Coronavirus : la chauve-souris toujours pointée du doigt, coupable idéal depuis la nuit des temps

Dès le début de l'épidémie de Covid-19, l'hypothèse que le coronavirus proviendrait de la chauve-souris a été privilégiée. Dans un documentaire, le spécialiste et cinéaste Tanguy Stoecklé défend l'image de l'animal, loin des clichés du vampire, buveur de sang et pourtant objet de laboratoire.

La chauve-souris, et particulièrement le grand rhinolophe, est-elle à l'origine de la pandémie de Covid-19, qui a frappé la planète toute entière ?

Selon la plupart des scientifiques, le nouveau coronavirus a probablement été transmis à l'homme depuis un animal. La chauve-souris fait figure de suspect idéal, mais aujourd'hui, il n'y a toujours pas de confirmation.

L'Institut de virologie chinois de Wuhan, d'où est parti l'épidémie, étudie certains des pathogènes les plus dangereux du monde. Il possède trois souches vivantes de coronavirus de chauve-souris, mais aucune ne correspond au Covid-19, affirmait encore sa directrice le 13 mai. 

Le Covid transmis de l'animal à l'homme

"Sur un rhinolophe de Chine, on a retrouvé un virus, qui pourrait être l'ancêtre du virus responsable de l'épidémie de Covid-19 chez les humains, mais pas le même", indique l'épidémiologiste, François Moutou.

"On pense que c'est de ce côté qu'il faut chercher, mais il faut surtout chercher comment le passage de l'un à l'autre s'est réalisé car clairement, les deux virus sont différents".

La chauve-souris possède un système immunitaire particulièrement efficace. On lui attribue la responsabilité de nombreuses épidémies, en raison du fait qu'elle peut être porteuse de virus pathogènes, sans en être affectée.

Mais pour le cinéaste Tanguy Stoecklé, spécialiste de l'animal et auteur du documentaire Une vie de Grand Rhinolophe, "il est très peu probable que la chauve-souris soit à l'origine de l'épidémie"

"Entre les deux virus, il y a 4 % de gènes différents, c'est énorme, si on compare avec les 2 % de gènes qui nous séparent du chimpanzé".

Depuis le début de la pandémie de Covid-19, Tanguy Stoecklé s'insurge contre les nombreux articles de presse négatifs qui accusent la chauve-souris.

Le spécialiste explique que l'animal joue un rôle essentiel dans l'environnement. Il se nourrit des insectes, mais il joue aussi un rôle de pollinisation, comme avec la fleur du calebassier. "Elle ne s'ouvre que la nuit, la chauve-souris se nourrit de son nectar et pollinise la fleur".

La Camargue, "nid" à chauves-souris

Dans le cadre du programme européen Life, Tanguy Stoecklé a filmé une colonie de Grands Rhinolophes pendant quatre ans, en Camargue.

"La Camargue est le seul endroit où subsistent encore cinq colonies de Grands Rhinolophes, sur tout le pourtour méditerranéen français", explique le cinéaste.

"La chauve-souris est très difficile à observer, il faut de longues heures de patience et de discrétion, c'est aussi pourquoi elle intrigue depuis des siècles". Le documentaire La vie du Grand Rhinolophe a été plusieurs fois primé en 2014 et 2015. Il est aujourd'hui disponible, gratuitement, sur YouTube.

"J'espère que ça permettra de sortir des clichés et de la mauvaise image des chauves-souris", confie le réalisateur.

Une chauve-souris "diabolisée"

Dans la culture occidentale, la littérature, puis au cinéma, la chauve-souris est un animal malfaisant, diabolique. Si les anges ont des ailes à plumes, le diable est représenté avec celles des chauve-souris. 

"C'est dans la culture judéo-chrétienne, qui oppose le bien et le mal", explique Tanguy Stoecklé, "elle est cataloguée avec d'autres animaux qui vivent la nuit, comme la chouette également".

Selon le spécialiste, la chauve-souris souffre d'une mauvaise image parce que c'est un animal difficile à observer : "Souvent, on ne voit qu'une ombre furtive, la nuit et lorsqu'on peut l'apercevoir, on ne voit qu'une masse mouvante".

Son hybridité aussi, intrigue. C'est le seul mammifère volant, moitié oiseau, moitié souris.

Depuis la nuit des temps, on attribue à la chauve-souris des vertus maléfiques qui porteraient malheur. Dans la Rome antique, elle était considérée comme apparentée au diable.

La chauve-souris entre mythe et légende

Parmi les mythes et légendes, on retrouve pêle-mêle que "si elle se cogne sur la fenêtre d'un malade, celui-ci mourra"; ou encore que "lorsqu'une chauve-souris vole près de vous, cela signifie que quelqu'un vous a trahi ou ensorcelé".

La chauve-souris serait une vampire, capable de mordre le cou pour boire le sang. "Il y a au moins 1.400 espèces de chauve-souris dans le monde", explique Tanguy Stoecklé

"Trois espèces, dont deux très rares, découvertes uniquement en Amérique du sud, sont surnommées "vampires" parce qu'elles boivent du sang et à elles seules, elles donnent une mauvaise image des chauves-souris".

A l'occasion du tournage d'un prochain documentaire en Amérique latine, le réalisateur a rencontré une "vampire". "Elle était posée sur le dos d'une ponette qui avait une égratignure sur la jambe. Elle s'est agrippée et a léché la blessure. Ca n'avait pas l'air de déranger la ponette", raconte Tanguy Stoecklé.

Un mythe affirme encore que les chauves-souris s'accrochent aux cheveux des femmes. C'est entièrement faux, aujourd'hui, on parlerait de fake news. "C'était pour faire peur aux jeunes filles, pour qu'elles ne sortent pas la nuit", rassure le spécialiste.

Si la chauve-souris est diabolisée en Occident, d'autres cultures, notamment indiennes ou chinoises, considèrent qu'elle porte bonheur et prospérité et ceux, pour les mêmes raisons que les occidentaux. En Chine, "chauve-souris" s'écrit "biān fú" et "fú" signifie bonheur.

"Aujourd'hui encore, en Chine, lors d'un mariage, il est fréquent de voir la mariée porter un blason avec cinq chauves-souris qui représentent : longévité, richesse, santé, bonheur et une mort sans souffrance".

Les études scientifiques

La chauve-souris n'a guère intéressé les chercheurs pendant longtemps, peut-être à cause des difficultés d'observation. Mais depuis une trentaine d'années, elle connaît un regain d'intérêt pour les scientifiques.

Chaque année, de nouvelles publications révèlent des pouvoirs insoupçonnés de cet animal, notamment son système immunitaire terriblement efficace.

"Une étude actuelle révèle que l'efficacité de son système immunitaire serait liée à son vol battu (battement répété de ses ailes), qui demande énormément d'énergie", explique Tanguy Stoecklé. Une autre étude a permis de découvrir que deux enzymes réparent en permanence l'ADN de la chauve-souris. 

"C'est une des raisons pour lesquelles, elle ne peut pas avoir de cancer. Une chauve-souris peut vivre 40 ans et ne meurt pas de vieillesse", assure le spécialiste.

Ce grand défenseur de la chauve-souris est persuadé qu'elle n'est pas responsable de la pandémie de Covid-19.

En revanche, il s'interroge et se demande si l'homme n'aurait pas été capable de transmettre le SARS-COV2 à l'animal, qui en retour, l'aurait contaminé...
 
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