des oiseaux. Cet agriculteur retraité de 76 ans était absent de son procès pour cause de maladie.

"On a voulu faire un exemple, on a tapé fort", a estimé son avocat, qui a regretté "un mépris des traditions", faisant valoir que son client, une personne âgée, n'avait "pas les mêmes références en termes d'environnement qu'une personne de 30 ans".

Me Elodie Gozzo.

Pour Eric Hansen, directeur de l’Office français de la biodiversité en PACA,  "ce n'est pas pour cet homme une situation exceptionnelle, il avait 2.000 pièges chez lui, les fabriquait, et clairement, ce n'était pas pour sa consommation personnelle". Cette personne n'était plus titulaire d'un permis de chasser puisque celui-ci lui avait été retiré lors de condamnations précédentes.

Eric Roux, ingénieur environnement également à l'OFB, véritable policier de l'environnement dans le Var, estime lui que "les parquets sont plus sensibles à ces causes, la justice n'est pas plus sévère en ce moment, mais disons que les textes sont plus strictement appliqués et que la cause est mieux entendue car il y a clairement une prise de conscience collective de la situation de ces espères visées."

En janvier dernier, un autre homme qui braconnait en 2017 des rouges-gorges sur l'île de Porquerolles toujours dans le Var, avait aussi été condamné.

3 ans d'enquête

L'enquête qui a permis cette condamnation, débute en janvier 2019 sur la commune de La Crau, non loin de Toulon dans le Var. 

Suite à un signalement, les agents du service départemental de l'OFB interpellent un homme en train de capturer des oiseaux à l'aide de nombreux pièges en fer appâtés avec des aludes (fourmis volantes).

Ces pièges, très prisés des braconniers, permettent de capturer des espèces protégées, notamment des rouges-gorges ainsi que des grives et des merles. "Sur un petit chemin en sous-bois, ils peuvent en installer une série, jusqu'à plusieurs centaines", précise Eric Roux. "Le braconnier reste sur place, et remonte cette ligne de piégage en quelques heures, ses captures peuvent être conséquentes. Les pièges se font aussi dans les oliviers".

1 903 pièges saisis dans cette enquête, ce qui représente probablement la plus importante saisie de ce type en France. 17 armes de chasse, du matériel pour la fabrication de pièges à oiseaux et des boîtes d'appâts sont également confisquées.

Outre les rouges-gorges (75 bêtes sont retrouvées dans son congélateur), que le prévenu attrapait à l'aide de pièges, le braconnier pratiquait aussi la chasse à la glu pour une autre espèce protégée, le tarin des aulnes

Douze spécimens de cette espèce sont également trouvés vivants dans une cage chez lui.

Le Tarin des aulnes (Spinus spinus) est particulièrement recherché en raison de son plumage coloré et il est considéré comme une espèce rare. 

Des spécimens sauvages de ce bel oiseau coloré sont capturés à l'aide de différentes techniques (filets japonais, pièges, glu...) et sont ensuite détenus le plus souvent dans des conditions inadaptées à leur biologie. Ceux qui survivent sont directement vendus ou utilisés pour la reproduction.

Sur la table à Noël

Pour qui ne connait pas forcément les us et coutumes de la région, entendre dire que l'on braconne les petits rouges-gorges et autres oiseaux des jardins, peut surprendre et poser question. 

Si on le connait pour être un joli modèle de carte de voeux et illustration d'ouvrage pour enfant, le rouge-gorge familier (Erithacus rubecula) est aussi, un passereau consommé pour sa chair.

Quand j'étais enfant, mon grand-père m'en parlait toujours, il ne concevait pas qu'un repas de Noël ne se fasse sans ce met délicat... On peut comparer cette tradition à celle de l'ortolan dans le Sud-Ouest.

Eric Hansen, de l'Office français de la biodiversité.

Le rouge-gorge se consomme généralement en brochettes de six individus, négociées entre 40 et 50 euros pièce. Le braconneur condamné cette semaine, en avait d'ailleurs des barquettes toutes prêtes... "Certains trouvent que quand c'est interdit, c'est meilleur"... regrette Eric Roux, l'un des 13 agents varois de l'OFB. 

L'ortolan est lui gavé pendant trois semaines avant d'être rôti et servi dans une cassolette, on le mange d'un coup : tête, os et corps compris, avec une serviette sur la tête.

Les oiseaux prenant plus de risque pour se nourrir en hiver et venant au sol pour capturer insectes et vers, "la saison" de leur capture se passe à cette époque de l'année.

C'est essentiellement dans les Bouches-du-Rhône et dans le Var que les amateurs se régalent de cette chair. Traditionnellement c'est toute la famille des passereaux (rouges-gorges, moineaux, pinsons…), sous la dénomination de becs-fins, qui satisfait les amateurs.

En fond musical

Les chardonnerets (également protégés), sont quant à eux recherchés non pour leur chair mais leurs vocalises. On les capture à l’aide de gluaux et un marché noir bien rodé se charge de trouver preneur. "Pour nos agents, c'est aussi un grosse part du travail de lutte contre le braconnage et le trafic des espèces", précise Eric Hansen.

La vente de chardonneret vivant est un commerce international très important et lucratif : c'est une espèce dont les effectifs sont en forte diminution, très recherchée par les collectionneurs, et dont un seul spécimen peut se négocier 1000 euros s'il est très bon chanteur. 

Une protection

Grives, rouges-gorges ou fauvettes à tête noire, sont depuis 1976 des animaux protégés. 

Selon l'OFB, après "la destruction de leur habitat, la capture et la commercialisation sont des causes majeures du déclin de ces espèces dans la nature". 

Dans un contexte général d'érosion de la biodiversité, le code de l'environnement interdit notamment la destruction mais aussi la capture de ces espèces protégées. La peine encourue pour ce délit est de 3 ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende,

précisent les inspecteurs de l'environnement de l'OFB 83.

Précisons que selon le Code de l'Environnement, le braconnier, mais aussi ses clients ainsi que tous les maillons de la filière (transporteurs ou revendeurs), sont passibles d'emprisonnement et d'amendes.

Selon une étude de l’association BirdLife (« The Killing »), le nombre d’oiseaux illégalement "prélevés" sur le territoire français s’échelonnerait entre 149.000 à 895.000 par an.

Pour le président de la LPO Yves Verilhac, "la France est un des pires pays d'Europe pour le braconnage d'oiseaux, avec l'Italie et l'Espagne".

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